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08/11/2012 | FRANCE | N°11MA01300

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2012, 11MA01300


Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 11MA01300, présentée pour M. Jean-Jacques B, demeurant ... à Ajaccio (20000), par Me Romani ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000496 du 8 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision 48 SI par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, et des décisions par lesquelles cette même autorité a re

tiré trois, un, cinq, un, et deux points dudit permis suite aux infract...

Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 11MA01300, présentée pour M. Jean-Jacques B, demeurant ... à Ajaccio (20000), par Me Romani ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000496 du 8 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision 48 SI par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, et des décisions par lesquelles cette même autorité a retiré trois, un, cinq, un, et deux points dudit permis suite aux infractions respectivement constatées les 18 juillet 2008, 16 octobre 2008, 15 mars 2008, 29 novembre 2008 et 11 février 2008, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui restituer l'intégralité des points retirés de son titre de conduite, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer l'intégralité des points retirés de son permis de conduire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que son protocole additionnel n° 7 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route ;

Vu l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°) du code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2012 :

- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,

- et les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B relève appel du jugement en date du 8 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté que le solde de points de son titre de conduite était nul, et des décisions par lesquelles cette même autorité a retiré trois, un, cinq, un et deux points de son permis de conduire suite aux infractions constatées respectivement les 18 juillet 2008, 16 octobre 2008, 15 mars 2008, 29 novembre 2008 et 11 février 2008 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-3 du code de la route : " Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. Lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également informé de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif. " ; qu'aux termes de l'article R. 223-3 du même code : " I.- Lors de la constatation d'une infraction entraînant perte de points, l'auteur de celle-ci est informé qu'il encourt un retrait de points si la réalité de l'infraction est établie dans les conditions définies à l'article L. 223-1. II.- Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur. Le droit d'accès aux informations ci-dessus mentionnées s'exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L. 225-9 ... " ;

Sur la décision n° 48 SI invalidant le permis de conduire :

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 222-3 du code de la route, éclairées notamment par les travaux préparatoires de la loi du 10 juillet 1989, que si le nombre de points affectés au permis de conduire est réduit de plein droit lorsqu'est établie, par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation devenue définitive, la réalité de l'infraction donnant lieu à retrait de points, la perte de points doit être portée à la connaissance de l'intéressé par lettre simple du ministère de l'intérieur ; que, dès lors, la décision constatant la perte de points, n'est, en vertu des dispositions de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 fixant les relations entre l'administration et le public, et auxquelles les auteurs de la loi du 10 juillet 1989 n'ont pas entendu déroger, opposable à l'intéressé qu'à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à sa connaissance par l'administration ;

4. Considérant que M. B soutient sans être contesté ne jamais avoir reçu notification de la décision 48 SI litigieuse ; que son courrier adressé à l'administration le 27 avril 2010 en vue d'en obtenir copie est resté sans réponse ; qu'en l'absence de production par le ministre de l'intérieur de l'accusé de réception de cette décision, alors que celui-ci est mentionné dans le relevé d'information intégral à la date du 6 novembre 2009, ladite décision doit être regardée comme n'ayant pas été régulièrement notifiée à l'intéressé ; qu'en l'absence de notification régulière à M. B de la décision 48 SI du ministre de l'intérieur l'informant des retraits de points opérés sur le capital affecté à son permis de conduire et ayant conduit à un solde de points nul, ces différentes décisions portant retrait de points ne lui étaient pas opposables ; qu'ainsi, à la date de l'acte querellé, M. A disposait en tout état de cause de points sur le capital affecté à son permis de conduire ; qu'il est dés lors fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'intérieur a invalidé son titre de conduite ;

Sur les décisions de retrait de points :

En ce qui concerne l'absence de notification de ces retraits de points :

5. Considérant que si M. B soutient que les différentes décisions de retrait de points contestées ne lui ont pas été notifiées, les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant, la légalité de ces retraits ; que, par suite, les conditions de notification de ces décisions sont sans incidence sur leur légalité ;

En ce qui concerne l'absence de notification du courrier du ministre de l'intérieur informant le titulaire d'un permis de conduire que le capital de celui-ci a atteint six points et l'incitant à suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière pour bénéficier d'une récupération d'au maximum quatre points :

6. Considérant que M. B ne saurait utilement se prévaloir de l'absence de notification, à la supposer même établie, de ce courrier, l'administration n'étant pas tenue par les dispositions du code de la route de lui délivrer une telle information ;

En ce qui concerne l'impossibilité de procéder à des retraits de points du permis de conduire d'un contrevenant ayant obtenu son titre de conduite avant l'entrée en vigueur de l'article 11 de la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 et la violation des articles 7, 8 et 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen :

