Vu I / la requête, enregistrée sous le n° 10MA02720 le 16 juillet 2010, présentée pour Mme Doris D épouse E, Mlle Savéria E, M. Stéphane E demeurant ... et M. Sylvain E demeurant ..., par Me Seffar ;
Mme D épouse E, Mlle Savéria E et MM. E demandent à la Cour :
1°) à titre principal, de confirmer le jugement n° 0900393 en date du 3 juin 2010 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a retenu la responsabilité du centre hospitalier de Bastia, d'annuler le jugement en tant qu'il n'a pas répondu aux moyens développés en première instance et d'ordonner une expertise médicale aux fins de préciser le taux de déficit fonctionnel permanent dont Mme D épouse E est atteinte en lien avec l'intervention chirurgicale du 18 février 2003 et d'évaluer les souffrances qu'elle a endurées et le préjudice esthétique qu'elle a subi ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier à payer à Mme D épouse E la somme de 1 289 895,42 euros en réparation de ses préjudices consécutifs à l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 18 février 2003 sous déduction de la somme de 13 000 euros allouée à titre provisionnel, à Mlle et MM. E la somme de 15 000 euros chacun ;
3°) à titre plus subsidiaire, ordonner un complément d'expertise aux fins de déterminer la durée journalière de l'aide à la tierce personne ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia, outre les dépens, la somme de 2 500 euros au titre des frais d'instance ;
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Vu II / la requête et le mémoire, enregistrés sous le n° 10MA03046 les 2 août et 15 novembre 2010, présentés pour le Centre hospitalier de Bastia dont le siège est BP 680 à Bastia (20604) et son assureur, la SHAM, par Me Le Prado ;
Le centre hospitalier de Bastia et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) demandent à la cour, d'une part, d'annuler le jugement n° 0900393 en date du 3 juin 2010 du tribunal administratif de Bastia qui a condamné le centre hospitalier à verser la somme de 133 500 euros à Mme E, la somme de 1 000 euros à chacun des trois enfants de Mme E et la somme de 52 400,58 euros à la caisse des dépôts et consignations et, d'autre part, de rejeter la demande des consorts E ainsi que les conclusions de la caisse des dépôts et consignations ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que le jugement paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2012,
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure ;
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Bellaiche pour les consorts E ;
1. Considérant que par requêtes enregistrées respectivement le 16 juillet 2010 sous le n° 10MA02720 et le 2 août 2010 sous le n° 10MA03046, Mme D épouse E, Mlle Savéria E, MM. Stéphane et Sylvain E, d'une part, le Centre hospitalier de Bastia, d'autre part, relèvent appel du jugement n° 0900393 du 3 juin 2010 du tribunal administratif de Bastia qui a condamné le Centre hospitalier de Bastia à verser à Mme E la somme de 133 500 euros, à chacun des trois enfants de Mme E la somme de 1 000 euros et à la Caisse des dépôts et consignations, la somme de 52 400,58 euros en réparation des divers préjudices consécutifs à l'intervention chirurgicale réalisée dans l'établissement hospitalier le 18 février 2003 ; que les consorts E demandent, dans le dernier état de leurs écritures d'appel, à titre principal, la confirmation du jugement entrepris en tant qu'il se prononce sur la responsabilité du Centre hospitalier de Bastia, à la réformation du montant des sommes allouées par le tribunal et à la condamnation du Centre hospitalier de Bastia à payer à Mme D épouse E la somme de 1 289 895,42 euros en réparation de ses préjudices consécutifs à l'accident médical du 18 février 2003, sous déduction de la somme provisionnelle de 13 000 euros, et la somme de 15 000 euros à chacun des enfants de Mme D épouse E ; que les consorts E sollicitent, à titre subsidiaire, une expertise médicale aux fins de fixer l'étendue des préjudices de Mme D épouse E et, à titre encore plus subsidiaire, un complément d'expertise médicale aux fins de fixer la durée de la nécessité de la présence d'une tierce personne auprès de Mme D épouse E ; que le Centre hospitalier de Bastia et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), demandent l'annulation du jugement entrepris sans toutefois remettre en cause les manquements fautifs imputables commis lors de l'intervention chirurgicale de Mme D épouse E le 18 février 2003 ;
