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23/08/2012 | FRANCE | N°10MA00122

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 23 août 2012, 10MA00122


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 12 janvier 2010 et le 15 février 2010, présentés pour M. Messaoud A, domicilié ..., par Me Moulinas-Le Go ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902830 du 3 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 septembre 2009 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mo

is à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindr...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 12 janvier 2010 et le 15 février 2010, présentés pour M. Messaoud A, domicilié ..., par Me Moulinas-Le Go ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902830 du 3 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 septembre 2009 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L .761-1 du code de justice administrative ;

............................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la 3ème chambre de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2012 :

- le rapport de M. Maury, rapporteur ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0902830 du 3 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 septembre 2009 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ;

Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les fins de non recevoir opposées à la requête par le préfet de Vaucluse,

Sur la légalité externe du refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que l'arrêté attaqué comporte, dans ses visas et ses motifs, les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration a procédé à un examen de la situation particulière de M. A au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables ; que dès lors le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté ;

Sur la légalité interne du refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail: " 1. (...) / 2. Aux fins du paragraphe 1 : / (...) / b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes, à moins que : / (...) / ii) dans le cas des personnes d'un handicap donné, l'employeur ou toute personne ou organisation auquel s'applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l'article 5 afin d'éliminer les désavantages qu'entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique. / (...) " ; que le principe d'égalité exige seulement que des personnes qui se trouvent dans une situation identique fassent l'objet d'un traitement identique ; que M. A ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions, n'étant pas dans la même situation juridique que les nationaux des différents Etats-membres en raison de son statut d'étranger ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " et que selon les dispositions de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine " ;

Considérant, d'une part, que si M. A, soutient qu'il a résidé en France de 1981 à 2006, il ressort des pièces du dossier qu'il a été employé de 1981 à 2003, soit pendant vingt-deux ans, pour des travaux agricoles, à raison de contrats saisonniers de plusieurs mois par an chacun ; qu'il est, chaque année, jusqu'en 2003 à l'expiration de son dernier contrat, retourné dans son pays d'origine où demeuraient sa femme et ses cinq enfants ; que, s'il indique devant la Cour avoir résidé saisonnièrement en France entre 2004 et 2008 et qu'il joint à l'appui de cette affirmation quelques bulletins de salaire concernant cette période, il ressort également des pièces du dossier qu'il est entré pour la dernière fois sur le territoire national le 13 avril 2008, sans justifier de la possession d'un visa et qu'il a, en outre, obtenu entre le 3 février 2005 et le 9 octobre 2006 un titre de séjour en Espagne ; qu'il ne saurait ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, être regardé comme ayant séjourné et travaillé en France de façon continue de 1981 à 2003 ou comme ayant eu sa résidence habituelle sur le territoire français durant cette période ; que la circonstance alléguée que ses séjours effectués chaque année au Maroc n'auraient été que la conséquence nécessaire de l'apparence erronée que son employeur et l'administration avaient entendu donner à son embauche et à son séjour sur le territoire français, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que d'autre part, M. A soutient, qu'en refusant de prendre en compte la notion de vie privée, distincte de celle de vie familiale, le préfet et le jugement attaqué ont commis une erreur manifeste d'appréciation alors qu'il vit sur le territoire national avec sa fille Ghizlane, née en 1994 et scolarisée en France depuis 2004 et qu'il s'occupe de ses quatre neveux et nièces résidant sur le territoire français ; qu'il ressort, cependant, des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que sa femme et ses quatre autres enfants résident au Maroc ; qu'en outre sa fille Ghizlane ne justifie pas d'une entrée régulière en France ; qu'en conséquence, les liens personnels et familiaux en France du requérant ne peuvent être regardés comme présentant une intensité, une ancienneté et une stabilité justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ; que pour les mêmes motifs, la décision du préfet de Vaucluse n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'il n'est pas contesté que la demande de titre de M. A était fondée sur l'admission au séjour par le travail, outre la vie privée et familiale ;

Considérant, d'une part, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles " ; que l'article 9 du même accord stipule que " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) " ;

Considérant que portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; qu'il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants marocains des dispositions des articles L. 313-10 et L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé a se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " et, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ; que le requérant ne remplissait pas cette condition à la date de l'arrêté attaqué ; que M. A ne pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour, le préfet de Vaucluse n'a pas entaché son refus d'une irrégularité de procédure en ne consultant pas la commission ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision portant refus de séjour venant d'être rejetées, M. A n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 septembre 2009 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ; que dès lors, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Messaoud A et au préfet de Vaucluse.

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N° 10MA00122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00122
Date de la décision : 23/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : MOULINAS LE GO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-08-23;10ma00122 ?
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