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04/12/2012 | FRANCE | N°10MA01717

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2012, 10MA01717


Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2010, présentée pour M. Philippe C, demeurant ...), Mme Danielle C et Mlle Adeline C, demeurant à la même adresse, par Me Christian Dumont ; M. C, Mme C et Mlle C demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0801792 du 2 mars 2010 du tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il a limité à 70 % la part de responsabilité de la commune de Montpellier et en tant qu'il a limité les sommes auxquelles est condamnée la commune, à 19.740 euros pour M. C et à 1.000 euros pour Mme C, en réparation des préjudices subis à la sui

te de l'accident de service du 21 janvier 2004 ;

2°) de dire et juger l...

Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2010, présentée pour M. Philippe C, demeurant ...), Mme Danielle C et Mlle Adeline C, demeurant à la même adresse, par Me Christian Dumont ; M. C, Mme C et Mlle C demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0801792 du 2 mars 2010 du tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il a limité à 70 % la part de responsabilité de la commune de Montpellier et en tant qu'il a limité les sommes auxquelles est condamnée la commune, à 19.740 euros pour M. C et à 1.000 euros pour Mme C, en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident de service du 21 janvier 2004 ;

2°) de dire et juger la ville de Montpellier responsable à 100 % des dommages subis par M. et Mme C et leur fille ;

3°) de condamner la ville de Montpellier à payer à M. C, la somme de 49.000 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'il a subis ;

4°) de condamner la ville de Montpellier à payer à Mme C et à Mlle C, la somme de 11.000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux qu'elles ont subis ;

5) de dire et juger que lesdites sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception en mairie de la demande préalable d'indemnisation, soit le 31 décembre 2007, avec capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil à l'issue d'un délai d'un an à compter de la date de l'enregistrement au greffe du présent recours de plein contentieux ;

6) de condamner la ville de Montpellier à leur rembourser les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 815,64 euros ;

8) de condamner la ville de Montpellier au versement d'une somme de 3.000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2012 :

- le rapport de M. Angéniol, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- les observations de Me Dumont pour les consorts C,

- et les observations de Me Audouin pour la commune de Montpellier ;

1. Considérant que M. C, adjoint technique de première classe affecté au service des espaces verts de la commune de Montpellier, a été victime d'un accident de service le 21 janvier 2004 ; qu'alors qu'il élaguait des arbres dans l'"avenue Saint Maurice Sauret" il a chuté d'environ quatre mètres d'une échelle adossée à une fourche de branches charpentières ; qu'à la suite de cet accident, il a subi plusieurs interventions chirurgicales pour fracture du poignet droit et traumatisme facial ; qu'une dépression réactionnelle a également fait suite à ses traumatismes crânien et orthopédique ; que M. C, Mme C et Mlle C interjettent appel du jugement du 2 mars 2010 du tribunal administratif de Montpellier et demandent sa réformation en tant qu'il a limité à 70 % la part de responsabilité de la ville de Montpellier dans cet accident, et en tant qu'il a limité les sommes auxquelles il a condamné la ville au paiement de 19.740 euros pour M. C et de 1.000 euros pour Mme C, en réparation des préjudices subis par ces derniers ; que, par la voie de l'appel incident, la ville de Montpellier demande à la Cour l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans cet accident ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 417-8 du code des communes, maintenu en vigueur par le paragraphe III de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : "Les communes et les établissements publics communaux et intercommunaux sont tenus d'allouer aux agents qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à un taux minimum déterminé par l'autorité supérieure ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec le traitement, dans les mêmes conditions que pour les fonctionnaires de l'Etat" ; qu'aux termes de l'article L. 417-9 du même code : "Les conditions d'attribution et les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par voie réglementaire" ; que l'article R. 417-7 du code des communes dispose que : "L'allocation temporaire d'invalidité n'est susceptible d'être accordée qu'aux agents qui sont maintenus en activité et justifient d'une invalidité permanente résultant (...) d'un accident de service ayant entraîné une incapacité d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % (...)" ;

3. Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; que, cependant, elles ne font obstacle, ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité, ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas utilement contesté, que l'accident dont a été victime M. C, alors qu'il ne portait aucun baudrier de sécurité, a principalement pour origine une faute de la ville de Montpellier, qui en tant qu'employeur est tenu de faire respecter les consignes de sécurité relatives notamment au port des équipements de protection individuels par ses employés dans le cadre des travaux dangereux qu'ils sont amenés à effectuer, tandis qu'il est constant que le supérieur hiérarchique de M. C, adjoint du responsable de secteur, était présent sur les lieux au moment de son accident de service et n'a adressé à son agent aucun rappel à l'ordre, s'agissant de l'absence de port d'équipement de sécurité ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité de la ville à l'égard de son agent qui a droit, à la réparation intégrale des dommages qu'elle lui a occasionnés ; que, toutefois, dans les circonstances particulières de l'espèce, il est également constant que par deux notes de service du 20 janvier 2000 et du 20 février 2003, la ville a rappelé à ses agents, l'obligation du port des équipements de protection individuels à la suite de manquements constatés, et que le matériel de protection nécessaire à l'élagage des arbres était disponible dans le local du parc Rimbaud ; que par voie de conséquence, M. C, alors même qu'il n'avait pas fait l'objet d'une formation spécifique en matière de sécurité, compte tenu de son ancienneté dans ses fonctions, ne pouvait ignorer l'existence de ces équipements et l'obligation qui lui incombait pour sa propre sécurité de les porter , que cette imprudence étant de nature à atténuer la responsabilité de la ville de Montpellier, c'est à bon droit que les premiers juges ont apprécié la part de responsabilité encourue par chacune des parties en fixant à 70 % celle relevant de la ville de Montpellier et à 30 % celle relevant de M. C ;

