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21/12/2012 | FRANCE | N°11MA03529

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2012, 11MA03529


Vu la requête, enregistrée le 30 août 2011, présentée pour M. Mohcen A, élisant domicile c/ Me Grégoire DONATI 29 rue César Campinchi à Bastia (20200), par Me Donati ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100158 du 30 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de sa rétention administrative ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros a

ssortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la réclamation préalable en r...

Vu la requête, enregistrée le 30 août 2011, présentée pour M. Mohcen A, élisant domicile c/ Me Grégoire DONATI 29 rue César Campinchi à Bastia (20200), par Me Donati ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100158 du 30 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de sa rétention administrative ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la réclamation préalable en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-espagnol du 26 novembre 2002 entré en vigueur le 21 décembre 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2012 :

- le rapport de M. Haïli, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A, ressortissant marocain, a fait l'objet d'une interpellation le 7 février 2011 à Bastia à 7h 30 heures par les services de la police aux frontières ; qu'en application de l'accord du 26 novembre 2002 entre la France et l'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, une décision de remise aux autorités espagnoles a été prise par le préfet de la Haute-Corse à son encontre le 7 février 2011 ; que l'intéressé a été placé en rétention administrative par décision de la même autorité notifiée ce même jour à 15 heures, valable du 7 au 9 février 2011 ; que par ordonnance du 8 février 2011, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bastia a ordonné le maintien de l'intéressé en rétention administrative pour une durée maximale de quinze jours à compter du 9 février 2011 ; que le 8 février 2011, le requérant a été déplacé au centre de rétention administrative de Nîmes ; que le requérant relève appel du jugement du 30 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité des mesures d'éloignement et de placement en centre de rétention administrative, ainsi que des conditions de sa rétention ;

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 41 du décret du 19 décembre 1991 : " Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est formée après que la partie concernée ou son mandataire a eu connaissance de la date d'audience et moins d'un mois avant celle-ci, il est statué sur cette demande selon la procédure d'admission provisoire " ; qu'en application de ces dispositions, il y a lieu d'admettre à titre provisoire M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que pour rejeter la demande du requérant tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du par lui fait des mesures d'éloignement et de placement en centre de rétention administrative, ainsi que des conditions de sa rétention, les premiers juges ont jugé légales ces décisions par des motifs suffisamment développés et non établi le préjudice relatif aux conditions irrégulières de la rétention, à les supposer avérées, dès lors que M. A avait pu contacter un avocat pour assurer sa défense ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;

Sur la légalité des décisions de remise aux autorités espagnoles et de placement en rétention administrative :

4. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union Européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2, peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union Européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis à même de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix " ; qu'aux termes de l'article 5 de l'accord franco-espagnol : " 1. Chaque partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu'il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire de la Partie contractante requise (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / (...) / 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ;

5. Considérant que M. A soutient que l'Etat a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité à son égard à raison de l'illégalité de la décision préfectorale de remise aux autorités espagnoles prise à son encontre le 7 février 2011, qui serait entachée d'un vice de procédure et d'une erreur de fait ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la procédure contradictoire instituée par ce texte est réservée aux seuls cas où la décision de remise de l'étranger aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou séjourner sur son territoire ou dont il provient directement, est exécutée d'office par l'administration ; qu'ainsi le législateur n'a pas entendu instituer, pour les autres mesures prises en application de l'article L. 531-1, de règles de procédure administrative et contentieuse particulières excluant l'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'en tout état de cause, il ressort des procès-verbaux établis lors de l'interpellation du requérant le 7 février 2011, que celui-ci a été mis à même de présenter ses observations, et a notamment donné son accord pour retourner en Espagne ; que le requérant n'apporte pas la preuve par ailleurs qu'il séjournait de manière régulière sur le territoire français depuis moins de trois mois, dès lors que sa date d'entrée sur le territoire français n'est pas établie ; que, par suite, les moyens dirigés contre la mesure d'éloignement ne sont pas fondés ; qu'ainsi, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée en raison d'une décision d'éloignement illégale ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : 1° Soit, devant être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 et L. 531-2, ne peut quitter immédiatement le territoire français (...) " ; que M. A soutient que l'Etat aurait commis une faute en prenant à son encontre une décision de rétention administrative entachée d'un défaut de base légale, dont il conteste le motif fondé sur l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inapplicable en l'espèce ; que toutefois, la décision de placement en rétention est motivée par la circonstance non critiquée par le requérant que la personne qui en est l'objet n'est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire français ; que le requérant ne conteste pas l'absence de garanties de représentations et de possibilité de transport immédiat qui empêchait son départ vers l'Espagne ; qu'ainsi la décision de placement en rétention administrative contestée n'est pas entachée d'une illégalité constitutive d'une faute ;

Sur les conditions de la rétention :

7. Considérant que si le requérant invoque des circonstances irrégulières de rétention, tenant à l'inaccessibilité du registre prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'impossibilité de faire acter ses demandes d'exercice de ses droits, à l'absence d'une association habilitée au local de rétention, à l'absence de possibilité de communiquer physiquement et par moyens de télécommunication, à l'absence de télécopie, à l'inaccessibilité d'un interprète, au défaut d'affichage des numéros utiles et à l'insalubrité des locaux, il n'est pas sérieusement contesté que le requérant s'est vu notifier ses droits, a pu choisir son mandataire, s'entretenir avec lui et ainsi exercer dans des conditions régulières les droits de la défense ; que d'ailleurs les modalités d'exécution de la décision de placement en rétention administrative ont fait l'objet d'un contrôle par le juge des libertés et de la détention dans son ordonnance en date du 8 février 2011 ; que par ailleurs, le requérant n'établit par aucun commencement de preuve ni par aucun grief circonstancié la réalité de l'insalubrité des locaux dont s'agit et le traitement dégradant réservé aux étrangers retenus par les services de la police aux frontières de Bastia ; que dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que les conditions de son placement en rétention administrative sont constitutives d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat envers lui ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il aurait subi en raison de la mesure d'éloignement, de la décision de rétention administrative et des conditions de cette rétention dont il a fait l'objet ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : M. A est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. A est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohcen A et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

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N° 11MA03529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA03529
Date de la décision : 21/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : DONATI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-12-21;11ma03529 ?
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