Sur les conclusions de la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) :
2. Considérant que par un mémoire enregistré le 20 septembre 2012, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) déclare se désister de la requête enregistrée sous le n° 10MA03046 ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur la jonction :
3. Considérant que Mme Doris D épouse E, Mlle Savéria E, MM. Stéphane et Sylvain E et le Centre hospitalier de Bastia relèvent appel du même jugement ; que, dès lors, il y a lieu de joindre leurs requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers "doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci" ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit ; que devant le tribunal administratif de Bastia, Mme D épouse E a fait connaître sa qualité d'agent d'entretien de la commune de Bastia ; que dès lors, en ne communiquant pas la requête de Mme D épouse E et autres à la commune de Bastia, employeur public de l'intéressée à la date des faits litigieux, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que ce dernier doit, par suite, être annulé en tant qu'il a statué sur le préjudice des consorts E ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et, la commune de Bastia ayant été régulièrement mise en cause devant la Cour, de statuer immédiatement sur le préjudice des consorts E ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise rédigé par un praticien spécialisé en neurochirurgie que la technique utilisée par le chirurgien qui a opéré Mme Doris D épouse E le 18 février 2003 au Centre hospitalier de Bastia, et qui a consisté notamment en une arthrodèse L5-S1 par deux vis pédiculaires solidarisées par une tige métallique à gauche, n'était pas conforme aux bonnes pratiques médicales qui recommandaient, dans les cas de lésion unilatérale comme celle que présentait l'intéressée, une stabilisation symétrique de la colonne vertébrale et non une simple fixation unilatérale ; qu'en outre, il résulte du même rapport d'expertise que le centre hospitalier a manqué à son devoir de surveillance dans le suivi post-opératoire de Mme Doris D épouse E en ne remettant pas en cause l'intervention chirurgicale réalisée qui, outre le fait qu'elle n'a pas permis d'améliorer les lombalgies, a été à l'origine de sciatalgies bilatérales et d'une pseudarthrose ; que, par suite, et ainsi que l'a jugé le tribunal, la responsabilité du Centre hospitalier de Bastia est engagée à raison des conséquences dommageables de cette intervention, comme l'admet, au demeurant, l'établissement de soins ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne la fraction du préjudice réparable :
7. Considérant toutefois que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel survenu, mais la perte d'une chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
8. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise versé au dossier que la technique chirurgicale utilisée par le Centre hospitalier de Bastia lors de l'intervention du 18 février 2003, d'une part, n'a pas permis d'améliorer les lombalgies que présentaient Mme Doris D épouse E depuis 1998 et, d'autre part, est à l'origine de sciatalgies bilatérales surajoutées et d'une pseudartrose ; que, toutefois, l'homme de l'art a indiqué que si une arthrodèse était indiquée, celle-ci, même avec le meilleur montage, ne s'effectuait pas toujours et qu'en l'espèce, la discopathie avec arthrose évoluée à l'étage L5-S1 que présentait Mme D épouse E pouvait la prédisposer à une pseudarthrose ; qu'ainsi, les fautes commises par le Centre hospitalier de Bastia ont seulement fait perdre à Mme D épouse E une chance d'éviter une pseudarthrose L5-S1 et les douleurs particulièrement invalidantes qui l'ont accompagnée ; que l'étude versée par le Centre hospitalier de Bastia devant la