7. Considérant que l'article 11 de la loi n° 89-468 du 10 juillet 1989, qui a inséré au titre V du code de la route un article L. 11 ainsi rédigé : " Le permis de conduire exigible pour la conduite des véhicules automobiles terrestres à moteur est affecté d'un nombre de points. Le nombre de ces points est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une des infractions visée à l'article L. 11-1. Lorsque le nombre de points devient nul, le permis perd sa validité. ", a été, dans les termes dans lesquels il a été rédigé, rendu applicable par l'entrée en vigueur du décret n° 92-559 du 25 juin 1992 à tous les permis de conduire exigibles pour la conduite des véhicules à moteur terrestres, quelle que soit la date de leur délivrance ; que, par suite, les décisions litigieuses n'ont pas été prises en méconnaissance du champ d'application de la loi du 10 juillet 1989 ni, en tout état de cause, des articles 7, 8 et 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

En ce qui concerne la violation du principe du non bis in idem et de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

8. Considérant que si les retraits de points de permis de conduire sont infligés à l'occasion de la commission de certaines infractions réprimées par des contraventions ou condamnations pénales prévues par le code de la route, ces retraits sont des sanctions de nature administrative et non pas une nouvelle peine ; que, par suite, lesdites décisions ne méconnaissent pas le principe du " non bis in idem " ni l'article 4 du protocole additionnel n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prohibant la double répression d'une même infraction ;

En ce qui concerne l'absence d'information préalable :

9. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations qu'elles prévoient, lesquelles constituent une garantie essentielle lui permettant, avant de reconnaître la réalité de l'infraction par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'exécution d'une composition pénale, d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis et éventuellement d'en contester la réalité devant le juge pénal ;

10. Considérant en premier lieu que, s'agissant des infractions constatées respectivement les 18 juillet 2008, 16 octobre 2008 et 29 novembre 2008 par radar automatique, M. B n'a pas payé les amendes forfaitaires et des titres exécutoires de l'amende forfaitaire majorée ont été établis ; que, dans ces conditions, il ne peut être tenu pour démontré que M. A a bien reçu les avis de contravention correspondants avec les informations prévues par les dispositions précitées du code de la route ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler les décisions de retrait de trois, un et un points consécutives aux infractions respectivement constatées les 18 juillet 2008, 16 octobre 2008 et 29 novembre 2008 ;

11. Considérant en deuxième lieu que la réalité de l'infraction constatée le 15 mars 2008 est établie par une condamnation devenue définitive, prononcée le 6 mai 2009 par le tribunal de grande instance d'Ajaccio ; que le défaut de délivrance de l'information préalable requise n'est par suite pas de nature à entacher d'irrégularité le retrait de points contesté, le juge pénal ayant statué sur tous les éléments de fait et de droit en litige et l'auteur de l'infraction ayant pu les contester ;

12. Considérant en troisième lieu que, s'agissant de l'infraction constatée le 11 février 2008, le ministre de l'intérieur a produit le procès-verbal de contravention qui mentionne la qualification de l'infraction et l'information suivant laquelle un retrait de points est encouru ; qu'il porte également sous la mention " le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention " la signature de M. B ; qu'il doit en être déduit que le contrevenant a nécessairement pris connaissance au préalable du contenu du document qu'il a signé, et, notamment de la mention relative à la délivrance de la carte de paiement et de l'avis de contravention, ces derniers documents étant établis sur les modèles du centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs (CERFA) qui comportent les mentions exigées par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve que l'information ainsi requise a été régulièrement délivrée à M. B :

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision 48 SI du ministre de l'intérieur en tant qu'elle porte invalidation de son permis de conduire et des décisions par lesquelles cette même autorité a retiré trois, un et un points dudit permis suite aux infractions constatées respectivement les 18 juillet 2008, 16 octobre 2008 et 29 novembre 2008 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de restituer à M. A les cinq points illégalement retirés au capital de son permis de conduire et d'en tirer toutes les conséquences à la date de la nouvelle décision sur le capital de points et le droit de conduire de l'intéressé ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme réclamée par M. B au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision 48 SI du ministre de l'intérieur en tant qu'elle porte invalidation du permis de conduire de M. B, et les décisions par lesquelles cette même autorité a retiré trois, un et un points dudit permis suite aux infractions constatées respectivement les 18 juillet 2008, 16 octobre 2008 et 29 novembre 2008, sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de restituer à M. B les cinq points illégalement retirés au capital de son permis de conduire et d'en tirer toutes les conséquences à la date de sa nouvelle décision sur le capital de points et le droit de conduire de M.B.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 8 mars 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Jacques B et au ministre de l'intérieur.

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N° 11MA01300

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA01300
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-04 Police administrative. Police générale. Circulation et stationnement. Permis de conduire.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SCP ROMANI CLADA MAROSELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-11-08;11ma01300 ?
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