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04/02/2013 | FRANCE | N°10MA00825

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 04 février 2013, 10MA00825


Vu, le recours, enregistré le 1er mars 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA00825, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0805939 en date du 15 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 novembre 2008 par lequel le préfet de l'Hérault a inscrit d'office la somme de 1 016 322,28 euros dans le budget de

la commune de Vias ;

- de rejeter la demande formulée devant le tribunal a...

Vu, le recours, enregistré le 1er mars 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA00825, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0805939 en date du 15 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 novembre 2008 par lequel le préfet de l'Hérault a inscrit d'office la somme de 1 016 322,28 euros dans le budget de la commune de Vias ;

- de rejeter la demande formulée devant le tribunal administratif par la commune de Vias ;

..........................................................................................................

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2013 :

- le rapport de M. Marcovici, président assesseur,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Cros représentant la commune de Vias, de Me Bézard représentant la Caisse d'épargne du Languedoc-Roussillon et de Me Broc représentant la SEBLI ;

1. Considérant que, par délibération en date du 30 août 2001, le conseil municipal de la commune de Vias a décidé d'accorder une garantie d'emprunt à hauteur de 80 % pour une somme de 7 millions de francs à la société d'équipement du Biterrois et de son littoral (SEBLI), société d'économie mixte qui s'est vu confier par cette commune l'opération d'aménagement de l'extension de la zone d'aménagement concerté dite de Vias plage par avenant à une convention publique d'aménagement passé le 5 octobre 2001 ; que le maire de Vias a signé le 13 décembre 2001 l'engagement de caution solidaire, personnelle et indivisible à hauteur de 1 067 143,12 euros dans le cadre d'un contrat de prêt passé entre la SEBLI et la Caisse d'épargne du Languedoc-Roussillon à la même date ; que la SEBLI a refusé de verser ses annuités d'emprunt à compter du 25 décembre 2004 ; que la Caisse d'épargne du Languedoc-Roussillon a demandé à la commune de Vias d'honorer l'engagement qu'elle avait souscrit au titre de la caution ; que la Caisse d'épargne du Languedoc-Roussillon s'est heurtée au refus de la commune ; que la caisse lui a notifié la déchéance du prêt le 7 mars 2007 et a demandé le 30 juin 2008 au préfet de l'Hérault de saisir la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon aux fins d'inscription d'office au budget d'une dépense de 1 016 322,28 euros ; que la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon, saisie le 21 juillet 2008, a rendu un avis favorable le 27 août 2008 et a vainement mis en demeure la commune de Vias de procéder à l'inscription de cette somme à son budget 2008 ; que le ministre de l'intérieur demande l'annulation du jugement en date du 15 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de la commune de Vias, l'arrêté en date du 19 novembre 2008 par lequel le préfet de l'Hérault a procédé à l'inscription d'office de cette somme sur son budget 2008 ;

Sur les interventions de la SEBLI et de la Caisse d'épargne du Languedoc Roussillon :

2. Considérant que la décision à rendre sur le recours du ministre de l'intérieur est susceptible de préjudicier aux droits de la SEBLI, titulaire du prêt et de la Caisse d'épargne du Languedoc Roussillon, bénéficiaire du cautionnement de la commune de Vias ; que, dès lors, leurs interventions doivent être admises ;

Sur le non-lieu à statuer :

3. Considérant que la circonstance que les sommes en cause ont été comprises dans le compte de liquidation de la concession ne prive pas la commune d'un intérêt pour agir dans la présente instance ; que l'appel a été relevé non par la commune, qui a obtenu satisfaction devant les premiers juges, mais par le ministre de l'intérieur à la suite de l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault ; que ce dernier pouvait donc, en tout état de cause, faire appel dudit jugement ; que si la commune a mandaté la somme en cause, qui a été payée par le comptable, à la suite du rejet de sa demande de suspension et a ainsi tiré les conséquences du jugement attaqué, cette circonstance n'est pas de nature à faire disparaître l'objet du litige ; qu'il y a donc lieu de statuer sur le recours du ministre ;

Sur l'appel du ministre :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales : " Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'Etat dans le département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée. Si, dans un délai d'un mois, cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet, la chambre régionale des comptes demande au représentant de l'Etat d'inscrire cette dépense au budget et propose, s'il y a lieu, la création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives destinées à couvrir la dépense obligatoire. Le représentant de l'Etat dans le département règle et rend exécutoire le budget rectifié en conséquence. S'il s'écarte des propositions formulées par la chambre régionale des comptes, il assortit sa décision d'une motivation explicite " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet ne peut inscrire d'office une dépense au budget d'une commune que si celle-ci est obligatoire, c'est-à-dire constitue une dette de la commune échue, certaine, liquide et non contestée dans son principe et dans son montant, et découlant de la loi, d'un contrat, d'un délit, d'un quasi-délit ou de tout autre source d'obligations ;

5. Considérant que la cause de l'obligation de l'emprunteur réside dans la mise à disposition des fonds, et celle du cautionnement dans le crédit octroyé au débiteur par le créancier ;

