La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2012 | FRANCE | N°09MA01847

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 01 octobre 2012, 09MA01847


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai et 12 août 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA01847, présentés pour M. Jean A et Mme Nicole A, tous deux demeurant au ..., par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800543 du 27 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Villeneuve-de-la-Raho et du département des Pyrénées-Orientales

à leur verser la somme de 80 000 euros en réparation de leur préjudice ;

2...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai et 12 août 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA01847, présentés pour M. Jean A et Mme Nicole A, tous deux demeurant au ..., par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800543 du 27 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Villeneuve-de-la-Raho et du département des Pyrénées-Orientales à leur verser la somme de 80 000 euros en réparation de leur préjudice ;

2°) de condamner solidairement la commune de Villeneuve-de-la-Raho et le département des Pyrénées-Orientales à leur verser les sommes de 80 000 euros au titre de la perte de chance, 11 500 euros au titre du préjudice d'exploitation et 1 120,52 euros au titre des frais de démontage des installations, majorées des intérêts au taux légal capitalisés à compter de leur demande indemnitaire préalable ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-de-la-Raho et du département des Pyrénées-Orientales la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Felmy, conseiller,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Robert représentant la commune de Villeneuve-de-la-Raho et de Me Ronflier représentant le département des Pyrénées-Orientales ;

Considérant que le département des Pyrénées-Orientales a aménagé, sur des terrains dont il est propriétaire et qui sont situés sur le territoire de la commune de Villeneuve-de-la-Raho, un ouvrage hydraulique destiné pour une partie à l'irrigation agricole et à l'approvisionnement en eau des canadairs en cas d'incendie et, pour une autre partie, à un plan d'eau à vocation touristique ; que par convention du 7 septembre 1979, le préfet des Pyrénées-Orientales, agissant pour le compte du département, a confié par bail de location à la commune de Villeneuve-de-la-Raho l'exploitation de ce plan d'eau aux fins d'activités nautiques, sportives et touristiques ; que par lettre du 7 septembre 2000, la convention a été dénoncée par le département avec effet au 1er juillet 2001 ; qu'une nouvelle convention de bail a été conclue entre la commune de Villeneuve-de-la-Raho et le département des Pyrénées-Orientales le 20 août 2001 jusqu'au 31 décembre 2001, laquelle a été tacitement reconduite pour un an, jusqu'au 31 décembre 2002 ; qu'à la suite du refus, par la commune, de signer le projet de nouvelle convention proposé par le département des Pyrénées-Orientales, celui-ci a notamment décidé, par une délibération en date du 26 mai 2003, de prendre en charge la gestion de la retenue touristique et de la plage et d'approuver les autorisations d'occupation temporaires pour la saison 2003 ;

Considérant que par une " convention de location " signée le 28 février 1989, le maire de Villeneuve-de-la-Raho a accordé à M. Jean A le droit d'installer et d'exploiter un parc aquatique sur un emplacement faisant partie de la plage appartenant au domaine public départemental, pour une durée de douze ans à compter du 1er mars 1989, renouvelable pour la même durée par tacite reconduction ; que cette convention prévoyait, en son article 6, que le preneur ne pourrait céder ses droits qu'avec l'accord de la commune ; que, par délibération en date du 2 août 2008, le conseil municipal de Villeneuve-de-la-Raho a rejeté la demande de transfert de concession présentée par M. A ; que les requérants interjettent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Villeneuve-de-la-Raho et du département des Pyrénées-Orientales à leur verser la somme de 80 000 euros au titre du préjudice qu'ils estiment avoir subi ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la responsabilité quasi-délictuelle de la commune issue de la faute à avoir conclu un contrat nul ; qu'il y a par suite lieu d'annuler le jugement attaqué et, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les requérants devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande des époux A :

Sur la responsabilité du département des Pyrénées-Orientales :

Considérant, d'une part, que les requérants recherchent la responsabilité du département des Pyrénées-Orientales sur le fondement de la faute à n'avoir pas homologué la durée d'exploitation qui avait été accordée à M. A par la commune et à les avoir induit en erreur en leur faisant croire qu'ils bénéficiaient d'un titre régulier d'occupation ; que, toutefois, le département n'était pas tenu d'accorder aux époux A une autorisation d'occupation temporaire jusqu'en 2013, correspondant au terme du renouvellement tacite de la convention initialement conclue par eux avec la commune ; que par courrier en date du 30 avril 2003, le département a informé M. A qu'il assurerait directement la gestion de la plage et qu'une prochaine proposition d'autorisation d'occupation temporaire afin de poursuivre son exploitation allait lui être faite, projet proposé en juillet 2003 ; que, par suite, les requérants ne peuvent sérieusement alléguer que le département leur aurait laissé croire au maintien de leur autorisation d'occupation ;

Considérant, d'autre part, que la reprise en gestion directe de la plage par son propriétaire, ne saurait être regardée comme une opération de travaux publics ayant entraîné un préjudice anormal et spécial pour les requérants ;

