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12/02/2013 | FRANCE | N°11MA00595

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 12 février 2013, 11MA00595


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 11 février 2011 sous le n° 11MA00595, régularisée le 15 février 2011, présentée par MeA..., de la

SELARL Lestrade -A..., pour la commune de Nice, représentée par son maire en exercice ;

La commune de Nice demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902398 rendu le 26 novembre 2010 par le tribunal administratif de Nice en tant que :

- il a annulé, à la demande de Mme C...B..., le titre de recettes n° 4275 d'un montant de 15 522,59 euros émis à l'encontre de celle-ci le 13 av

ril 2009 ;

- il a rejeté par voie de conséquence ses conclusions indemnitaires reconvention...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 11 février 2011 sous le n° 11MA00595, régularisée le 15 février 2011, présentée par MeA..., de la

SELARL Lestrade -A..., pour la commune de Nice, représentée par son maire en exercice ;

La commune de Nice demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902398 rendu le 26 novembre 2010 par le tribunal administratif de Nice en tant que :

- il a annulé, à la demande de Mme C...B..., le titre de recettes n° 4275 d'un montant de 15 522,59 euros émis à l'encontre de celle-ci le 13 avril 2009 ;

- il a rejeté par voie de conséquence ses conclusions indemnitaires reconventionnelles ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de Mme C...B..., en disant et jugeant qu'elle est redevable de la somme de 15 522,59 euros correspondant à un

trop-perçu au titre de la période courant du 1er février au 30 novembre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi modifiée n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, notamment son article 4 ;

Vu le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité et de congé parental des fonctionnaires territoriaux ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2013 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public ;

1. Considérant que la commune de Nice a émis le 23 avril 2009 à l'encontre de

Mme C...B..., contrôleur territorial titulaire, le titre de recettes n° 4275, d'un montant de 15 522,59 euros, relatif à un indû correspondant aux traitements qu'elle a perçus à tort sur la période courant de février à novembre 2008, alors qu'elle était placée en position de disponibilité depuis le 1er février 2008 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, d'une part, a annulé le titre de recettes susmentionné, d'autre part, a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme B...tendant à la condamnation de la commune de Nice à lui payer une indemnité de 12 418 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des négligences de son employeur, ensemble a rejeté les conclusions reconventionnelles de la commune de Nice tendant à la condamnation de Mme B...à lui verser la somme susmentionnée de 15 522,59 euros ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; qu'en conséquence, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu'en revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement ; que le maintien indû du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions de l'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation ; que dans ce cas, il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'un agent placé en position de disponibilité pour convenance personnelle, par une décision explicite en ce sens et n'étant plus de ce fait en position d'activité, ne peut nécessairement toucher un quelconque traitement, en l'absence de tout service fait ; que, dans ces conditions, le fait pour l'administration de continuer à émettre, au bénéfice de cet agent pourtant placé en disponibilité pour convenance personnelle, des feuilles de paye et de maintenir par voie de conséquence à tort le versement de son traitement, constitue une erreur de liquidation non créatrice de droits ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que MmeB..., bien que placée du 1er février 2008 au 1er février 2009 en position de disponibilité pour suivre son conjoint par une décision du maire de Nice en date du 12 décembre 2007, a continué à percevoir son traitement et les indemnités et primes afférentes à ses fonctions, malgré l'absence de service fait, sur la période courant du mois de février 2008 au mois de novembre 2008 inclus ; qu'il appartenait dans ces conditions à l'administration communale de corriger cette erreur de liquidation non créatrice de droits et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement ; que la circonstance que, lors de ces versements erronés de traitements mensuels sur une période de dix mois, un changement d'échelon à l'ancienneté ait été automatiquement opéré pour déterminer l'indice du traitement, constitue également une erreur de liquidation non créatrice de droits ; que Mme B...n'est donc pas fondée à invoquer ses droits acquis en soutenant que le titre exécutoire en litige, daté du 23 avril 2009, aurait été émis tardivement au-delà du délai de quatre mois susmentionné ; que la commune appelante est en revanche fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a annulé le titre exécutoire en litige pour violation desdits droits acquis ;

5. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...ne pouvant nécessairement exercer ses fonctions, compte-tenu de son placement en disponibilité, ne pouvait, par suite, prétendre au versement de son traitement et des indemnités de fonctions afférentes, en l'absence de service fait ; que dans ces circonstances, le maire de Nice, qui n'a pas le pouvoir d'accorder des remises sur des créances communales sauf dans les cas prévus par le code général des collectivités territoriales, était tenu de poursuivre le remboursement des sommes ainsi illégalement versées ; que compte-tenu de cette compétence liée, est inopérant le moyen de

