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17/07/2012 | FRANCE | N°12MA01592

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 17 juillet 2012, 12MA01592


Vu l'arrêt n° 07MA01695 et 07MA01752, en date du 30 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur les requêtes de l'HOPITAL SAINT-JEAN, anciennement dénommé centre hospitalier Maréchal Joffre, et de Mme Danielle A, décidé :

1°) de donner acte à Mme A du désistement partiel de ses conclusions dans la requête n° 07MA01752, en ce qu'elles tendaient à l'annulation de la mutation de Mme B sur un emploi d'adjoint des cadres hospitaliers du bureau d'accueil intervenue le 13 octobre 1997, la nomination de Mme C au sein de l'établissement le 10 septembre

1998, la réintégration de Mme J à compter du 1er janvier 2001, la no...

Vu l'arrêt n° 07MA01695 et 07MA01752, en date du 30 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur les requêtes de l'HOPITAL SAINT-JEAN, anciennement dénommé centre hospitalier Maréchal Joffre, et de Mme Danielle A, décidé :

1°) de donner acte à Mme A du désistement partiel de ses conclusions dans la requête n° 07MA01752, en ce qu'elles tendaient à l'annulation de la mutation de Mme B sur un emploi d'adjoint des cadres hospitaliers du bureau d'accueil intervenue le 13 octobre 1997, la nomination de Mme C au sein de l'établissement le 10 septembre 1998, la réintégration de Mme J à compter du 1er janvier 2001, la nomination de Mlle D en 2001, la mutation de Mme F en 2001, le recrutement par contrat de Mme E en 2002, les recrutements par contrat de Mmes G, H et I en 2003 et la délibération du 21 avril 2000 par laquelle le conseil d'administration a décidé de transformer un emploi d'adjoint des cadres hospitaliers en emploi de chef de bureau au sein de la direction des ressources humaines ;

2°) d'attribuer au Conseil d'Etat le jugement des conclusions de l'HOPITAL SAINT-JEAN, présentées dans la requête n° 07MA01695 et dirigées contre les articles 1er et 2 du jugement du 20 décembre 2006 du tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de surseoir à statuer sur le surplus des conclusions des requêtes n° 07MA01695 et n° 07MA01752 dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat sur les conclusions de l'HOPITAL SAINT-JEAN mentionnées au 2°) ci-dessus ;

Vu la décision n° 332091, en date du 12 mars 2012, transmise à la Cour le 16 mars 2012, par laquelle le Conseil d'Etat a :

1°) annulé les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 20 décembre 2006 ;

2°) annulé les décisions du centre hospitalier de Perpignan des 21 janvier 2000 et 5 avril 2002 ;

3°) prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A ;

4°) condamné l'HOPITAL SAINT-JEAN à verser une somme de 3.000 euros à Mme A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) rejeté les conclusions présentées par l'HOPITAL SAINT-JEAN sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, I, sous le n° 12MA01592, initialement enregistrée sous le n° 07MA01695, la requête enregistrée le 11 mai 2007, présentée pour l'HOPITAL SAINT-JEAN, anciennement dénommé centre hospitalier Maréchal Joffre, dont le siège est situé 20 avenue du Languedoc à Perpignan (66046), par Me Nese, avocat ; L'HOPITAL SAINT-JEAN demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 à 4 et 6 du jugement n° 0202058-0202059 du

20 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions du

21 janvier 2000 et du 5 avril 2002 portant refus de réintégration de Mme Danielle K, a enjoint au centre hospitalier de Perpignan de la réintégrer dans le premier poste vacant correspondant à son grade et de reconstituer sa carrière à compter du 13 octobre 1997 dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a condamné le centre hospitalier de Perpignan à lui verser la somme de 40.000 euros au titre des pertes de revenus, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2001, intérêts capitalisés à la date du 5 février 2004 puis à chaque échéance annuelle, et a condamné le centre hospitalier de Perpignan à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes de première instance de Mme K ;