cour selon laquelle seulement 40 % des patients qui travaillaient avant la réalisation d'une arthrodèse (18 sur 44) ont repris le même poste, ne saurait être prise en compte pour déterminer le taux de perte de chance de Mme D épouse E dans la mesure où ladite analyse n'apporte aucune précision sur la nature de l'emploi de ces patients ni sur l'âge de ceux-ci ; qu'en l'espèce, compte-tenu de ce qui précède et notamment de l'état d'évolution de la discopathie de Mme D épouse E avant l'intervention litigieuse, il y a lieu de fixer aux deux tiers du montant des préjudices subis par la réparation qui doit être mise à la charge du Centre hospitalier de Bastia ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des dépenses de santé :
9. Considérant, d'une part, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse est dans l'impossibilité, compte-tenu de l'ancienneté de faits, de faire valoir sa créance en lien avec l'intervention chirurgicale litigieuse ; que la caisse a cependant précisé, dans un mémoire présenté devant le tribunal administratif, n'avoir versé aucune indemnité journalière à Mme D épouse E ; que, d'autre part, Mme D épouse E ne soutient pas que des dépenses de santé, en lien avec l'intervention chirurgicale litigieuse du 18 février 2003, seraient restées à sa charge ; que, par suite, aucune somme ne saurait, au titre de ce poste de préjudice, être mise à la charge du Centre hospitalier de Bastia ;
S'agissant des frais liés au handicap :
10. Considérant que Mme D épouse E demande, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 60 000 euros au titre de la tierce personne avant la date de la consolidation de son état de santé sur la base d'un tarif horaire de 20 euros et de cinq heures par jour pendant 600 jours et, pour la période postérieure à la date de la consolidation de son état de santé, sur la base du même tarif horaire et de la même durée par jour, la somme de 774 092 euros compte tenu de son âge et du barème de la Gazette du palais ;
11. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas du rapport de l'expertise que l'état de santé de Mme D épouse E a nécessité, du fait des manquements commis par le Centre hospitalier de Bastia lors de l'intervention chirurgicale réalisée le 18 février 2003 et dans le suivi de cette intervention, le recours à l'assistance d'une tierce personne après la date de la consolidation de son état de santé fixée par l'homme de l'art au 25 janvier 2005 ; que la circonstance que l'expert a mentionné dans son rapport daté du 10 mars 2008 que " les résultats n'ont pas été complets et Mme E souffre encore de lombalgies invalidantes entraînant des restrictions pour les gestes de la vie quotidienne et la nécessité d'une aide extérieure " n'est pas de nature à établir un lien de causalité entre la nécessité du recours à la tierce personne et les manquements commis par le Centre hospitalier de Bastia lors de sa prise en charge dans la mesure où, postérieurement à l'intervention chirurgicale litigieuse, l'intéressée s'est soumise à une seconde arthrodèse le 25 octobre 2004 selon une technique chirurgicale appropriée et conforme aux bonnes pratiques médicales qui, si elle a permis la sédation des sciatiques, a cependant laissé persister les lombalgies chroniques invalidantes pour lesquels au demeurant, l'intéressée avait sollicité son placement en congé longue maladie dès la fin de l'année 2002 ; que, de même, le certificat médical établi le 8 décembre 2009 par un médecin généraliste attestant de l'utilité du recours à une aide ménagère pendant une durée de cinq heures par jour n'est pas de nature à établir un lien de causalité entre les manquements commis par le Centre hospitalier de Bastia lors de l'intervention réalisée le 18 février 2003 et la nécessaire présence d'une tierce personne auprès de Mme D épouse E qui a subi, postérieurement à celle pratiquée le 25 octobre 2004, soit le 16 mars 2009 une intervention chirurgicale dans un établissement de soins privé à Marseille au niveau L3-L4 et L4-L5, le 23 juillet 2009, une infiltration péri-radiculaire L3-L4 gauche et, enfin, le 7 mai 2010, une intervention chirurgicale en vue de traiter une cruralgie ;
