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21/12/2012 | FRANCE | N°10MA02575

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2012, 10MA02575


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2010, présentée pour la société unipersonnelle à responsabilité limitée Corentin, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est sis 174 la Canebière à Marseille (13001) par le cabinet d'avocats associés Galissard et Chabrol ; la société Corentin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701204 du 31 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole à lui verser, au ti

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Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2010, présentée pour la société unipersonnelle à responsabilité limitée Corentin, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est sis 174 la Canebière à Marseille (13001) par le cabinet d'avocats associés Galissard et Chabrol ; la société Corentin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701204 du 31 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole à lui verser, au titre du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du fait de la création d'une ligne de tramway à Marseille, la somme de 63 447,88 euros pour la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2006, celle de 71 780 euros pour la période du 1er septembre 2006 au 31 juillet 2007 au titre de la perte de chiffre d'affaires et celle de 10 000 euros en réparation du préjudice financier subi, portant intérêts capitalisés, à titre subsidiaire, de désigner un expert pour déterminer la nature et l'étendue de ce préjudice pour la période du 1er septembre 2006 au mois d'août 2007 ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 26 juillet 2010, le mémoire en communication de pièces présenté pour la société Corentin par Me Galissard ;

Vu, enregistrés les 29 octobre 2010 et 24 novembre 2010, les mémoires présentés pour la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, représentée par son président en exercice, par Me Mendes Constante, qui conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet de la demande indemnitaire présentée pour la période du 1er septembre 2006 au 31 juillet 2007 et à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................

Vu, enregistré le 18 avril 2011, le mémoire présenté pour la société Corentin, représentée par son gérant en exercice, par Me Galissard, qui conclut désormais à la condamnation de la communauté urbaine à lui verser la somme de 62 873 euros portant intérêts capitalisés ;

...........................

Vu les lettres du 23 septembre 2010 par lesquelles les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur la dévolution des frais de 1'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Galissard pour la société Corentin et de Me Aldi substituant Me Mendes Constante pour la communauté urbaine Marseille Provence Métropole ;

1. Considérant que la société Corentin relève appel du jugement du 31 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole à lui verser, au titre du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du fait de la création d'une ligne de tramway à Marseille, la somme de 63 447,88 euros pour la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2006, celle de 71 780 euros pour la période du 1er septembre 2006 au 31 juillet 2007 au titre de la perte de chiffre d'affaires et celle de 10 000 euros en réparation du préjudice financier subi, portant intérêts capitalisés, à titre subsidiaire, de désigner un expert pour déterminer la nature et l'étendue de ce préjudice pour la période du 1er septembre 2006 au mois d'août 2007 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en ordonnant que la société restitue à la communauté urbaine la provision dont le versement avait été ordonné par ordonnance n° 0701203 du 10 mars 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille, alors que la communauté urbaine n'avait pas présenté de conclusions en ce sens, les premiers juges se sont bornés, à titre superfétatoire, à tirer toutes les conséquences du rejet de la demande indemnitaire de la société requérante et n'ont pas statué ultra petita ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour ce motif ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant que la société unipersonnelle à responsabilité limitée Corentin exploite la pizzeria " chez Noël " au 174 la Canebière, à Marseille ; qu'estimant subir un préjudice commercial et financier du fait de l'exécution des travaux de création de la ligne du tramway sur cette voie, la société a demandé réparation à l'amiable de son préjudice commercial à la commission d'indemnisation, créée par délibération du conseil communautaire de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole du 11 février 2005 ; que le bureau de la communauté urbaine lui a proposé, par décision du 18 décembre 2006, une indemnisation amiable, pour la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2006, d'un montant de 37 724 euros, après pondération de 40 % sur le montant du préjudice estimé par l'expert à la somme de 62 873 euros, laquelle pondération a été décidée pour tous les commerces impactés par les travaux de création de la ligne du tramway, par la commission d'indemnisation amiable, le 24 avril 2006, eu égard à la plus value réalisée du fait de la réalisation de ces travaux ; que la société a refusé cette proposition qu'elle a estimé insuffisante ;

