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08/10/2012 | FRANCE | N°10MA01927

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 08 octobre 2012, 10MA01927


Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2010, présentée pour M. Marc et Mme Michèle épouse demeurant ..., par Me d'Ortoli ; M. et Mme épouse demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402391 en date du 16 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à voir condamner le département des Alpes-Maritimes à leur verser la somme de 77 000 euros en réparation des désordres affectant leur propriété consécutivement aux travaux de creusement du tunnel de la Condamine dans le cadre de la réalisation de la pénétrante dite " du Pail

lon " entre Cataron et la pointe de Contes ;

2°) de condamner le départeme...

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2010, présentée pour M. Marc et Mme Michèle épouse demeurant ..., par Me d'Ortoli ; M. et Mme épouse demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402391 en date du 16 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à voir condamner le département des Alpes-Maritimes à leur verser la somme de 77 000 euros en réparation des désordres affectant leur propriété consécutivement aux travaux de creusement du tunnel de la Condamine dans le cadre de la réalisation de la pénétrante dite " du Paillon " entre Cataron et la pointe de Contes ;

2°) de condamner le département des Alpes-Maritimes à leur verser la somme de 82 000 euros, sauf à parfaire, en réparation des désordres affectant leur propriété, de leur préjudice de jouissance et des nuisances notamment sonores subis depuis l'année 2002, date du commencement des travaux liés au percement du tunnel de la Condamine dans le cadre de la réalisation de la pénétrante dite " du Paillon " entre Cataron et la pointe de Contes ;

3°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes, outre les dépens, la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance ;

..........................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 février 2012, pour le département des Alpes-Maritimes, présenté par Me Christen qui conclut au rejet de la requête ;

.......................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2012,

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

Considérant que M. et Mme relèvent appel du jugement du 16 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à voir condamner le département des Alpes-Maritimes à leur verser la somme de 77 000 euros en réparation des désordres affectant leur propriété sise à Cantaron du fait des travaux de creusement du tunnel de la Condamine dans le cadre de la réalisation de la pénétrante dite " du Paillon " entre Cataron et la pointe de Contes ; qu'ils demandent à la cour de condamner le département des Alpes-Maritimes à leur verser la somme de 82 000 euros, sauf à parfaire, en réparation de leur entier préjudice ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1957 : " Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque (...) " ;

Considérant que si les engins de chantier constituent des véhicules au sens des dispositions de la loi du 31 décembre 1957 et que cette loi attribue d'une manière générale aux tribunaux de l'ordre judiciaire la connaissance des actions en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule sans comporter d'exception notamment lorsque les dommages ont été causés par un véhicule participant à l'exécution d'un travail public, la compétence judiciaire ne prévaut que pour autant que le dommage invoqué trouve sa cause déterminante dans l'action d'un véhicule ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les dommages invoqués par M. et Mme trouvent leur cause déterminante dans l'action des véhicules participant au chantier de percement du tunnel de Cantaron ; que, par suite, les conclusions tendant à la réparation des dommages causés par les vibrations engendrées par les travaux de percement du tunnel de Cantaron doivent être regardées comme relevant de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, l'exception d'incompétence invoquée par la collectivité intimée ne peut qu'être écartée ;

Considérant que M. et Mme ont la qualité de tiers par rapport aux travaux de percement du tunnel de la Condamine dans le cadre de la réalisation de la pénétrante dite " du Paillon " entre Cantaron et la pointe de Contes ; qu'ainsi, ils sont fondés à rechercher la responsabilité du département des Alpes-Maritimes sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques à la condition toutefois d'établir un lien direct de causalité entre les travaux et la présence de l'ouvrage en litige et les préjudices qu'ils subissent ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne les désordres matériels affectant la propriété de M. et Mme :

Considérant que M. et Mme soutiennent que les dommages qui affectent leur propriété et pour lesquels ils sollicitent une indemnisation sont apparus au mois d'octobre 2002 pour s'accentuer considérablement vers les mois de février et mars 2003 et se poursuivre en décembre 2007 ; qu'ils soutiennent que ces désordres qui affectent les sols, les murs et la toiture de leur habitation résultent des vibrations des travaux engendrés par le chantier de percement du tunnel et aux tirs de mines qui ont été pratiqués ;