12. Considérant, toutefois, que pour la période antérieure à la date de consolidation de son état, soit du 18 mai 2003 au 25 janvier 2005, il résulte du rapport de l'expertise que Mme D épouse E a souffert, du fait de la technique inappropriée utilisée par le Centre hospitalier de Bastia lors de son intervention du 18 février 2003, de sciatalgies bilatérales surajoutées et qu'elle a présenté de graves difficultés à la marche, l'intéressée se déplaçant avec des cannes au cours de cette période ; qu'il résulte de l'expertise qu'en raison du montage asymétrique litigieux effectué lors de l'intervention du 18 février 2003, Mme D épouse E a souffert de lombosciatalgies pénibles pendant une durée de 20 mois correspondant à la période d'incapacité temporaire totale du 18 mai 2003 au 25 janvier 2005 telle que fixée par l'homme de l'art ;
13. Considérant que lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée ;
14. Considérant que si le centre hospitalier fait valoir que Mme D épouse E ne justifie pas de l'emploi d'une tierce personne pour l'aider dans les actes de sa vie quotidienne, il ne conteste toutefois pas que cette aide lui a été apportée par sa fille ; que, par suite, eu égard à ce qui précède, et sans qu'il soit utile de recourir à une mesure d'expertise, il sera fait une juste appréciation des besoins de Mme D épouse E en assistance d'une tierce personne à domicile pour la période antérieure à la consolidation de son état en les évaluant, en référence aux taux horaires du SMIC brut applicables au cours des années 2003 et 2004, sur la base de la présence de trois heures par jour pendant la durée de la période d'incapacité temporaire totale, soit pendant vingt mois, la somme de 13 320 euros ; qu'ainsi, compte-tenu de la fraction de deux tiers retenue ci-dessus, il y a lieu d'accorder à Mme D épouse E, au titre de la tierce personne, une somme de 8 880 euros ;
S'agissant des pertes de revenus :
15. Considérant, d'une part, que Mme D épouse E sollicite une somme de 24 000 euros au titre de la perte de gains professionnels qu'elle allègue avoir subie au cours de la période d'incapacité temporaire totale de 20 mois, en l'espèce du 18 mai 2003 au 25 janvier 2005, compte tenu du montant de son traitement moyen net de 1 2000 euros qu'elle percevait avant sa mise en invalidité ;
16. Considérant qu'il résulte du dossier de première instance que, par un arrêté du maire de Bastia daté du 15 janvier 2003, Mme D épouse E a été admise, à sa demande, à compter du 28 octobre 2002, soit antérieurement à l'intervention chirurgicale objet du litige, au bénéfice d'un congé longue maladie pour une période allant jusqu'au 27 juillet 2003 inclus ; qu'elle ne saurait dès lors imputer une prétendue perte de revenus au cours de la période du 18 mai au 27 juillet 2003 aux manquements commis par le Centre hospitalier de Bastia; que, pour la période du 28 juillet au 25 octobre 2003, il résulte d'un arrêté du maire de Bastia du 12 août 2003 que Mme D épouse E a bénéficié d'un plein traitement ; qu'en revanche, il résulte du même arrêté municipal du 12 août 2003 ainsi que de l'arrêté municipal du 10 mai 2004 et de celui daté du 29 décembre 2004 que Mme D épouse E a perçu un demi-traitement au cours de la période du 26 octobre 2003 au 23 avril 2005 ; que, dans ces conditions, Mme D épouse E, qui n'a perçu aucune indemnité journalière de la part de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, est fondée à demander, au titre de la période du 25 octobre 2003 au 25 janvier 2005, deux tiers du demi-traitement qu'elle n'a pas perçu en raison des manquements commis par le Centre hospitalier de Bastia à l'origine de sciatalgies et d'une reprise de l'arthrodèse le 25 octobre 2004 ; qu'ainsi, sur la base d'un traitement mensuel net moyen de 1 174 euros perçu au cours de l'année au vu du montant net fiscal cumulé de 14 086,31 euros mentionné sur le bulletin de salaire du mois de décembre 2002, une somme de 5 870 euros doit être allouée à Mme D épouse E en réparation de la perte de revenus au titre de la période du 25 octobre 2003 au 25 janvier 2005 ;
