La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2012 | FRANCE | N°10MA03007

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2012, 10MA03007


Vu, enregistrée le 30 juillet 2010, la requête présentée pour la commune de Cassis, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité Hôtel de Ville, Place Baragnon à Cassis (13620), par Me Sindres ; la commune de Cassis demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701610 du 31 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a, à la demande de M. Jean-Louis A, déclarée responsable à hauteur de 90 % du préjudice subi par ce dernier du fait de l'effondrement, à la suite des fortes précipitations des 1er et 2 décembre 2003, du terrain

de tennis de sa propriété située en bordure de berge du vallat de Revestel...

Vu, enregistrée le 30 juillet 2010, la requête présentée pour la commune de Cassis, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité Hôtel de Ville, Place Baragnon à Cassis (13620), par Me Sindres ; la commune de Cassis demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701610 du 31 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a, à la demande de M. Jean-Louis A, déclarée responsable à hauteur de 90 % du préjudice subi par ce dernier du fait de l'effondrement, à la suite des fortes précipitations des 1er et 2 décembre 2003, du terrain de tennis de sa propriété située en bordure de berge du vallat de Revestel, l'a condamnée à verser à ce dernier la somme de 71 965,80 euros en réparation de ce préjudice et a mis à sa charge les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 635,74 euros;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de M. A ;

3°) à titre subsidiaire, de fixer à 50 % sa part de responsabilité ;

4°) de condamner M. A à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner M. A aux entiers dépens ;

......................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 9 août 2010, le mémoire en communication de pièces présenté pour la commune de Cassis, représentée par son maire en exercice, par Me Sindres ;

Vu, enregistré, les 1er et 4 août 2011, le mémoire présenté pour M. Jean-Loup A, par la MCL d'avocats Ladouari-A, qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation de la commune de Cassis à lui verser la somme totale de 181 288,76 euros et, en tout état de cause, à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................

Vu, enregistré le 8 octobre 2012, le mémoire présenté pour la commune de Cassis, représentée par son maire en exercice, par Me Sindres, qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Camoin de la Selarl Sindres pour la commune de Cassis ;

1. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a, à la demande de M. A, déclaré la commune de Cassis responsable à hauteur de 90 % des dommages causés du fait de l'effondrement, à la suite des fortes précipitations, les 1er et 2 décembre 2003, du terrain de tennis de sa propriété et a condamné la commune à verser la somme de 71 965,80 euros à M. A au titre du préjudice subi ; qu'en appel, la commune de Cassis conteste l'engagement de sa responsabilité dans la survenance de ces dommages ; que, par la voie de l'appel incident, M. A demande que la commune soit déclarée entièrement responsable de son préjudice et la condamnation de la commune à lui verser la somme totale portée à 181 288,76 euros à titre de réparation de son préjudice ;

Sur la responsabilité de la commune de Cassis :

2. Considérant que M. A a acquis une maison avec jardin et y a fait construire en 1966 un terrain de tennis, sur un terrain sis chemin du Revestel, situé au nord du vallat de Revestel à Cassis ; qu'à la suite de fortes pluies survenues les 1er et 2 décembre 2003 à Cassis, cette ravine du Vallat, en temps normal pratiquement à sec, a vu son débit s'accroitre considérablement, ce qui, par phénomène d'érosion, a provoqué l'effondrement d'une partie du talus de la rive droite du vallat, qui bordait la propriété de M. A et où était implanté le terrain de tennis ; que le coin sud-est de ce terrain de jeu s'est effondré ;

3. Considérant que, même sans faute de sa part, le maître de l'ouvrage est intégralement responsable des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont il a la garde, en raison tant de leur existence que de leur entretien ou de leur fonctionnement ; qu'il n'en va différemment que si ces dommages sont, au moins partiellement, imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ; que, si les dommages sont également imputables, pour partie, au fait d'un tiers, cette circonstance n'est pas de nature à atténuer la responsabilité encourue par le maître de l'ouvrage public, qui peut seulement, s'il s'y croit fondé, exercer devant les juridictions compétentes tels recours que de droit contre le tiers responsable du fait qu'il invoque ;

4. Considérant, en premier lieu, que la commune de Cassis soutient que le vallat du Revestel ne constitue pas un ouvrage public, dès lors que cette ravine, où l'eau ne s'écoule qu'en cas d'épisodes pluvieux, est naturelle ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et comme le reconnaît la commune dans sa lettre du 19 octobre 2006 adressée à la compagnie d'assurances de M. A, jointe en pièce 4.34 du rapport d'expertise, que ce vallat a été " progressivement aménagé en aval lorsque (les eaux) pénètrent dans la zone urbaine " ; que le rapport d'expertise mentionne aussi l'existence d'une buse d'un diamètre de 700 mm et d'une longueur de 60 mètres, située à 40 mètres en amont de la propriété de M. A, qui canalise les eaux, ainsi que celle d'un enrochement placé dans le lit du Vallat pour réduire la vitesse des eaux en aval, ainsi qu'un ponceau ; qu'alors même que cette buse a été réalisée par un propriétaire riverain du vallat et que la ravine appartiendrait à des propriétaires privés, ces aménagements, effectués sous le contrôle de la commune, permettent de qualifier ce vallat en ouvrage public, dès lors qu'il résulte de l'instruction et notamment des dires de la commune, dans sa lettre susmentionnée du 19 octobre 2006, que cette ravine, ainsi aménagée, permet de recueillir les eaux pluviales et d'éviter les inondations et présente ainsi un intérêt général ; que, d'ailleurs, et en tout état de cause, la commune de Cassis, responsable du bon fonctionnement de l'ensemble du réseau communal d'évacuation des eaux, devait surveiller l'état de toutes les sections dudit réseau, qu'elles lui aient appartenu ou non ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que M. A a la qualité de tiers à l'égard de cet ouvrage public ; que la commune ne conteste pas le rapport de l'expert, qui affirme que les désordres trouvent leur origine, lors des crues épisodiques, dans la configuration du lit du vallat en forme de coude et la présence d'arbres dans le lit, concentrant l'érosion au pied de la berge déstabilisée ; que le lien de causalité entre le défaut d'entretien de cet ouvrage public et l'effondrement d'une partie du terrain de tennis est ainsi établi ; que les premiers juges, qui ont suffisamment qualifié la spécialité du dommage subi en mentionnant dans leur jugement que les désordres ont concerné M. A parmi les différents riverains des berges du vallat du Revestel, ont estimé à bon droit que la privation de l'usage d'une partie de la propriété de ce dernier constituait un dommage anormal ; que, par suite, la responsabilité sans faute de la commune est engagée ;

