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04/10/2012 | FRANCE | N°10MA04549

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2012, 10MA04549


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°10MA04549, présentée pour M. Mohammed A, demeurant chez M. B, ..., par Me Oreggia, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1001819 du 22 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 juin 2010 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Espagne ou l

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Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°10MA04549, présentée pour M. Mohammed A, demeurant chez M. B, ..., par Me Oreggia, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1001819 du 22 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 juin 2010 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Espagne ou le Maroc comme pays de destination, à ce qu'il soit enjoint à cette même autorité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 2003/109/CE du 25 novembre 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,

- et les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité marocaine, relève appel du jugement en date du 22 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 16 juin 2010 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Espagne ou le Maroc comme pays de destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal n'a pas répondu au moyen soulevé en première instance par M. A, tiré de ce que le préfet n'avait pas saisi le maire pour avis avant de prendre l'arrêté litigieux, en violation des dispositions de l'article R.313-34-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce moyen n'est pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué, entaché d'omission à statuer, doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Nice ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L.311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ; qu'aux termes de l'article L.313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident longue durée-CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie, obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée : ... 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L.313-10 ... " ;

qu'aux termes de l'article L.313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L.341-2 du code du travail ... " ; qu'aux termes de l'article R.313-34-1 dudit code : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée -CE en cours de validité délivrée dans un autre Etat membre de l'union européenne qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire en application de l'article L.313-4-1 doit présenter les pièces suivantes : 1° La carte de résident de longue durée-CE en cours de validité délivrée par l'Etat membre de l'Union européenne qui lui a accordé ce statut sur son territoire ; 2° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien et la cas échéant, à celui de son conjoint et de ses enfants mentionnés aux I et II de l'article L.313-11-1, indépendamment des prestations familiales et des allocations mentionnées au septième alinéa de l'article L.313-4-1 ; les ressources mensuelles du demandeur, et, le cas échéant, se son conjoint doivent atteindre un montant total au moins égal au salaire minimum de croissance apprécié à la date du dépôt de la demande ; lorsque le niveau des ressources du demandeur n'atteint cette somme, une décision favorable peut être prise s'il justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit ; 3° La justification qu'il dispose d'un logement approprié, qui peut notamment être apportée par tout document attestant sa qualité de propriétaire ou de locataire du logement ; 4° La justification qu'il bénéficie d'une assurance maladie ; 5° Les pièces exigées pour la délivrance de l'une des cartes de séjour temporaire prévues à l'article L.313-4-1 selon le motif du séjour invoqué. " ;

Considérant que M. A, titulaire d'une carte de résident longue durée-CE délivrée par les autorités espagnoles valable jusqu'au 8 février 2014, a présenté le 15 septembre 2009 auprès du préfet du Var une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui l'autorise à travailler ;

Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article R.313-34-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le maire de la commune de résidence du ressortissant d'un pays tiers titulaire du statut de résident de longue durée-CE dans un autre Etat membre de l'Union européenne et des membres de sa famille dispose d'un délai de deux mois à compter de sa saisine par le préfet pour formuler un avis sur la caractère suffisant des conditions de ressources au regard des conditions de logement mentionnées aux articles R.313-22-1 et R.313-34-1. " ; qu'aux termes de l'article R.313-34-4 du même code : " Cet avis est réputé favorable à l'expiration du délai mentionné à l'article R.313-34-2. " ; qu'en l'absence de mention de l'avis du maire de la commune de La Seyne sur Mer, où résidait M. A, dans les visas et les motifs de la décision litigieuse, et de contestation de l'administration, en réponse au moyen tiré de l'omission de cette consultation, le préfet des Alpes-Maritimes doit être regardé comme n'ayant pas procédé à cette saisine ; que, toutefois, l'absence d'avis du maire étant réputée favorable au demandeur, ce vice de procédure n'a pas privé l'intéressé d'une garantie, ni eu d'influence sur le sens de ladite décision préfectorale ; qu'il n'est, dès lors, pas susceptible d'entacher la décision querellée d'irrégularité ;

Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L.341-2 du code du travail, devenu désormais le L.5221-2 de ce code : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : ... 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " ; qu'aux termes de l'article R.5221-3 du même code :

" L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : ... 6° La carte de séjour temporaire portant la mention salarié, délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois, conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L.313-10 du même code ... " ; qu'aux termes de l'article R.5221-11 dudit code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 5° ... de l'article R.5221-3 est faite par l'employeur... " ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué que l'employeur de M. A aurait déposé une telle demande auprès du préfet du Var ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit ou méconnu sa compétence en opposant à sa demande le défaut d'autorisation préalable de travail ; que, par ce seul motif, le préfet était fondé à refuser à M. A le titre de séjour sollicité ; qu'à cet égard, la circonstance que le départ de l'intéressé de l'entreprise au sein de laquelle il exerce une activité salariée serait préjudiciable à son employeur est sans incidence sur la légalité de la décision querellée et, compte tenu de tout ce qui précède, le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le défaut d'autorisation préalable de travail ;

Considérant en troisième lieu que le préfet du Var a opposé à M. A le défaut de justification d'un visa de long séjour dans le cadre de l'examen de sa situation au regard d'autres dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que celles de l'article L.313-4-1, et des stipulations conventionnelles passées entre le Maroc et la France ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait ainsi commis une erreur de droit doit être écarté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes du I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ... peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ... " ; qu'aux termes de l'article L.531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L.213-2 et L.213-3, L.511-1 à L.511-3, L.512-2 à L.512-4, L.513-1 et L.531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L.211-1, L.211-2, L.311-1 et L.311-2 peut être remis aux autorité compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne ... " ; qu'aux termes de l'article L.531-2 dudit code : " Les dispositions de l'article L.531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L.741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats ... Il en est de même de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent alinéa. " ; qu'aux termes de l'article R.531-10 de ce code : " Les dispositions du troisième alinéa de l'article L.531-2 sont applicables à l'étranger titulaire du statut de résident longue durée-CE accordé par un autre Etat membre de l'Union européenne qui aura, soit séjourné sur le territoire français plus de trois mois consécutifs sans se conformer aux dispositions de l'article L.313-4-1, soit fait l'objet d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour temporaire en application de l'article L.313-4-1 ... " ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, titulaire d'un titre de résident de longue durée-CE délivré par un Etat membre, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français s'il séjourné en France plus de trois mois sans avoir demandé un titre de séjour ou si sa demande a fait l'objet d'un refus ; qu'en l'espèce, comme il a été dit, il est constant qu'à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée, M. A était titulaire d'un titre de résident de longue durée-CE délivré par l'Espagne en cours de validité ; qu'ainsi, le préfet du Var, alors même qu'il avait refusé à bon droit à M. A le titre de séjour que celui-ci avait sollicité, ne pouvait pas légalement prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français querellée mais pouvait seulement le remettre aux autorités espagnoles en application de l'article L.531-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la décision en date du 16 juin 2010 du préfet du Var lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que l'annulation de la seule décision faisant obligation de quitter le territoire français n'implique pas par elle-même la délivrance du titre de séjour sollicité par l'étranger concerné ; qu'en revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Var de procéder à un nouvel examen de la situation administrative de M. A dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce; de faire application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 novembre 2010, en tant qu'il a rejeté la demande de M. A dirigée contre la décision en date du 16 juin 2010 du préfet du Var lui faisant obligation de quitter le territoire français, ensemble et dans les mêmes limites cette décision, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Var de procéder à un nouvel examen de la situation administrative de M. A dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohammed C, au ministre de l'intérieur et au préfet du Var.

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N° 10MA04549 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA04549
Date de la décision : 04/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.

Étrangers - Séjour des étrangers - Textes applicables - Textes législatifs et réglementaires.

Étrangers - Séjour des étrangers - Textes applicables - Conventions internationales.

Étrangers - Reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : OREGGIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-04;10ma04549 ?
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