3°) à titre subsidiaire, d'arrêter la date d'expiration du délai raisonnable dans lequel Mme K aurait pu être réintégrée au mois de janvier 2004, subsidiairement à celui de février 2002, plus subsidiairement au 27 juin 2001 ; de déclarer irrecevable toute prétention indemnitaire dans le premier cas, de cantonner les demandes à 4.470,89 euros dans le deuxième cas et à 14.902,95 euros dans le troisième cas ; de dire que toute demande indemnitaire portant sur un fait dommageable antérieur au 1er janvier 1997 est prescrite ; de déduire des demandes de Mme K les montants perçus au titre de l'allocation pour perte d'emploi versée du 7 juin 1998 au 10 décembre 1998, soit 18.711,95 euros ; d'enjoindre à Mme K de produire ses déclarations de revenus salariés depuis 1999 ; de déduire des demandes de Mme K les montants perçus à titre de rémunération de ses activités professionnelles exercées à titre privé depuis 1999, soit 9.830,51 euros à parfaire au jour du jugement ; de juger que le peu de motivation et les réticences exprimées par Mme K lui ont fait perdre une chance sérieuse d'emploi à la maison de retraire de Vinça en 2001 ;

4°) en conséquence, de dire que Mme K conservera à sa charge 40 % des indemnités de toute nature dont elle sollicite le paiement et, quant à l'appréciation rétroactive des pertes de revenus de Mme K, dire qu'elle ne saurait prétendre au supplément familiale de traitement pour la période d'indemnisation, la renvoyer devant son administration en vue de la liquidation et du mandatement de la somme qui lui est due et la débouter de ses demandes d'indemnisation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence ;

Vu, II, sous le n° 12MA01593, initialement enregistrée sous le n° 07MA01752, la requête enregistrée le 16 mai 2007, présentée pour Mme Danielle A, demeurant ..., par Me Poupot, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 3 à 6 du jugement n° 0202058-0202059 du 20 décembre 2006 par lesquels le tribunal administratif de Montpellier a limité à 40.000 euros la somme que le centre hospitalier de Perpignan a été condamné à lui verser au titre de ses pertes de revenus, du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant notamment à l'annulation des décisions du centre hospitalier de Perpignan relatives aux emplois d'adjoint des cadres hospitaliers intervenues depuis 1996 en méconnaissance de son droit à réintégration et a limité à 1.500 euros la somme que le centre hospitalier de Perpignan a été condamné à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, de mettre à la charge du centre hospitalier de Perpignan la somme de 176.199 euros sauf à parfaire, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2001 et augmentée chaque mois de 1.157 euros jusqu'à sa réintégration effective dans l'établissement sur un emploi d'adjoint des cadres hospitaliers, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'évaluer le préjudice qu'elle a subi du fait de la faute commise par le centre hospitalier de Perpignan en refusant de la réintégrer à compter du 13 octobre 1997 ;

4°) en tout état de cause, d'annuler la mutation de Mme B sur un emploi d'adjoint des cadres hospitaliers du bureau d'accueil intervenue le 13 octobre 1997, la nomination de Mme C au sein de l'établissement le 10 septembre 1998, la réintégration de Mme J à compter du 1er janvier 2001, la nomination de Mlle D en 2001, la mutation de Mme F en 2001, le recrutement par contrat de Mme E en 2002, les recrutements par contrat de Mmes G, H et I en 2003 et la délibération du 21 avril 2000 par laquelle le conseil d'administration a décidé de transformer un emploi d'adjoint des cadres hospitaliers en emploi de chef de bureau au sein de la direction des ressources humaines ;

5°) de condamner le centre hospitalier de Perpignan à lui verser la somme de 8.700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, s'agissant de frais exposés en première instance et en appel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la lettre en date du 14 juin 2012 par laquelle le greffe de la Cour de céans a informé les parties de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 juin 2012, présentée pour Mme A ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le décret n°85-1148 du 24 octobre 1985 ;

Vu le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;

Vu le décret n° 90-693 du 1er août 1990 ;

Vu le décret n° 90-841 du 21 septembre 1990 ;

Vu le décret n° 2001-979 du 25 octobre 2001 ;

Vu l'arrêté du 24 mars 1967 modifié, relatif aux conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 :

- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

- et les observations de Me Poupot, pour Mme A ;

Sur l'exposé et l'étendue du litige :

Considérant que Mme A, adjoint des cadres hospitaliers titularisée en 1972, a demandé au centre hospitalier Maréchal Joffre de Perpignan, où elle exerçait, et désormais dénommé HOPITAL SAINT-JEAN, à bénéficier d'une mise en disponibilité afin d'élever ses enfants, puis de suivre son conjoint ; qu'à l'issue d'une période de 17 ans, entrecoupée de périodes travaillées dans le secteur privé ou associatif, elle a sollicité sa réintégration par plusieurs demandes, datées notamment des 4 mars 1996, 2 avril 1996, 13 décembre 1999 et 28 février 2002, que le centre hospitalier a rejetées au motif qu'aucun poste correspondant à son grade ou à ses compétences n'était vacant ; qu'estimant disposer d'un droit à être réintégrée, l'intéressée a présenté une demande préalable d'indemnisation reçue le 28 décembre 2001, en vue d'obtenir réparation des pertes de traitement, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle estimait avoir supportés en raison du refus persistant du centre hospitalier de procéder à sa réintégration ;

Considérant que par un jugement du 20 décembre 2006, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les refus opposés aux demandes de réintégration, en date des 21 janvier 2000 et 5 avril 2002, et fixé au 13 octobre 1997 la date à laquelle était constitué le droit de Mme A à être réintégrée ; qu'il lui a également alloué une somme de 40.000 euros en réparation des préjudices alléguées ; que par un arrêt du 30 juin 2009, n° 07MA01695 et n° 07MA01752, la cour administrative d'appel de Marseille a disjoint les recours aux fins d'annulation et d'indemnisation, présentés distinctement en première instance ; qu'il a, par le même arrêt, renvoyé au Conseil d'Etat le soin de juger la requête en excès de pouvoir dirigée contre les différents refus de réintégration, sursis à statuer sur les conclusions indemnitaires et constaté le désistement de Mme A de ses conclusions dirigées contre diverses décisions nommant des adjoints de cadres hospitaliers sur les emplois auxquels elle aurait pu prétendre et une délibération du conseil d'administration de l'hôpital en date du 21 avril 2000 ;

Considérant que par une décision n° 332091 en date du 12 mars 2012, le Conseil d'Etat, après avoir partiellement annulé le jugement du 20 décembre 2006, a annulé les décisions de refus de réintégration des 21 janvier 2000 et 5 avril 2002, indiquant que le délai raisonnable dont avait disposé l'HOPITAL SAINT-JEAN pour procéder à la réintégration de Mme A avait expiré le 13 octobre 1997, en constatant qu'un poste vacant au bureau d'accueil de l'hôpital aurait pu lui être proposé ; que, par ailleurs, Mme A ayant été réintégrée au 1er février 2008 et sa carrière reconstituée, le Conseil d'Etat a rejeté les conclusions correspondantes ;

Considérant qu'il reste donc à statuer sur les conclusions aux fins d'indemnisation, assorties de la demande portant sur les intérêts et leur capitalisation, ainsi que sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que Mme A relevait appel du jugement précité du 20 décembre 2006, en tant qu'il limitait à 40.000 euros le montant de l'indemnisation allouée ; que l'HOPITAL SAINT-JEAN relevait appel de ce jugement en demandant, in fine, que le montant des indemnisations susceptibles d'être accordées à Mme A soit limité, que les revenus perçus par l'intéressée soient déduits de ce montant et qu'une part de 40 % soit laissée à la charge de celle-ci, en raison de la faute qu'elle aurait commise en refusant un poste proposé dans une maison de retraite ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin... statue en audience publique (...) : (...) 2° sur les litiges relatifs à la situation individuelle des agents publics, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; (...) 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (... )" ; qu'aux termes de l'article R. 222-14 du même code alors en vigueur : "Les dispositions du 7° de l 'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10.000 euros." ;