Considérant, en premier lieu, que si M. et Mme établissent par trois constats d'huissier en date des 11 juillet 2003, 17 février 2004 et 4 février 2008 l'existence de désordres affectant les sols et murs de leur propriété en 2003 et que de nouveaux désordres affectant les mêmes parties de leur propriété sont apparus entre 2003 et 2008, le rapport rédigé le 24 décembre 2003 par le cabinet Ledeuil, à la demande de leur compagnie d'assurance et à l'issue d'une procédure non contradictoire, qui se borne à conclure que les fissures constatées aux sols, aux murs et en plafond " semblent provenir des travaux et plus précisément des vibrations dues au forage et à l'intensité des tirs de mines " du chantier de construction de la pénétrante du Paillon et notamment du percement du tunnel qui ont débuté au mois d'août 2002 ne permet toutefois pas, compte tenu de son caractère succinct et non étayé, d'établir un tel lien ; qu'en outre, ni l'attestation rédigée en 2009 par l'une des amies des requérants, ni l'attestation datée du 4 mai 2010 produite pour la première fois en appel, rédigée par M. Ledeuil pour les seuls besoins de la cause, qui mentionne que sur le " dossier ne figure aucune annotation concernant une éventuelle dégradation des revêtements de sol " et qu'à l'époque, soit en 2000, M. n'a " jamais fait observer la moindre dégradation de ces carrelages " ne permettent d'établir que les revêtements de sol de la maison d'habitation des appelants étaient, dix ans auparavant, indemnes de tous désordres ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'expertise réalisée par M. Breitfeld, expert désigné par une ordonnance du 4 avril 2001 du tribunal administratif de Nice et celle réalisée par M. Gouteron, expert désigné par une ordonnance du 29 septembre 2008 du tribunal administratif de Nice, font état de l'existence, dans plusieurs pièces de l'habitation des époux , construite à flanc de colline, de désordres relatifs au revêtement des sols tels des décollements, éclats, fissures et désaffleurements affectant les sols, des fissures murales et des fissures sur les murets extérieurs à leur habitation, elles ne permettent cependant pas de tenir pour certain, dans les termes où elles sont rédigées, que ces désordres résulteraient des tirs de mines auxquels il a été procédé en 2003 pour la réalisation de la tête nord du tunnel de la Condamine et des vibrations générées par les travaux de forage et de terrassement utilisés pour les travaux en cause dès août 2002 ; qu'en outre, l'expertise réalisée par M. Breitfeld relève que certains désordres comme ceux affectant le carrelage entre les deux parties de construction, le revêtement du sol de l'entrée et de la cuisine, la fissure à l'angle de la cheminée, celle au droit de la séparation entre le salon et la salle à manger, celles qui affectent la cloison de l'entrée et les toilettes, et celles qui concernent le palier de l'étage, la chambre sud-est et les murets extérieurs résultent soit de la création du premier étage et de l'extension en rez-de-chaussée réalisées sur la construction de type cabanon édifiée en 1978, soit de l'absence de joints au niveau des carrelages, soit des travaux réalisés, soit de la flexion du plancher, soit de la fissuration de l'enduit de lissage ou encore du caractère sommaire des constructions ; qu'enfin, l'expertise conduite par M. Gouteron sur les désordres apparus en 2008 exclut la possibilité que ces derniers qui affectent le hall et la chambre de la zone d'extension puissent provenir des tirs de mines réalisés plus de cinq années auparavant à une distance supérieure à 1 100 mètres de la propriété ; que si M. et Mme font état de désordres constatés dans une autre propriété en joignant le rapport d'expertise concernant cette dernière il résulte de l'instruction que cette propriété se situe non à proximité de la leur, qui est distante de plus de 1 100 mètres de la tête nord du tunnel pour la réalisation de laquelle il a été procédé à des tirs de mine, mais à proximité du lieu des travaux du tunnel litigieux ; que l'allégation des époux selon laquelle la présence d'un vallon situé entre le tunnel et leur propriété ne saurait empêcher la propagation des ondes de choc consécutives aux explosions ne se trouve corroborée par aucune des pièces du dossier ; que, par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, M. et Mme n'établissent pas que leur situation serait en tout état de cause semblable à celle de la propriété située non loin des travaux de percement du tunnel de Cantaron ;

Considérant que, dans ces circonstances, les requérants, qui ne peuvent être regardés comme établissant que les désordres affectant leur maison d'habitation de type cabanon édifiée sur un terrain pentu à flanc de colline et qui a fait l'objet d'une adjonction d'un étage et d'une extension en rez-de-chaussée, sont imputables aux travaux de réalisation du tunnel susmentionné, ne sont fondés ni à soutenir que le département des Alpes-Maritimes est responsable de ces désordres, ni à demander la condamnation de ce dernier à les réparer, ni même à solliciter l'obtention d'une somme de 2 000 euros au titre des frais de location d'une autre villa durant la réalisation des travaux de réfection des désordres de leur propriété ;

En ce qui concerne le préjudice relatif aux nuisances sonores :

Considérant que si M. et Mme font état de très importantes nuisances sonores, tant diurnes que nocturnes, durant plus de quatre années, aucun élément au dossier ne permet d'établir l'importance desdites nuisances et par suite d'apprécier si de telles nuisances sont de nature à excéder les inconvénients normaux que doivent supporter les propriétaires des habitations sises dans le voisinage des travaux réalisés alors qu'il résulte de l'instruction que les tirs de mine n'ont été effectués que pour la réalisation de la tête nord du tunnel, distante de plus de 1 100 mètres de la propriété des requérants ; que, par suite, la demande présentée par M. et Mme au titre de ce chef de préjudice doit être écartée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; qu'il y a lieu, ainsi que le tribunal l'a décidé, de laisser à la charge des requérants les montants des honoraires et frais d'expertise de M. Breitfeld et de M. Gouteron qui ont été fixés respectivement à la somme de 7 074,41 euros par ordonnance du 8 février 2007 et de 1 972,97 euros par ordonnance du 28 avril 2009 ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marc , à Mme Michèle épouse et au département des Alpes-Maritimes.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01927
Date de la décision : 08/10/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Lien de causalité - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : D'ORTOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-08;10ma01927 ?
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