Sur les préjudices de M. C :

5. Considérant que M. C a droit à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices patrimoniaux et personnels résultant de l'accident dont il a été victime, dans la mesure toutefois où ceux-ci ne sont pas réparés par les prestations qui lui ont déjà été accordées ;

6. Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que, parmi les préjudices personnels, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

7. Considérant d'une part, que M. C a perçu l'intégralité de son traitement jusqu'à la date de consolidation de ses blessures et que les dépenses de santé ont été prises en charge au titre de son accident de service ; que s'il n'est pas établi que des dépenses de santé resteraient à sa charge, il n'est toutefois pas contesté qu'il n'a pu en raison de son accident, bénéficier de la prime annuelle dite "d'heures supplémentaires" d'un montant de 350 euros en 2005 et de 370 euros en 2007, soit un total de 720 euros ; qu'ainsi, compte tenu du partage de responsabilité retenu, ce chef de préjudice sera fixé à la somme de 504 euros ; que par suite, les consorts C sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande sur ce point ;

8. Considérant d'autre part, que M. C soutient qu'il a perdu, en raison de l'accident dont il a été victime, ses chances d'avoir un déroulement de carrière plus favorable, l'accident dont il a été victime l'empêchant de passer des concours ; qu'il n'est pas utilement contesté que M. C a connu une progression de carrière régulière et que les séquelles dont il souffre au poignet droit à la suite de son accident, sont une gêne pour la présentation de futurs concours professionnels dans sa branche d'activité, où les épreuves présentent notamment un caractère pratique ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice dont le montant est précisément déterminé en appel, en le fixant à la somme de 1.000 euros ; que par suite, là encore, les consorts C sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande sur ce point ;ue la somme totale de 1.504 euros ainsi arrêtée au titre des préjudices patrimoniaux de M. C, sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du

31 décembre 2007, date de réception de la réclamation préalable, et de leur capitalisation à l'issue du délai d'un an à compter de cette date ;

En ce qui concerne les préjudices personnels de M. C :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire du Dr D, que M. C, âgé de quarante ans au moment de l'accident, a subi du fait des suites immédiates de l'accident dont il a été victime, des séquelles maxillo-faciales avec une IPP de 1 %, des séquelles psychiatriques constituées par un état anxiodépressif secondaire avec une IPP de 5 % et des séquelles du poignet qui se manifestent par un enraidissement du poignet droit sur arthrodèse chez un droitier avec une IPP de 12 %, ainsi qu'un préjudice esthétique et des souffrances physiques évalués respectivement par l'expert à

1 sur une échelle de 7 et à 4,5 sur une échelle de 7, et un préjudice d'agrément lié aux difficultés rencontrées dans l'activité quotidienne, en rapport avec le blocage du poignet droit, notamment pour les activités de bricolage ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal a procédé à une juste évaluation de ces préjudices en condamnant la ville de Montpellier, compte tenu du partage de responsabilité retenu, à verser à M. C une somme de 14.000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, y compris les troubles d'agrément, une somme de 5.250 euros au titre des souffrances endurées et une somme de 490 euros au titre de son préjudice esthétique ;

Sur les préjudices de Mme C :

10. Considérant que, si Mme C soutient qu'elle est soignée pour un état dépressif depuis l'accident dont a été victime son époux, qui l'a conduite à cesser son activité depuis le 2 janvier 2008, il résulte de l'expertise précitée que : "Devant le peu de documents et la difficulté de rattacher l'ensemble de l'état psychologique à l'accident de son mari, il a été demandé des compléments d'information. Madame C Danielle ne nous a pas transmis les informations complémentaires demandées en rapport avec son suivi médical.", que la dite expertise ne permet dès lors pas d'établir un lien de causalité direct et certain, entre son état psychologique et l'accident de service de son mari et qu'il en va de même des autres pièces du dossier ; que par ailleurs, c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont fixé à 1.000 euros les troubles dans les conditions d'existence de Mme C qui a notamment dû prendre de nombreux jours de congé pour être présente auprès de son époux hospitalisé ;

Sur les préjudices de Mlle C :

11. Considérant que si les requérants soutiennent que leur fille, alors âgée de quatre ans, a fortement souffert de l'accident dont son père a été victime et a fait l'objet depuis cette date d'un suivi psychiatrique, il ne résulte pas de l'instruction que le retard psychomoteur de l'enfant et la nécessité d'un suivi orthophonique puissent être rattachés de façon directe et certaine aux conséquences de l'accident de son père ; que, par suite, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts C ne sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant qu'il leur a alloué une indemnité inférieure à celle qui résulte des énonciations du présent arrêt ; que par ailleurs l'appel incident présenté par la commune de Montpellier doit être rejeté ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13 Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;

14 Considérant qu'en vertu des dispositions précitées, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Montpellier doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Montpellier la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La commune de Montpellier versera à M. C la somme de 1.504 euros (mille cinq cent quatre euros) au titre de ses préjudices patrimoniaux, s'ajoutant aux sommes qu'elle a déjà été condamnée par le tribunal administratif de Montpellier à verser aux consorts C. Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2007 et de leur capitalisation à l'issue du délai d'un an à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 2 mars 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus de conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'appel incident de la commune de Montpellier ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La commune de Montpellier versera aux consorts C la somme de 2.000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe C, à Mme Danielle C, à Mlle Adeline C et à la commune de Montpellier.

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N° 10MA017172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01717
Date de la décision : 04/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Patrice ANGENIOL
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-12-04;10ma01717 ?
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