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25/09/2012 | FRANCE | N°11MA03983

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 25 septembre 2012, 11MA03983


Vu le recours, enregistré le 25 octobre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics de la réforme de l'Etat ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002824 du 1er juillet 2011 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a accordé à Mlle Sandrine A la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 ;

2°) de remettre à la charge de Mlle A la cotisation d'impôt sur le revenu et les pénalités y aff

rentes à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 pour un montant de 551...

Vu le recours, enregistré le 25 octobre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics de la réforme de l'Etat ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002824 du 1er juillet 2011 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a accordé à Mlle Sandrine A la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 ;

2°) de remettre à la charge de Mlle A la cotisation d'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 pour un montant de 551 euros ;

3°) d'ordonner le reversement, à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour administrative d'appel de Marseille confirmerait le jugement attaqué, du montant de la somme de 179 euros perçue par Mlle A en 2008 au titre du crédit d'impôt prévu en matière de frais de garde des jeunes enfants ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution et notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 63-817 du 6 août 1963 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2012,

- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

1. Considérant que Mlle A, ressortissante française née à Monaco le 3 décembre 1973, a été imposée à l'impôt sur le revenu en France au titre de l'année 2007 (montant total de 551 euros en droits et pénalités) sur le fondement de l'article 7-1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco ; que Mlle A a contesté les impositions mises à sa charge ; que le tribunal administratif de Nice a, par jugement en date du 1er juillet 2011, prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle A n'a pas été assujettie à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 mais a, au contraire, perçu la somme de 179 euros au titre du crédit d'impôt prévu en matière de frais de garde des jeunes enfants ; que, par suite, le tribunal administratif de Nice aurait dû juger irrecevables les conclusions de la demande afférentes à la cotisation d'impôt sur le revenu de ladite année 2008 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'article 1er du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé " la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle Mlle A a été assujettie au titre de l'année 2008 ", d'annuler l'article 2 dudit jugement en tant qu'il a " condamné l'Etat à rembourser à Mlle A la somme qu'elle a acquittée au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2008 ", d'évoquer immédiatement les conclusions de l'intéressée sur ce point et de dire que la demande adressée par Mlle A, relative à la cotisation d'impôt sur le revenu de l'année 2008 était sans objet et, par suite, irrecevable ;

Sur le surplus des conclusions :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour qu'un contribuable soit regardé comme fiscalement domicilié en France, il suffit qu'il réponde à l'un des trois critères définis par l'article 4 B du code général des impôts précité ;

4. Considérant que Mlle A, née à Monaco le 3 décembre 1973, de nationalité française, a résidé de manière continue dans la Principauté, y a installé son foyer, et perçoit, à raison de l'activité qu'elle y exerce, des salaires qui constituent sa seule source de revenus ; qu'aucun élément du dossier ne permet, par ailleurs, d'établir qu'elle aurait fixé en France le centre de ses intérêts économiques ; qu'elle ne peut donc être regardée comme résidente française au sens de l'article 4 B précité du code général des impôts ;

5. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de la convention du 18 mai 1963 signée par la France et par Monaco, modifiée en matière d'impôt sur le revenu par les avenants du 25 juin 1969 et du 26 mai 2003 : " Dispositions applicables aux personnes physiques et morales françaises. Situation des français transférant leur domicile à Monaco. Article 7.1. - Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que les personnes physiques de nationalité française sont assujetties en France aux impositions qu'elles mentionnent dans les mêmes conditions que si ces personnes y avaient leur domicile ou leur résidence, soit lorsqu'elles transportent à Monaco leur domicile ou leur résidence, soit lorsqu'elles n'ont pu justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962, ce qui est le cas si elles sont nées à Monaco après la date marquant le point de départ de cette période de cinq ans ;

6. Considérant que Mlle A, née à Monaco après le 13 octobre 1957, ne peut justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 ; qu'elle entre donc dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 7-1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco et devait, de ce fait, être assujettie à l'impôt sur le revenu en France dans les mêmes conditions que si elle y avait son domicile ou sa résidence ; qu'il s'ensuit que le tribunal administratif de Nice a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé " la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle Mlle A a été assujettie au titre de l'année 2007 ", et l'annulation de l'article 2 dudit jugement en tant qu'il a " condamné l'Etat à rembourser à Mlle A la somme qu'elle a acquittée au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2007 " ;

7. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle A tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

