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23/10/2012 | FRANCE | N°10MA03650

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 23 octobre 2012, 10MA03650


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 16 septembre 2010 sous le n° 10MA03650, régularisée le 21 septembre 2010, présentée par Me Felli, avocat, pour M. Nizar A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900952 du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation pour excès de pouvoir du courrier du 7 août 2009 du directeur général des services de la commune d'Ajaccio lui annonçant qu'une mesure disciplinaire serait prise à son encontre,



- à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision le licenciant,

- à ce qu'il...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 16 septembre 2010 sous le n° 10MA03650, régularisée le 21 septembre 2010, présentée par Me Felli, avocat, pour M. Nizar A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900952 du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation pour excès de pouvoir du courrier du 7 août 2009 du directeur général des services de la commune d'Ajaccio lui annonçant qu'une mesure disciplinaire serait prise à son encontre,

- à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision le licenciant,

- à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Ajaccio de le réintégrer,

- à ce que la commune d'Ajaccio soit condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit courrier du 7 août 2009 ainsi que la décision le licenciant ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Ajaccio de le réintégrer dans ses effectifs au sein du service chargé du nettoiement ;

4°) de condamner la commune d'Ajaccio à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la loi modifiée n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi modifiée n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le décret modifié n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 novembre 2010 admettant M. A au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2012 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- et les observations de Me Bras pour la commune d'Ajaccio ;

Considérant que M. A, agent contractuel de la commune d'Ajaccio affecté au service chargé du nettoiement, demande l'annulation du jugement susvisé ayant rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision ayant mis fin à ses fonctions, ensemble ses conclusions à fin de réintégration par voie d'injonction ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du courrier du 7 août 2009 :

Considérant qu'aux termes de l'article 37 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 modifié relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : "Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale ayant le pouvoir de procéder au recrutement. / L'agent non titulaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le courrier en litige en date du 7 août 2009, signé par le directeur général des services de la commune d'Ajaccio, se contente d'informer M. A qu'une procédure disciplinaire est engagée à son encontre compte tenu de plusieurs manquements à ses obligations professionnelles, notamment le non respect des horaires, l'irrespect de la hiérarchie et des absences non justifiées, qu'il a droit dans ces circonstances de prendre connaissance de son dossier et qu'un arrêté de licenciement sera proposé à la signature de l'autorité territoriale ; que dans ces conditions, eu égard à ses termes, ce courrier ne peut être regardé comme la décision ayant décidé de radier M. A

des cadres de la commune d'Ajaccio, mais comme une mesure préparatoire au licenciement envisagé ; qu'il s'ensuit que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation dudit courrier du

7 août 2009 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision ayant licencié M. A :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'une première attestation de la commune d'Ajaccio, en sa qualité d'employeur, destinée à l'établissement Pôle Emploi, datée du 21 janvier 2010, fait état d'une période de travail de M. A ayant couru du 1er juillet au 19 octobre 2007 et s'étant achevée en raison d'un "non-renouvellement de contrat à durée déterminée" ; qu'une seconde attestation de la commune d'Ajaccio, en sa qualité d'employeur, destinée à l'établissement Pôle Emploi, datée du 22 janvier 2010, fait état d'une période de travail de M. A ayant couru du 4 mars 2008 au 30 septembre 2009 et s'étant achevée en raison d'un "licenciement pour motif disciplinaire" ; qu'en outre, un courrier de la commune du 11 mars 2010 déclare prendre en charge les indemnités chômage de M. A à compter du 1er février 2010 ; que M. A a expressément demandé en première instance à la commune d'Ajaccio de lui communiquer l'arrêté du maire d'Ajaccio l'ayant licencié, par un mémoire communiqué à la commune défenderesse par le greffe du tribunal et qui n'a obtenu aucune réponse ; que dans ces conditions, et compte tenu notamment des termes de l'acte préparatoire susmentionné du 7 août 2009, M. A doit être regardé comme ayant été licencié pour motif disciplinaire, à compter du 30 septembre 2009, par une décision non formalisée ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A avait invoqué à l'encontre de cette décision en litige, par son dernier mémoire de première instance du 23 juin 2010, l'insuffisante motivation entachant nécessairement cette décision non formalisée ; que M. A est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'avait invoqué aucun moyen permettant d'apprécier la légalité de ladite décision non formalisée ; qu'il y a lieu pour la Cour, par suite, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions de M. A aux fins d'annulation de la décision non formalisée le licenciant, ensemble rejette ses conclusions à fin de réintégration par voie d'injonction ; qu'il appartient à la Cour d'y statuer par la voie de l'évocation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 36-1 du décret n°88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont les suivantes : (...) 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. " ; qu'aux terme de l'article 37 du même décret : " (...) L'agent non titulaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. " ; qu'aux termes de l'article 42 dudit décret : "Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis." ;

Considérant que la décision non formalisée ayant licencié M. A pour motif disciplinaire n'est pas motivée par nature ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A n'a en outre pas été mis à même de présentation ses observations par un entretien préalable prévu par les dispositions précitées ; qu'il s'ensuit que M. A est fondé à soutenir que son licenciement pour motif disciplinaire est entaché d'un vice de forme et d'un vice de procédure et doit être annulé pour excès de pouvoir ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du code de justice administrative : "Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet." ;

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que M. A, agent contractuel illégalement licencié en cours de contrat, soit réintégré au sein des effectifs de la commune d'Ajaccio, en qualité de contractuel, dans le cadre juridique de son contrat et pour une durée correspondant à la durée pendant laquelle il aurait continué à travailler s'il n'avait pas été licencié ; qu'il y a lieu d'adresser à la commune une telle injonction de réintégration, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte financière ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la partie intimée, partie perdante, tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens ; que M. A ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et que son avocat n'ayant pas expressément renoncé à percevoir la part contributive de l'Etat, les conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Ajaccio à verser à M. A la somme de 5 000 euros doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A aux fins d'annulation de la décision non formalisée le licenciant et de réintégration par voie d'injonction.

Article 2 : La décision non formalisée ayant licencié M. A à compter du 30 septembre 2009 pour motif disciplinaire est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la commune d'Ajaccio de réintégrer M. A dans ses effectifs, en qualité de contractuel, dans le cadre juridique de son contrat et pour une durée correspondant à la durée pendant laquelle il aurait continué à travailler s'il n'avait pas été licencié.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 10MA03650 de M. A est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la partie intimée tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Nizar A et à la commune d'Ajaccio.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03650
Date de la décision : 23/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : FELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-23;10ma03650 ?
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