17. Considérant, d'autre part, que Mme D épouse E soutient que l'échec de l'intervention chirurgicale réalisée le 18 février 2003 ne lui a pas permis de retrouver son état physique compatible avec l'exercice d'une activité professionnelle d'agent d'entretien ou de puéricultrice et, qu'en conséquence, ayant été admise au concours de puéricultrice juste avant son intervention chirurgicale, une somme de 303 893,42 euros doit lui être allouée en compensation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'un salaire moyen de 1 400 euros compte tenu de son âge et du barème de la Gazette du palais ;
18. Considérant qu'alors que Mme D épouse E justifie avoir été admise au concours d'entrée à l'école d'auxiliaires de puériculture du Centre hospitalier de Bastia, elle ne justifie cependant pas, ainsi que l'administration le lui a demandé par un courrier daté du 19 juin 2002, avoir confirmé son admission par écrit avant le 28 juin 2002 ; qu'elle n'allègue pas, au demeurant, avoir procédé à la confirmation de son admission ; qu'ainsi, selon les termes mêmes de ce courrier, elle doit être présumée avoir renoncé au bénéficie de sa réussite au concours à la date du 28 juin 2002 ; que dans ces circonstances, en l'absence de lien de causalité entre l'intervention litigieuse du 18 février 2003 et le renoncement au bénéfice du concours d'auxiliaire de puériculture, aucune somme ne saurait lui être allouée à ce titre ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le déficit fonctionnel de 10 % dont est atteinte Mme D épouse E en lien avec les manquements fautifs commis par le Centre hospitalier de Bastia lors de l'intervention chirurgicale soit la cause de l'impossibilité de reprendre l'activité professionnelle d'agent d'entretien qu'elle exerçait avant l'intervention litigieuse dès lors que, d'une part, l'intéressée a été placée, à sa demande et en raison de ses problèmes de santé, en congé longue maladie à compter du mois d'octobre 2002 pour une durée de neuf mois, que, d'autre part, l'arthrodèse bilatérale réalisée selon les règles de l'art le 25 octobre 2004, qui a permis la sédation des sciatiques, a cependant laissé subsister une lombalgie chronique invalidante entraînant des restrictions pour les gestes de la vie quotidienne ; qu'en outre, postérieurement à cette arthrodèse réalisée en octobre 2004, il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme D épouse E a nécessité la poursuite de traitements antalgiques, la réalisation d'infiltrations et a justifié le recours à deux interventions chirurgicales pratiqués dans un établissement de soins privé, le 16 mars 2009 en raison de sténoses partielles L3-L4 et L4-L5 et le 7 mai 2010 en raison de cruralgie ; que, dans ces conditions et dès lors que l'existence d'un lien de causalité entre les manquements hospitaliers commis en 2003 et l'impossibilité de reprendre son activité professionnelle d'agent d'entretien à compter du 25 janvier 2005, date de la consolidation de son état de santé après réalisation d'une arthrodèse conforme aux bonnes pratiques médicales, ne résulte pas de l'instruction, le Centre hospitalier de Bastia ne saurait être condamné à verser une quelconque somme à Mme D épouse E au titre de la perte de revenus futurs en qualité d'agent d'entretien de la commune de Bastia ;
19. Considérant que si la Caisse des dépôts et consignations demande le remboursement de la somme de 52 400,58 euros représentant le capital représentatif à la date du 1er janvier 2010 de la pension de retraite anticipée versée à Mme D épouse E à compter du 17 avril 2007 qu'elle soutient être en lien avec les fautes commises par le Centre hospitalier de Bastia le 18 février 2003, eu égard aux éléments qui précèdent, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il existe un lien de causalité entre les manquements commis lors de l'intervention chirurgicale litigieuse et la mise à la retraite anticipée de Mme D épouse E, le Centre hospitalier de Bastia ne saurait être condamné à payer à la Caisse des dépôts et consignations le montant qu'elle demande ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère extra patrimonial :