8. Considérant, en premier lieu, que Mlle A entend invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une part, les propos tenus le 24 juillet 1963 par le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères devant l'Assemblée Nationale, lors de la première séance au cours de laquelle était examiné le projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale franco-monégasque, selon lesquels " les français nés à Monaco ou qui y naîtront continueront à bénéficier de l'immunité fiscale à condition qu'ils aient toujours eu leur résidence habituelle dans la Principauté à l'époque où ils deviendraient imposables " et, d'autre part, les dispositions du paragraphe 47 de l'instruction du 17 juillet 1964, prise pour l'application de la convention fiscale franco-monégasque, qui précise que " la condition du transfert de domicile à Monaco s'oppose à ce que soient considérées comme imposables en vertu du 1er alinéa du paragraphe 1 de l'article 7 les personnes de nationalité française qui sont nées en Principauté et qui y sont établies depuis leur naissance (...) " ; qu'il est constant, toutefois, que Mlle A ne peut se prévaloir utilement des propos qui n'émanent pas du ministre responsable de l'administration compétente pour établir l'imposition en litige ; qu'en outre, un contribuable ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une interprétation exprimée dans une instruction qui a été ultérieurement infirmée ; qu'en l'espèce, l'interprétation exprimée dans l'instruction du 17 juillet 1964 a été abandonnée ainsi qu'il ressort, notamment, de la réponse ministérielle à M. Charles de Cuttoli, sénateur, publiée au Journal Officiel du Sénat daté du 2 août 1990 (page 1712) ; qu'enfin, un contribuable ne peut se référer aux interprétations d'une convention internationale données uniquement par les autorités françaises ; qu'en l'espèce, la commune intention des parties, telle qu'elle est révélée par le contexte de la signature de la convention, était non pas d'éviter les doubles impositions mais de tendre à éviter " les situations de double absence d'imposition " ; que la convention fiscale franco-monégasque ne saurait, dès lors, avoir pour objet, ni pour effet, d'accorder un privilège fiscal aux français nés à Monaco après le 13 octobre 1957 ; que la portée conférée par l'administration à l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 est donc conforme à l'esprit et à l'intention des négociateurs ; qu'elle est, en outre, corroborée par l'échange entre la France et la Principauté de Monaco de lettres interprétatives en date du 26 mai 2003, approuvé par la loi n° 2005-227 du 14 mars 2005, qui régit la situation des enfants mineurs dont les parents ne sont pas imposés en France et qui n'autorise en rien ces derniers à continuer à bénéficier à leur majorité du privilège dont ils disposaient lorsqu'ils étaient rattachés au foyer fiscal de leurs parents ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que Mlle A soutient que l'interprétation par l'administration de la convention franco-monégasque porte atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques et que l'égalité devant l'impôt implique que la France impose de la même façon, d'une part, tous les résidents français et, d'autre part, tous les non résidents ; que ce moyen doit être regardé comme dirigé contre la loi du 6 août 1963 autorisant l'approbation de cette convention ; qu'il n'appartient pas, toutefois, au juge administratif de contrôler la conformité à la Constitution d'une disposition de valeur législative en dehors des cas et conditions prévus par le chapitre II bis du titre II de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; que selon l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;

11. Considérant qu'un contribuable qui invoque les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées doit établir que des personnes placées dans des situations analogues ou comparables en la matière jouissent d'un traitement préférentiel, et que cette distinction ne trouve aucune justification objective et raisonnable, en rapport avec les buts de la loi ; que, contrairement à ce que soutient Mlle A, un français né à Monaco et y résidant depuis sa naissance, imposé à l'impôt sur le revenu en France sur le fondement de l'article 7-1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco, Etats dont la densité des relations se traduit, notamment, par le fait que la République française assure à la Principauté de Monaco la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l'intégrité du territoire monégasque dans les mêmes conditions que le sien et par le fait que la Principauté veille à ce que les actions qu'elle conduit dans l'exercice de sa souveraineté s'accordent avec les intérêts fondamentaux de la République française, se trouve dans une situation objectivement différente de celle d'un résident monégasque ressortissant d'un pays autre que la France entretenant des relations économiques et politiques moins denses avec la Principauté de Monaco, et de celle d'un français né et résidant dans un pays étranger autre que la Principauté de Monaco ne bénéficiant pas dans ledit pays d'une absence totale d'imposition directe ; que, par suite, les dispositions de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque ne sont pas discriminatoires au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a déchargé Mlle A des cotisations d'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le ministre est, par suite, fondé à demander que la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle Mlle A a été assujettie au titre de l'année 2007, et les pénalités y afférentes, soient remises à la charge de cette dernière ; que, par voie de conséquence, les conclusions du ministre présentées à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour aurait confirmé l'ensemble des dispositions du jugement attaqué, et visant à la restitution de la somme de 179 euros perçue par Mlle A en 2008 au titre du crédit d'impôt prévu en matière de frais de garde des jeunes enfants, doivent être écartées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mlle A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1002824 rendu par le tribunal administratif de Nice le 1er juillet 2011 sont annulés.

Article 2 : La cotisation d'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes auxquelles Mlle A a été assujettie au titre de l'année 2007 (551 euros) sont remises à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de Mlle A présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, présentées à titre subsidiaire, à fin de restitution de la somme de 179 euros perçue par Mlle A en 2008 au titre du crédit d'impôt prévu en matière de frais de garde des jeunes enfants, sont écartées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à Mlle Sandrine A.

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N° 11MA03983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA03983
Date de la décision : 25/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : Mme NAKACHE
Rapporteur ?: M. Olivier EMMANUELLI
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : FONTANA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-09-25;11ma03983 ?
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