6. Considérant que, pour s'exonérer ou réduire sa part de responsabilité dans la survenance du dommage, la commune fait d'abord valoir que les pluies torrentielles survenues les 1er et 2 décembre 2003 sur le territoire communal et qui ont entrainé la reconnaissance d'état de catastrophe naturelle par un arrêté interministériel du 12 décembre 2003 constituent un cas de force majeure ; que, malgré leur importance, les pluies orageuses qui se sont abattues sur la commune de Cassis n'ont pas présenté un caractère de violence imprévisible constituant un cas de force majeure ; que la commune soutient aussi que la faute de la victime est de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; qu'il résulte de l'instruction que, pour édifier son terrain de tennis en 1966, M. A n'a pas obtenu le permis de construire exigé par l'article 84 du décret n° 54-766 du 26 juillet 1954 alors en vigueur, sur avis conforme du directeur départemental de la construction ; que l'autorisation obtenue par le demandeur ne constitue, contrairement à ce que soutient M. A, que l'accord préalable prévu à l'article 3 du décret du 13 septembre 1961 ; que toutefois cette circonstance n'est pas de nature à priver M. A de tout droit à réparation ; que, par ailleurs, il résulte du rapport de l'expert qu'après l'affaissement du talus, d'une hauteur quasi verticale de 5 mètres environ, et de la base du terrain à la suite des crues, les infiltrations des eaux pluviales à travers la dalle de béton du terrain de jeu ont accentué le sous-cavage et ont aggravé le dommage initial ; que la négligence du propriétaire, qui n'établit pas avoir bâché son terrain après son effondrement partiel et qui ne peut justifier le fait qu'il n'ait pas pris de mesures de sauvegarde de son terrain eu égard la promesse alléguée de la commune de réaliser de manière imminente des travaux de confortement des berges du vallat de Revestel, est de nature à atténuer la responsabilité de la commune ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation des responsabilités respectives de la commune et du requérant en condamnant la commune à réparer 90 % des dommages subis par M. A ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Cassis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que sa responsabilité a été retenue dans cette proportion par le tribunal administratif ;

Sur le préjudice :

8. Considérant que la commune de Cassis ne conteste pas le montant de la réparation allouée par les premiers juges et que M. A critique, par la voie de l'appel incident, le montant des réparations qui lui ont été allouées par le tribunal au titre de certains chefs de préjudice ;

9. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert du 13 décembre 2007 que le coût de la réfection du talus qui s'est effondré, laquelle réfection est nécessaire pour réparer le désordre constaté, s'élève, en retenant le mode de réparation alternatif par dalle portée par 10 micro pieux, d'un coût moindre, mais techniquement satisfaisant, à la somme TTC de 74 712 euros, hors remise en état du revêtement du terrain de tennis ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont pris en compte cette somme dans le montant du préjudice subi par M. A ; qu'en revanche, le coût des travaux de remise en état d'une surface de 30 m2 du court de tennis irrégulièrement édifié, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, fixé par l'expert à 2 250 euros HT, soit, avec un taux de TVA de 19,6 %, 2 691 euros TTC, ne peut être mis à la charge de la commune ; que, compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, il y a lieu de minorer la somme allouée à M. A pour ce chef de préjudice à la somme de 67 240,80 euros;

10. Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral de M. A en lui allouant la somme de 3 000 euros au titre de ce chef de préjudice ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune est seulement fondée à demander que la somme de 71 965,80 euros qu'elle a été condamnée à verser à M. A au titre de l'ensemble de son préjudice soit ramenée à la somme totale de 70 240,80 euros ;

Sur les dépens :

12. Considérant qu'il y a lieu de confirmer la mise à la charge de la commune des frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 635,74 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la commune de Cassis, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit à M. A ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. A à verser à la commune de Cassis quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 71 965,80 euros, que la commune de Cassis a été condamnée à verser à M. A par l'article 1 du jugement du 31 mai 2010 du tribunal administratif de Marseille, est ramenée à la somme de 70 240,80 euros.

Article 2 : Le jugement du 31 mai 2010 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête et les conclusions incidentes de M. A sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cassis et à M. A.

Copie pour information sera adressée à l'expert.

''

''

''

''

N° 10MA030072

MD


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03007
Date de la décision : 05/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-02-02 Procédure. Diverses sortes de recours. Recours de plein contentieux.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SELARL SINDRES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-11-05;10ma03007 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award