4. Considérant qu'il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la pizzeria " chez Noël " est restée ouverte pendant toute la durée des travaux ; qu'elle est située à l'extrémité nord de la Canebière, au carrefour de la rue Adolphe Thiers, en bas de la rampe d'accès au trottoir droit de cette rue, ce qui l'enserre dans une sorte d'enclave ; que, pour soutenir que l'accès des piétons a été rendu très difficile, en raison de l'implantation de palissades sur le trottoir, pour protéger ces derniers des risques inhérents au chantier en cours, la société requérante nous produit des photographies qui montrent qu'un passage d'une largeur suffisante a été aménagé entre la façade des immeubles et cette palissade pour se rendre dans le restaurant, ainsi que des attestations de clients qui, s'ils indiquent ne plus avoir consommé dans ce restaurant en raison de la gêne évidente causés par les travaux litigieux, n'indiquent pas que cet accès était impossible ; que ces palissades en grillage ajouré n'obturaient pas la vision de l'enseigne de la pizzeria, au demeurant très connue et fréquentée par une clientèle d'habitués ; que le stationnement automobile n'a pas été modifié pendant les travaux ; que la circonstance que les " arrêts minute ", qui constituent une simple tolérance, des taxis pour décharger leurs clients, et notamment les personnes âgées, devant le restaurant, aient été rendus très difficiles, voire impossibles, pendant les travaux, n'ouvre pas droit par elle-même à une indemnité ; qu'ainsi, et alors même qu'un autre commerce, qui connaissait le même type de dommages, aurait été indemnisé par la voie contentieuse, les premiers juges ont estimé à juste titre que ces travaux n'ont pas présenté un caractère anormal et spécial ouvrant droit à réparation pour la société Corentin ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la société soutient que le montant de son préjudice financier, soit 62 873 euros, pour la période de septembre 2005 à août 2006, a été sous-estimé par l'expert dans son rapport du 15 octobre 2006 ; que, toutefois, elle n'établit pas que les troubles liés au chantier litigieux devant son restaurant auraient perduré jusqu'en juillet 2007 ; que l'homme de l'art a, à juste titre, exclu, pour retenir la moyenne de la marge brute des taux de coefficient de marge sur coût variable nécessaire au calcul de la perte réelle du chiffre d'affaires et pour déterminer l'incidence réelle des travaux litigieux sur la perte d'activité alléguée, le taux de l'exercice 2004, soit 75,29 %, correspondant à un résultat exceptionnel non significatif, par rapport au taux moyen de 72 % pour les années 2003, 2005 et 2006, et alors même que ce taux témoignerait d'un regain de prospérité du commerce pris en main en 2004 par un nouvel exploitant à la suite de la cession du contrôle des parts sociales de la société en février 2003 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'évaluation par l'expert de son préjudice financier commercial serait erronée ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité de la décision de la communauté urbaine de pondérer de 40 %, ainsi qu'elle le fait dans toute proposition d'indemnisation amiable des commerces concernés par les travaux du tramway, le montant du préjudice estimé par l'expert ;

7. Considérant que le protocole d'accord transactionnel du 18 décembre 2006, qui ne lie pas le juge, proposé par cette commission amiable d'indemnisation en vue d'un règlement amiable et rapide du litige et refusé par la requérante, qui a fait le choix de porter l'affaire devant les tribunaux, n'établit pas par lui-même, contrairement à ce qui est soutenu, l'anormalité de son préjudice du fait de l'exécution des travaux litigieux ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que la société Corentin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Corentin à verser la somme que demande la communauté urbaine Marseille Provence Métropole au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Corentin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine Marseille Provence Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Corentin et à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole.

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N° 10MA025752

MD


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA02575
Date de la décision : 21/12/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-02-02-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité d'usager.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : ALAIN GALISSARD et BENEDICTE CHABROL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-12-21;10ma02575 ?
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