Sur la responsabilité de la commune de Villeneuve-de-la-Raho :

Considérant que M. et Mme A soutiennent que la commune a engagé sa responsabilité pour avoir conclu un contrat nul, et, à titre subsidiaire de l'absence de nullité de la convention, pour avoir méconnu la convention, également pour avoir refusé l'agrément du repreneur de leur activité et enfin au titre de son enrichissement sans cause ;

Considérant que par arrêt de ce jour, la Cour de céans a rejeté les conclusions présentées par la commune de Villeneuve-de-la-Raho à fin d'annulation de la délibération du 26 mai 2003, par laquelle le département des Pyrénées-Orientales a décidé de gérer directement le plan d'eau ; que, par suite, la commune n'avait pas compétence pour refuser, par délibération du 2 août 2008, le transfert de concession demandé par M. A et n'a donc pas commis de faute ;

Considérant, d'une part, qu'en confiant par convention le 28 février 1989 à M. A l'installation et l'exploitation d'un parc aquatique sur un emplacement faisant partie de la plage appartenant au domaine public départemental, pour une durée de douze ans à compter du 1er mars 1989, renouvelable pour la même durée par tacite reconduction, alors que la commune n'était elle-même titulaire que d'un bail de location pour l'exploitation de ce plan d'eau d'une durée d'un an, tacitement renouvelable, la commune a conclu avec M. A un contrat entaché de nullité ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte, comme en l'espèce, d'une faute de l'administration, le cocontractant de l'administration peut prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant que le préjudice invoqué par les époux A au titre de la faute commise par la commune à avoir conclu un contrat nul réside dans le manque à gagner relatif à l'exploitation de leur commerce jusqu'en 2013, date d'échéance du second renouvellement de la convention conclue le 28 février 1989 avec la commune ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les requérants, qui ne précisent pas la période à prendre en compte pour déterminer ce gain manqué, ni la date à laquelle ils ont effectivement cessé leur exploitation, auraient été privés du bénéfice de leur activité ; que, par ailleurs, le montant de 80 000 euros demandé à ce titre correspond au prix de la vente envisagée de leur " fonds de commerce " et non au gain annuel manqué ; qu'ils ne justifient pas la somme de 11 500 euros demandée en compensation du titre du préjudice d'exploitation subi ; qu'en se bornant à produire une facture du 30 septembre 2008 portant sur un enlèvement par camion de dix tonnes de déchets industriels et un transport de benne pour un montant total de 1 120,52 euros, sans autre indication, notamment du lieu d'intervention de cet enlèvement, les requérants ne prouvent ni le démontage de leur installation ni que la nullité du contrat les y aurait contraint ;

Considérant, en outre, que si les requérants demandent également l'indemnisation des biens de retour, qu'ils ne chiffrent d'ailleurs pas, il est constant que ce préjudice n'est pas constitué en l'absence de toute conclusion d'une convention de délégation de service public ;

Considérant que si les requérants invoquent la perte de chance de finaliser la vente projetée de leur " fonds de commerce " à partir de l'année 2006, ce préjudice est sans lien avec la faute commise par la commune ; qu'il est en tout état de cause constant que par courrier en date du 30 avril 2003, le département les a informés qu'il assurerait directement la gestion de la plage et qu'une prochaine proposition d'autorisation d'occupation temporaire afin de poursuivre leur exploitation allait leur être faite ; qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A, qui ont continué à payer leurs redevances à la commune et produisent la proposition de convention de juillet 2003, signée par le seul département, portant sur l'occupation de l'emplacement litigieux pour une durée de six mois, se sont illégalement maintenus dans les lieux en toute connaissance de cause ; qu'ils ne peuvent dès lors prétendre être indemnisés du préjudice qu'ils invoquent ;

Considérant, d'autre part, que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les requérants ne démontrent toutefois ni leur appauvrissement, qu'ils n'allèguent d'ailleurs pas, ni l'enrichissement corrélatif de la commune du fait de leur contribution au développement touristique de celle-ci en conséquence de l'exécution de la convention entachée de nullité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés demander que la commune de Villeneuve-de-la-Raho soit condamnée à réparer le préjudice allégué ;

Sur les conclusions reconventionnelles du département :

Considérant que ces conclusions sont nouvelles en appel, et par suite irrecevables ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Pyrénées-Orientales et de la commune de Villeneuve-de-la-Raho, qui ne sont pas les parties perdantes à la présente instance, une quelconque somme au titre des dispositions précitées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants les sommes que demandent la commune et le département sur le même fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 27 mars 2009 est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme A est rejetée.

Article 3 : Les conclusions reconventionnelles du département des Pyrénées-Orientales sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions du département des Pyrénées-Orientales et de la commune de Villeneuve-de-la-Raho tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean A, à Mme Nicole A, à la commune de Villeneuve-de-la-Raho, au département des Pyrénées-Orientales et au ministre de l'intérieur.

''

''

''

''

2

N° 09MA01847


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award