Mme B...tiré de ce que le titre exécutoire en litige méconnaît l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 aux termes duquel : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que le jugement attaqué a annulé le titre exécutoire en litige pour un second motif tiré de la violation de cet article 4 ;

6. Considérant qu'il résulte qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens de MmeB... ;

7. Considérant, d'une part et ainsi qu'il a été dit, que Mme B...n'est donc pas fondée à invoquer ses droits acquis en soutenant que le titre exécutoire en litige, daté du

23 avril 2009, aurait été émis tardivement au delà du délai de quatre mois susmentionné ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que le montant de 15 522,59 euros réclamé par ce titre, correspondant aux sommes indûment versées sur la période courant du mois de février 2008 au mois de novembre 2008 inclus, n'est pas sérieusement contesté dans son quantum ;

8. Considérant, d'autre part, que compte tenu de la compétence liée susmentionnée, non seulement le moyen tiré de la violation de l'article 4 précité est inopérant, ainsi qu'il a été dit, mais aussi qu'il en va de même du moyen tiré de l'insuffisante motivation du titre en litige, en ce qui concerne notamment le fondement de la créance et la base de sa liquidation ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a annulé le titre exécutoire en litige et qu'il y a lieu pour la Cour de rejeter la demande en annulation dudit titre exécutoire de MmeB..., sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune tirée de l'absence de recours préalable, fin de non-recevoir au demeurant...;

Sur les conclusions indemnitaires de MmeB... :

10. Considérant que, quand l'administration, comme en l'espèce, ne commet pas d'erreur de droit en demandant à son agent le remboursement de sommes indûment perçues, toutefois, si la perception prolongée par cet agent de cet indû est principalement imputable à la carence de l'administration et si cette perception prolongée a pu provoquer des préjudices suffisamment directs et certains, le juge du plein contentieux peut alors réduire le montant du titre de perception, en fonction des fautes imputables à l'administration ;

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la commune de Nice a continué à verser la rémunération de Mme B...en l'absence de service fait, malgré son placement en disponibilité pour suivre son conjoint, et alors même que cette dernière avait signalé par deux fois son changement d'adresse ; que la carence de l'administration est ainsi démontrée et de nature à engager sa responsabilité ;

12. Considérant toutefois, et en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la période de perception de l'indû a été courte et que l'intéressée, par les éléments qu'elle verse au dossier, n'établit pas sérieusement que, sur cette période de 10 mois seulement, le versement de cet indû lui ait provoqué un quelconque préjudice financier, ou des troubles dans les conditions d'existence, ni même un préjudice moral ; que dans ces conditions, en l'absence de préjudice suffisamment certain, Mme B...n'est pas fondée à réclamer à la Cour une réparation indemnitaire à hauteur de 12 418 euros, sous forme de condamnation de la commune ou de réduction du montant du titre en litige ; que la circonstance déjà évoquée que, lors des versements erronés de traitements mensuels sur une période de dix mois, un changement d'échelon à l'ancienneté ait été automatiquement opéré pour déterminer l'indice du traitement, ne saurait non plus à elle seule établir un quelconque préjudice financier, ou des troubles dans les conditions d'existence, ou un préjudice moral ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de

Mme B...doivent donc être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nice tirée de l'absence de liaison dudit contentieux indemnitaire ;

Sur les conclusions indemnitaires reconventionnelles de la commune de Nice :

14. Considérant que si la commune de Nice demande à titre reconventionnel au juge de condamner Mme B...à lui verser la somme indue de 15 522,59 euros, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées dès lors que, du fait de l'annulation du jugement attaqué et du rejet des conclusions de l'intéressée à fin d'annulation du titre n° 4275 émis le 13 avril 2009, celui-ci réintègre l'ordonnancement juridique de ce fait et redevient exécutoire ; qu'en outre et en tout état de cause, il n'appartient pas au juge administratif de se substituer ainsi à l'administration, laquelle, en vertu du privilège du préalable, conserve le pouvoir propre d'émettre des titres exécutoires pour recouvrer ses créances ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Nice, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme B...la somme qu'elle demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...la somme réclamée par la commune de Nice au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué n° 0902398 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B...dans la première instance n° 0902398 sont rejetées, ensemble ses conclusions incidentes et ses conclusions à fin de remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel n° 11MA00595 de la commune de Nice est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nice et à Mme C...B....

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N° 11MA005954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA00595
Date de la décision : 12/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes non créateurs de droits.

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Dépenses.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : SELARL LESTRADE - CAPIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-02-12;11ma00595 ?
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