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11/02/2013 | FRANCE | N°10MA02211

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 février 2013, 10MA02211


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2010, présentée pour Mme E...G..., M. B...G..., M. F...G...demeurant..., par Me I...; les consorts G...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704677 en date du 4 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à réparer leurs préjudices consécutifs à la contamination de Mme G...par le virus de l'hépatite C lors de son hospitalisation en 1981 au centre hospitalier d'Aix-en-Provence ;

2°) de condamner l'Etablissement fra

nçais du sang à les indemniser de leurs préjudices qui s'élèvent à la somme ...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2010, présentée pour Mme E...G..., M. B...G..., M. F...G...demeurant..., par Me I...; les consorts G...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704677 en date du 4 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à réparer leurs préjudices consécutifs à la contamination de Mme G...par le virus de l'hépatite C lors de son hospitalisation en 1981 au centre hospitalier d'Aix-en-Provence ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à les indemniser de leurs préjudices qui s'élèvent à la somme de 80 150 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2013,

- le rapport de MmeH..., rapporteure ;

- les conclusions de MmeA..., rapporteure publique ;

- et les observations de Me C...substituant Me I...pour les consorts G...et de Me D...de la Scp Campocasso et associés pour l'Etablissement français du sang ;

1. Considérant que les consorts G...relèvent appel du jugement du 4 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à réparer les préjudices consécutifs à la contamination de Mme G...par le virus de l'hépatite C lors de son hospitalisation en 1981 au centre hospitalier d'Aix-en-Provence ; que devant la cour, dans le dernier état de leurs écritures, ils sollicitent la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, substitué à l'Etablissement français du sang, à les indemniser de leurs préjudices à hauteur de la somme de 80 150 euros et demandent, en outre, à ce qu'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ainsi que les dépens ;

Sur la personne débitrice des indemnités :

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du II de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, entré en vigueur à la même date que le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 pris pour son application, soit le 1er juin 2010, l'ONIAM est chargé " de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang en application de l'article L. 1221-14 " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1221-14 issu du I du même article 67 de la loi du 17 décembre 2008 que la responsabilité de l'ONIAM est engagée dans les conditions prévues par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; qu'aux termes du IV du même article 67 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le contentieux qui opposait à la date du 1er juin 2010, les consorts G...et l'Établissement français du sang, l'ONIAM, qui a produit postérieurement à cette date un mémoire par lequel il faisait d'ailleurs état de cette substitution, est désormais substitué tant à l'égard des consorts G...qu'à celui des tiers payeurs intervenant dans le cadre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur l'origine de la contamination :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

5. Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal de grande instance de Marseille, que Mme G...a été transfusée le 10 janvier 1981 de deux concentrés globulaires au centre hospitalier d'Aix-en-Provence à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C qui n'avait pas encore été identifié ; que l'enquête transfusionnelle n'a pu aboutir du fait, notamment, de l'ancienneté des faits ; qu'ainsi, l'innocuité des produits qui lui ont été administrés n'a pu être démontrée ; que l'expert, spécialisé en hématologie, a relevé dans son rapport que les modes de contamination par le virus de l'hépatite C de génotype 1a, tel que celui que présente MmeG..., proviennent de la toxicomanie dans 50 % des cas, de tatouage, acupuncture et piqures diverses dans 16 % des cas, de transfusions dans 13 % des cas, d'actes médicaux-chirurgicaux invasifs dans 11 % et d'actes sexuels ou autre dans les 8 % des cas restants ; que la seule circonstance que Mme G...ait subi une appendicectomie en 1961, une réduction mammaire en 1984 et une intervention à visée esthétique du visage en 2000 sous anesthésie locale ainsi que deux coloscopies sans biopsie en 1995 et en 2000 ainsi que des manucuries l'ayant exposée à d'autres facteurs de risques n'est pas de nature à démontrer que la cause d'une origine étrangère aux transfusions est manifestement plus vraisemblable que l'origine transfusionnelle de sa contamination ; que s'il résulte du rapport d'expertise qu'en dehors de la transfusion administrée en 1981, des actes chirurgicaux et médicaux et les soins de manucuries, une " cause non avouée " est susceptible d'être à l'origine de la contamination par le virus de l'hépatite C, il n'est cependant pas soutenu par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et il ne résulte pas des pièces du dossier que Mme G...présente un passé de toxicomane, des tatouages ou qu'elle a subi des injections diverses ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, par application des dispositions précitées de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, de regarder la contamination de l'intéressée comme imputable à l'administration des produits sanguins ; que les consorts G...sont, par suite, fondés à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 4 mai 2010, le tribunal administratif de Marseille a refusé de mettre la réparation des conséquences de la contamination à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, substitué à l'Etablissement français du sang ;

Sur les préjudices :

7. Considérant que MmeG..., âgée de 38 ans à la date de sa contamination et de 58 ans à la date de la découverte de manière fortuite de sa virémie à l'occasion d'une campagne nationale de dépistage alors qu'elle était asymptomatique, a subi un traitement antiviral par biothérapie à compter du mois de mars 2002 jusqu'en février 2003 qui a permis d'éradiquer le virus ; qu'il résulte du rapport d'expertise que Mme G...a 97 % de chances de maintenir cette éradication virale avec une absence de séquelle hépatique ; que, toutefois, il résulte des éléments expertaux, qu'en lien avec sa virémie, Mme G...a subi outre des souffrances évaluées à 2 sur une échelle de 1 à 7, quatre jours de déficit fonctionnel temporaire total, un déficit fonctionnel temporaire partiel de 35 % et un préjudice sexuel pendant la durée du traitement antiviral de onze mois ; que Mme G...établit, par ailleurs, subir un préjudice d'agrément dans la mesure où elle ne peut plus s'adonner aux sports qu'elle pratiquait ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces postes de préjudices, ainsi que les troubles dans ses conditions d'existence induits par la découverte de sa contamination par le virus de l'hépatite C, y compris l'anxiété spécifique ressentie, en lui allouant la somme de 12 000 euros ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique, qui mettent à la charge de l'ONIAM, l'indemnisation des victimes des dommages résultant notamment de la contamination par le virus de l'hépatite C, ne font pas obstacle à ce que les victimes indirectes de cette contamination puissent également être indemnisées au titre de la solidarité nationale ; que, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice moral et sexuel de M. B...G..., âgé de 68 ans à la date de la virémie de MmeG..., consécutif à la contamination de son épouse par le virus de l'hépatite C, sera justement indemnisé en lui allouant la somme de 3 000 euros admise par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; que, dans les mêmes circonstances de l'espèce, le préjudice moral subi par M. F...G..., âgé de 32 ans à la date de la découverte de la virémie de MmeG..., du fait de la contamination de sa mère sera justement réparé en lui allouant la somme de 1 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; que la présente affaire devant la juridiction administrative n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par les consorts G...sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement aux consorts G...la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0704677 en date du 4 mai 2010 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à Mme G...la somme de 12 000 euros, à M. B...G...la somme de 3 000 euros et à M. F...G...la somme de 1 000 euros.

Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera aux consorts G...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la demande des consorts G...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...G..., à M. B...G..., à M. F...G..., à l'Etablissement français du sang, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

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N° 10MA02211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA02211
Date de la décision : 11/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Troubles dans les conditions d'existence.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SERVANT et CATHERINEAU-ROUX AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-02-11;10ma02211 ?
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