Considérant qu'il résulte des dispositions dérogatoires ci-dessus, lesquelles sont d'interprétation stricte, que la compétence du magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier, qui a statué sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme A, ne pouvait s'étendre au présent litige, compte tenu, notamment, du montant des sommes demandées, supérieur au cas d'espèce à 150.000 euros ; que, dès lors, les articles 3, 4, 5 et 6 du jugement attaqué doivent être annulés ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur les conclusions de Mme A et de l'HOPITAL SAINT-JEAN ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

Considérant qu'en refusant illégalement à Mme A le droit d'être réintégrée sur un poste d'adjoint de cadres hospitaliers, dans un délai raisonnable à compter de sa première demande, l'HOPITAL SAINT-JEAN a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant, en revanche, qu'il n'est pas établit que l'HOPITAL SAINT-JEAN ait commis une faute en informant Mme A de manière erronée sur son droit à travailler dans le secteur privé pendant sa mise en disponibilité, dès lors qu'à la date à laquelle elle a interrogé l'hôpital sur cette question, le décret d'application prévoyant les dérogations à l'interdiction d'exercer un emploi n'avait pas encore été publié ;

Considérant que, dès lors que le Conseil d'Etat a fixé au 13 octobre 1997 la date à laquelle expirait le délai raisonnable dont disposait l'HOPITAL SAINT-JEAN pour procéder à la réintégration de Mme A dans ses effectifs, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les différents moyens présentés par l'HOPITAL SAINT-JEAN, à titre principal ou à titre subsidiaire, tendant à ce que la Cour retienne une date différente de celle fixée par le Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il n'y a également pas lieu de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par l'HOPITAL SAINT-JEAN, qui la fait commencer antérieurement au 1er janvier 1997, puisque le droit à réparation des préjudices de Mme A s'établit au 13 octobre 1997, postérieurement à la date indiquée par l'hôpital ;

Considérant, enfin, qu'il n' y a pas lieu de laisser à la charge de Mme A une part de responsabilité dans les dommages qu'elle a supportés du fait des décisions illégales du centre hospitalier ; qu'il résulte de l'instruction que Mme A, qui avait présenté sa candidature à un poste vacant dans une maison de retraite dépendant de l'HOPITAL SAINT-JEAN, s'est bornée à demander un temps de réflexion dans l'attente d'une réponse à une autre candidature présentée antérieurement sur un poste qui s'était libéré le 1er avril 2001 au centre hospitalier ; qu'elle avait néanmoins déposé son dossier de candidature dans les délais requis en se présentant comme motivée par le poste ; que les allégations du centre hospitalier soutenant qu'elle aurait montré peu d'enthousiasme face aux contraintes du poste ne sont étayées par aucune des pièces versées au dossier ;

Sur le préjudice matériel :

Considérant qu'en l'absence d'exercice effectif des fonctions dont un agent public a été illégalement privé par l'administration, soit qu'il ait été évincé du service, soit qu'il ait été affecté à d'autres fonctions qu'à celles qui étaient ou auraient dû être les siennes, celui-ci ne peut prétendre au rappel de la rémunération correspondante, mais est fondé à demander la réparation intégrale des préjudices de toute nature qu'il a réellement subis du fait des mesures prises à son encontre dans des conditions irrégulières ; qu'il convient, pour fixer l'indemnité à laquelle le requérant a droit, de tenir compte notamment de l'importance respective des fautes commises par l'administration et l'agent lui-même à l'origine des préjudices de ce dernier, telles qu'elles résultent de l'instruction, et d'en déduire tout élément de rémunération ou tout revenu de remplacement perçu pendant la période durant laquelle il a été privé de l'exercice de ses fonctions ou mis à l'écart du service ;

Considérant que, pour l'évaluation de l'ensemble des préjudices subis par cet agent, l'indemnité réparant le préjudice financier doit être déterminée en prenant en compte, outre le traitement qui aurait dû lui être versé, d'une part, les primes ou indemnités inhérentes aux fonctions que l'agent aurait exercées en l'absence de la mesure illégale, d'autre part, les primes ou indemnités rétribuant la qualité ou la quantité de son travail, dont il établit qu'il avait une chance sérieuse de les percevoir ; qu'en revanche, cette évaluation ne peut inclure les indemnités visant à compenser des frais qui n'ont pas été exposés ;