6. Considérant que, pour annuler l'arrêté attaqué du préfet de l'Hérault, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que le tribunal avait auparavant constaté, par un jugement en date du 12 juin 2009, que l'avenant n° 5 était nul, par voie de conséquence de l'annulation par un jugement en date du 25 mai 2005 des principaux actes supports de la ZAC et en particulier de la délibération en date du 30 août 2001 approuvant l'avenant précité et autorisant le maire de la commune de Vias à le signer et qu'ainsi, la créance dont se prévalait la Caisse d'épargne du Languedoc-Roussillon devait être regardée comme sérieusement contestable, dès lors que le contrat de prêt souscrit par la SEBLI et cautionné par la commune de Vias était, au moins partiellement, privé de cause ; que toutefois, il est constant que la Caisse d'épargne a versé les sommes en cause à la SEBLI en application du contrat de prêt cautionné par la commune, laquelle n'a pas contesté, devant les juridictions compétentes, la validité du contrat en cause ni celle de son cautionnement ; que les sommes ont été mises à la disposition de la SEBLI en vue de la réalisation des opérations prévues par le contrat de prêt ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces sommes auraient été utilisées à d'autres fins que celles prévues par ledit contrat ou que l'établissement bancaire aurait fait preuve d'un défaut de vigilance dans la mise à disposition des fonds ; qu'ainsi le cautionnement de la commune n'était pas dépourvu de cause et que la commune ne pouvait se soustraire aux obligations du contrat auquel elle a souscrit ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur l'absence de cause du contrat pour annuler l'arrêté en date du 19 novembre 2008 par lequel le préfet de l'Hérault a inscrit d'office la somme de 1 016 322,28 euros dans le budget 2008 de la commune de Vias ;

7. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la commune de Vias tant en première instance qu'en appel ;

8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 2252-1 du code général des collectivités territoriales : " Une commune ne peut accorder à une personne de droit privé une garantie d'emprunt ou son cautionnement que dans les conditions fixées au présent chapitre. Le montant total des annuités, déjà garanties ou cautionnées à échoir au cours de l'exercice, d'emprunts contractés par toute personne de droit privé ou de droit public, majoré du montant de la première annuité entière du nouveau concours garanti, et du montant des annuités de la dette communale, ne peut excéder un pourcentage, défini par décret, des recettes réelles de la section de fonctionnement du budget communal; le montant des provisions spécifiques constituées par la commune pour couvrir les garanties et cautions accordées, affecté d'un coefficient multiplicateur fixé par décret, vient en déduction du montant total défini au présent alinéa. Le montant des annuités garanties ou cautionnées au profit d'un même débiteur, exigible au titre d'un exercice, ne doit pas dépasser un pourcentage, défini par décret, du montant total des annuités susceptibles d'être garanties ou cautionnées en application de l'alinéa précédent. La quotité garantie par une ou plusieurs collectivités territoriales sur un même emprunt ne peut excéder un pourcentage fixé par décret. Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux garanties d'emprunts ou cautionnements accordés par une commune aux organismes d'intérêt général visés aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Aucune stipulation ne peut faire obstacle à ce que la mise en jeu des garanties ou cautions accordées par une commune porte, au choix de celle-ci, soit sur la totalité du concours, soit sur les annuités déterminées par l'échéancier contractuel "

9. Considérant, en tout état de cause, que l'exigence de loyauté des relations contractuelles s'oppose à ce que la commune puisse utilement exciper de l'illégalité de la délibération du 30 août 2001 autorisant l'engagement de caution tenant au moyen, à le supposer fondé, du non respect des principes prudentiels issus de l'article L. 2252-1 du code général des collectivités territoriales ; que la commune ne peut davantage invoquer utilement le dernier alinéa des dispositions précitées de l'article 2252-1 dès lors que l'inscription d'office réalisée par l'arrêté en litige n'a pas la nature d'une stipulation contractuelle ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté en date du 19 novembre 2008 par lequel le préfet de l'Hérault a inscrit d'office la somme de 1 016 322,28 euros dans le budget 2008 de la commune de Vias ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant que les dispositions précitées s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Vias ; qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Vias une somme de 2 000 euros qu'elle versera à la Caisse d'épargne de Languedoc-Roussillon ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la SEBLI fondée sur ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Les interventions de la SEBLI et de la Caisse d'épargne du Languedoc Roussillon sont admises.

Article 2 : Le jugement susvisé du 15 décembre 2009 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la commune de Vias devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 4 : La commune de Vias versera une somme de 2 000 euros (deux mille euros) à la Caisse d'épargne de Languedoc-Roussillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la SEBLI fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la commune de Vias, à la Caisse d'épargne du Languedoc-Roussillon et à la société d'équipement du Biterrois et de son littoral.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

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N° 10MA00825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00825
Date de la décision : 04/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-04-02-01-01 Collectivités territoriales. Commune. Finances communales. Dépenses. Dépenses obligatoires. Pouvoirs de l'autorité de tutelle.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: Mme MARKARIAN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS GIL-FOURRIER et CROS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-02-04;10ma00825 ?
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