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20/12/2012 | FRANCE | N°11MA02799

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2012, 11MA02799


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 19 juillet 2011, sous le n° 11MA02799, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ;

Le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101374 du 3 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé son arrêté en date du 27 janvier 2011 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Samih A et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et, d'autre, part, lui a enjoint de d

livrer à ce dernier un titre de séjour portant la mention " vie privée et fami...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 19 juillet 2011, sous le n° 11MA02799, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ;

Le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101374 du 3 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé son arrêté en date du 27 janvier 2011 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Samih A et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et, d'autre, part, lui a enjoint de délivrer à ce dernier un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Samih A devant le tribunal administratif de Nice ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté interministériel du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret no 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Ciréfice, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un arrêté en date du 27 janvier 2011, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé l'admission au séjour de M. A, de nationalité tunisienne, né le 11 janvier 1990, sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que, par le jugement n° 1101374 du 3 juin 2011 dont le préfet des Alpes-Maritimes interjette appel dans la présente instance, le tribunal administratif de Nice, saisi par M. A, a annulé cet arrêté pour erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur la nécessité d'une prise en charge médicale de ce dernier qui ne pouvait lui être apportée qu'en France ; que M. A présente des conclusions incidentes à fin d'injonction ;

Sur l'appel principal du préfet des Alpes-Maritimes :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ;

qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté interministériel du 8 juillet 1999 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. / Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage l'éloignement d'un étranger du territoire national, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement décider l'éloignement de l'étranger que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est atteint depuis son plus jeune âge d'un kératocône cornéen bilatéral, pathologie dégénérative de la cornée qui engendre des troubles de la vision et qui est susceptible d'évoluer vers une perte totale d'acuité visuelle ; qu'entré en France le 26 janvier 2009, à l'âge de dix-neuf ans, sous le couvert d'un visa court séjour d'une durée de cinq jours, il a sollicité le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour ; qu'il a bénéficié, après avis du médecin inspecteur de la santé publique des Alpes-Maritimes en date des 22 septembre 2009 et 3 février 2010, d'autorisations provisoires de séjour au regard de son état de santé ; qu'il a perdu l'usage de son oeil gauche en avril 2010 à la suite d'un rejet d'une greffe de cornée effectuée en France au mois d'août 2009 ; que son oeil droit a été opéré sans succès au mois de mars 2010 ; que la procédure thérapeutique a été momentanément bloquée en raison d'une souffrance permanente entraînée par des cicatrices fibreuses et qu'il a été équipé de verres spéciaux pour corriger et soulager les douleurs ;

qu'à la suite de deux nouveaux avis rendus par le médecin inspecteur de la santé publique des Alpes-maritimes en date des 20 avril et 27 juillet 2010, le préfet a refusé de lui renouveler son titre de séjour ; qu'il ressort de deux certificats médicaux circonstanciés établis par des ophtalmologistes que compte tenu de l'échec de la greffe de cornée de l'oeil gauche, la pathologie de M. A ne peut être prise en charge que dans un des deux centre nationaux de référence pour le traitement du kératocône dans la mesure où seuls ces deux CHU, situé à Bordeaux et à Toulouse, pratiquent une intervention qui permettrait d'éviter une greffe de cornée à l'oeil droit, oeil qui ne présente plus qu'une acuité visuelle de 5/10ème ; que si deux de ces certificats médicaux, en date respectivement des 8 et 14 février 2011, sont postérieurs, de quelques jours à l'arrêté en litige, et n'avaient donc été portés à la connaissance, ni du médecin inspecteur de santé publique de l'agence régionale de santé avant que ce dernier n'émette ses avis, les 20 avril et 27 juillet 2010, ni même du préfet des Alpes-Maritimes avant l'édiction de la décision litigieuse, le 27 janvier 2011, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'ils puissent être utilement pris en compte par le juge, dès lors qu'ils se rapportent à la pathologie qui avait justifié le dépôt de la demande de titre de séjour et qu'ils énoncent des éléments de fait tenant à l'état de santé de l'intéressé existant à la date de l'arrêté en litige et non des constatations résultant d'une évolution de l'état de santé de M. A postérieurement à la décision en litige ; que, par suite, il ressort des pièces du dossier qu'un défaut de soins médicaux entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour M. A et que ces soins ne peuvent être réalisés dans son pays d'origine ; qu'en conséquence, le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé sa décision en date du 27 janvier 2011 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire opposée à M. A et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur l'appel incident de M. A :

6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté querellé, et sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, l'exécution du présent arrêt implique la délivrance à M. A d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, de délivrer à M. A ladite carte de séjour temporaire ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête n°11MA02799 présentée par le préfet des Alpes-Maritimes est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Samih A.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

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N° 11MA02799

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02799
Date de la décision : 20/12/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SANCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-12-20;11ma02799 ?
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