20. Considérant, en premier lieu, d'une part, que si Mme D épouse E fait valoir que son état de santé s'est aggravé depuis 2008, date du rapport d'expertise du docteur Jourdan qui a fixé à 10 % le taux du déficit fonctionnel permanent dont elle est atteinte en lien avec l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 18 février 2003 et qu'une nouvelle expertise doit être ordonnée aux fins de préciser son entier préjudice, il ne résulte pas de l'instruction, à supposer même qu'une aggravation de son état de santé soit établie, que celle-ci présente un lien de causalité avec les manquements du Centre hospitalier de Bastia commis lors de l'intervention réalisée le 18 février 2003 ; que, d'autre part, il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures qu'a subis Mme D épouse E du fait des manquements commis par le Centre hospitalier de Bastia lors de l'intervention chirurgicale réalisée le 18 février 2003 compte tenu de son âge à la date des faits, en l'espèce 46 ans, et en tenant compte du déficit fonctionnel temporaire total de 20 mois, du déficit fonctionnel permanent de 10 % dont elle reste atteinte et du préjudice d'agrément en les évaluant à la somme globale de 20 600 euros ; qu'en outre, il y a lieu d'évaluer les souffrances physiques, fixées à 3 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert, qu'a endurées Mme D épouse E jusqu'à la date de la pose du diagnostic de pseudarthrose qui a justifié le recours à l'intervention pratiquée le 25 octobre 2004 à la somme de 3 000 euros ; qu'il y a ainsi lieu, et sans qu'il soit utile de recourir à une nouvelle expertise médicale, compte-tenu de la fraction de deux tiers définie plus haut, de condamner le Centre hospitalier de Bastia à verser à Mme D épouse E les sommes de 13 733 et 2 000 euros ;
21. Considérant, en second lieu, qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures qu'ont subis chacun des trois enfants de Mme D épouse E dans leurs conditions d'existence, respectivement âgés de 21, 16 et 13 ans à la date des faits litigieux, en lien avec les manquements commis par le Centre hospitalier de Bastia en les fixant à la somme de 600 euros ; qu'il y a ainsi lieu, compte-tenu de la fraction de deux tiers définie plus haut, de condamner le Centre hospitalier de Bastia à verser à chacun des enfants de Mme D épouse E la somme de 400 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par Mme D épouse E et ses enfants ainsi que par la Caisse des dépôts et consignations sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Caisse des dépôts et consignations au titre des dispositions de cet article ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du Centre hospitalier de Bastia le versement à Mme D épouse E et autres de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de la société hospitalière d'assurances mutuelles.
Article 2 : Le jugement n° 0900393 en date du 3 juin 2010 du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a statué sur le préjudice des consorts E.
Article 3 : Le Centre hospitalier de Bastia est condamné à payer à Mme D épouse E la somme de 30 483 euros sous déduction de la somme de 13 000 euros allouée à titre provisionnel par l'ordonnance n° 0800963 en date du 13 octobre 2008 du président du tribunal administratif de Bastia.
Article 4 : Le Centre hospitalier de Bastia est condamné à payer à M. Sylvain E, à Mlle Savéria E et à M. Stéphane E la somme de 400 euros chacun.
Article 5 : Le Centre hospitalier de Bastia versera à Mme D épouse E, à M. Sylvain E, à Mlle Savéria E et à M. Stéphane E la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus de la demande de Mme D épouse E et de ses enfants, le surplus des conclusions du Centre hospitalier de Bastia et les conclusions présentées par la Caisse des dépôts et consignations sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Doris D épouse E, Mlle Savéria E, M. Stéphane E, M. Sylvain E, au centre hospitalier de Bastia, à la caisse d'assurance maladie de la Haute-Corse, à la Caisse des dépôts et consignations, à la commune de Bastia et à la société hospitalière d'assurances mutuelles.
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