Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 26 juillet 2010, sous le n°10MA02900, présentée pour M. Cheick Abdou C, demeurant chez M. D, ...), par Me Vincensini, avocat ;
M. C demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0908981 du 18 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2009 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi que de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil, lequel s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 9 octobre 2012, le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;
1. Considérant que, par jugement du 18 mars 2010, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. C, de nationalité sénégalaise, tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2010 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que M. C relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998 dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que, si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans ce pays ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin inspecteur a estimé, dans son avis du 2 octobre 2009, que si l'état de santé de M. C, qui est atteint de troubles respiratoires, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait bénéficier au Sénégal d'un traitement approprié ;
4. Considérant, toutefois, que M. C, célibataire et sans enfant, soutient qu'il ne dispose d'aucune ressource, qu'il bénéficie en France de la couverture maladie universelle ainsi que de la couverture maladie universelle complémentaire et qu'il ne pourra donc pas effectivement accéder au traitement médical approprié dans son pays d'origine ; qu'à l'appui de ce moyen, il produit un article de la " Revue des maladies respiratoires ", en date de juin 2004, précisant que le coût annuel du traitement est nettement supérieur au montant du salaire mensuel minimum interprofessionnel garanti au Sénégal ; que ces données ne sont pas contestées par l'administration, qui se borne à faire valoir, sans aucun élément complémentaire, que la famille de l'intéressé résidant au Sénégal est susceptible de lui apporter une aide financière pour prendre en charge le coût des soins ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que M. C pourra bénéficier effectivement au Sénégal de l'accès aux soins nécessaires ;
5. Considérant qu'il s'ensuit que le refus de séjour en litige ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti, sont entachés d'illégalité ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que selon l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;
8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'administration délivre à M. C une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à l'intéressé un tel titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'affaire, les conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte doivent être rejetées ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
9. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
10. Considérant que, par application de ces dispositions, et sous réserve que Me Vincensini, avocat de M. C, renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser audit avocat la somme demandée de 1 500 euros, au titre des frais exposés qu'il aurait été susceptible de réclamer à M. C en l'absence d'aide juridictionnelle totale ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 18 mars 2010 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 novembre 2009 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. C un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Vincensini, avocat de M. C, la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Cheick Abdou C et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
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N° 10MA02900 2
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