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16/10/2012 | FRANCE | N°11MA03377

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2012, 11MA03377


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 19 août 2011 sous le n°11MA03377, présentée pour M. Régis B, demeurant ... par la SCP Yves Barbier - Herve Barbier, avocat ;

M. B demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904358 du 28 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille, sur demande de la société Roydis, a annulé la décision du 30 avril 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspecteur du travail

de la 3ème section des Bouches-du-Rhône en date du 18 novembre 2008 autoris...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 19 août 2011 sous le n°11MA03377, présentée pour M. Régis B, demeurant ... par la SCP Yves Barbier - Herve Barbier, avocat ;

M. B demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904358 du 28 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille, sur demande de la société Roydis, a annulé la décision du 30 avril 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 3ème section des Bouches-du-Rhône en date du 18 novembre 2008 autorisant son licenciement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la société Roydis ;

3°) de mettre à la charge de la société Roydis le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2012 :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant que, par jugement du 28 juin 2011, le tribunal administratif de Marseille, sur demande de la société Roydis, a annulé la décision du 30 avril 2009 par laquelle le ministre chargé du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 3ème section des Bouches-du-Rhône en date du 18 novembre 2008 autorisant le licenciement pour faute de M. B ; que M. B relève appel de ce jugement ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;

Considérant que M. B était agent de maîtrise et responsable technique, depuis son embauche le 28 septembre 2005, au sein de la société Roydis, qui exploite un supermarché sous l'enseigne Centre E. Leclerc à Marseille ; qu'il était également membre du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, depuis sa désignation le 16 octobre 2006, son mandat représentatif expirant le 15 octobre 2008 ; que, par lettre du 25 septembre 2008, la société Roydis a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour faute au motif que l'intéressé avait, le 9 septembre 2008, introduit et utilisé une carabine à plomb dans l'enceinte du magasin, en présence du personnel, afin d'éradiquer deux pigeons se trouvant dans la surface de vente ; que pour annuler, sur recours hiérarchique formé par M. B, l'autorisation délivrée par l'inspecteur du travail, sans se prononcer ensuite sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu de la fin de la période de protection du salarié, le ministre chargé du travail a estimé, d'abord, qu'il n'était pas établi que M. B avait lui-même introduit la carabine dans l'entreprise, ensuite, que l'employeur avait déjà eu connaissance de faits identiques commis à plusieurs reprises au cours des années antérieures, sans qu'aucune sanction ou mesure ne soit prise pour mettre fin à une telle pratique, et, enfin, que les faits reprochés au salarié étaient fautifs mais ne revêtaient pas un caractère de gravité suffisante, eu égard à " la carence précédente " de l'employeur, pour justifier un licenciement ;

Considérant, en premier lieu, que M. B, qui soutient que l'entretien préalable au licenciement et la réunion du comité d'entreprise se sont tenus le même jour alors qu'il ne connaissait pas au préalable les motifs de sa convocation à l'entretien préalable et n'a ainsi pu utilement préparer sa défense devant le comité d'entreprise qui s'est ensuite déroulé, doit être regardé comme soulevant l'irrégularité de la procédure conduite par l'employeur ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le courrier convoquant M. B à la réunion du comité

d'entreprise du 23 septembre 2008 lui a été adressé le 16 septembre 2008 et comportait l'ordre du jour précis de la séance ainsi qu'une annexe mentionnant le détail des griefs qui lui étaient reprochés ; que, dans une lettre à l'inspecteur du travail du 19 septembre 2008, le salarié a reconnu qu'il avait " reçu le motif " de son éventuel licenciement ; que, dès lors, eu égard au délai qui s'est écoulé entre cette dernière date et celle de la réunion du comité d'entreprise et à la circonstance que le salarié ne démontre pas que ce délai serait insuffisant, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, la société Roydis conteste que la carabine se trouvait de longue date dans le magasin, ce dont la preuve n'est pas rapportée dans l'instance ; que, si un salarié déclare que M. B aurait de " nombreuses fois " utilisé une carabine pour tuer les pigeons, en particulier de novembre 2006 à décembre 2007 pendant l'épisode de grippe aviaire, plusieurs autres attestations émanant de membres du personnel font seulement état des déclarations de M. B en ce sens tandis que d'autres salariés certifient ne jamais avoir été témoins de tels faits ; qu'à supposer même qu'une carabine ait déjà auparavant été utilisée par M. B, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la société Roydis en aurait été informée à l'époque et de manière précise ; qu'il résulte des éléments versés aux débats que l'employeur avait mis en oeuvre des moyens de lutte contre les pigeons dès le mois de décembre 2005 en faisant appel aux interventions d'une société spécialisée, ce que M. B savait nécessairement compte tenu de ses fonctions ; qu'il ressort des attestations de salariés de l'entreprise que, le 5 septembre 2008, l'intéressé avait fait état de la décision de l'employeur, qu'il approuvait, de recourir à la pose de cages, un devis pour ce faire ayant été signé le 6 septembre 2008 ; que, dans ces conditions, d'une part, la société Roydis ne peut être regardée comme ayant toléré l'utilisation d'une carabine pour éradiquer les pigeons et, d'autre part, M. B n'est pas fondé à soutenir qu'un doute, qui doit profiter au salarié, subsisterait sur ce point ; qu'en l'absence de tolérance, les faits reprochés au salarié sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que, le 8 septembre 2008, soit la veille des faits qui servent de fondement à la demande d'autorisation de licenciement, M. B a envoyé au directeur du magasin, en qualité de président du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, une lettre dénonçant des faits de discrimination et de harcèlement dont il aurait été victime de la part du service de sécurité de l'entreprise et, par ailleurs, faisant état de faits qu'il estime relever de la pratique de la religion dans l'entreprise ; que, toutefois et en tout état de cause, cette seule circonstance, eu égard au contenu de la lettre invoquée et en l'absence de tout autre élément, notamment sur la façon dont l'intéressé exerçait son mandat, n'est pas de nature à établir qu'un doute subsisterait sur l'existence d'un lien entre l'autorisation de licenciement sollicitée et les fonctions représentatives exercées par le salarié ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision ministérielle du 30 avril 2009 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la société Roydis, d'ailleurs non chiffrées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Roydis tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Régis B, à la société Roydis et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 11MA03377 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA03377
Date de la décision : 16/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP YVES BARBIER - HERVE BARBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-16;11ma03377 ?
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