En ce qui concerne les pertes de traitement :

Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : "Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé (...)" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de la reconstitution de carrière de Mme A effectuée le 17 avril 2008 à la suite de sa réintégration, que l'intéressée était classée au 7ème échelon du grade d'adjoint des cadres de classe normale, à l'indice majorée 362, le 5 juillet 1981, puis au 8ème échelon, à l'indice majoré 370 le 27 octobre 1999, au 9ème échelon, à l'indice majoré le 27 octobre 2002, enfin au 10ème échelon, à l'indice majoré 395, le 27 octobre 2005 ; que le montant des traitements qu'elle aurait pu percevoir entre le 13 octobre 1997 et le 1er février 2008, si elle n'avait pas été illégalement privée de ses fonctions, peut être évalué, compte tenu de la valeur du point d'indice sur cette période, à 202.411 euros brut, soit 172.050 euros net ;

En ce qui concerne l'indemnité de résidence :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 24 octobre 1985 susvisé : "L'indemnité de résidence est allouée aux agents mentionnés à l'article 1er du présent décret titulaires d'un grade ou occupant un emploi auquel est directement attaché un indice de la fonction publique appartenant à l'une des catégorie mentionnées à l'article 4 du présent décret. Cette indemnité est calculée sur la base de leur traitement soumis aux retenues pour pension (...)" ; que sur la période en litige, Mme A a été privée d'une somme de 2.350 euros, correspondant à l'indemnité de résidence qu'elle aurait dû percevoir en complément de sa rémunération principale ;

En ce qui concerne les indemnités forfaitaires représentatives de travaux supplémentaires :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 21 septembre 1990 susvisé : "Dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, les fonctionnaires titulaires et stagiaires nommés, soit dans un des grades du corps des adjoints des cadres hospitaliers (...), peuvent percevoir des indemnités forfaitaires représentatives de travaux supplémentaires. Ces indemnités sont allouées aux agents ci-dessus, parvenus à un échelon doté d'un indice supérieur à l'indice brut 390" ; qu'il résulte de l'instruction que Mme A détenait un indice brut de 398 en 1981 ; que sur la période en litige, elle pouvait donc prétendre au versement de l'indemnité précitée, dont le montant peut être évalué à la somme de 5.776 euros, compte tenu des éléments produits par la requérante ;

En ce qui concerne l'indemnité de sujétion spéciale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 1er août 1990 susvisé : "Les fonctionnaires et stagiaires des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, à l'exception des personnels de direction et des pharmaciens, et les personnels contractuels exerçant des fonctions similaires à celles des personnels titulaires précités bénéficient d'une indemnité de sujétion spéciale" ; qu'aux termes de l'article 2 de ce décret : "Le montant mensuel de l'indemnité prévue à l'article 1er ci-dessus est égal aux 13 / 1 900 de la somme du traitement budgétaire brut annuel et de l'indemnité de résidence servis aux agents bénéficiaires" ; qu'aux termes de l'article 3 de ce même décret : "L'indemnité de sujétion spéciale est payable mensuellement, à terme échu. Elle suit le sort du traitement et ne peut être réduite que dans la proportion où le traitement lui-même est réduit" ; qu'aux termes, enfin, de l'article 5 dudit décret : A compter du 1er janvier 1990 le montant de l'indemnité de sujétion spéciale versée aux fonctionnaires et agents des établissements mentionnés aux 4°, 5°, 6° et 7° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée est égal aux 6,5 / 1 900 de la somme du traitement budgétaire brut annuel et de l'indemnité de résidence perçus par les agents bénéficiaires. A compter du 1er janvier 1991, ce montant sera calculé selon le taux et les modalités prévus à l'article 2 ci-dessus" ; qu'il résulte de ces dispositions que l'indemnité de sujétion spéciale revêt un caractère fonctionnelle ; que Mme A était donc fondée à y prétendre pour un montant évalué, sur la période en litige, à la somme de 16.140 euros ;

En ce qui concerne la nouvelle bonification indiciaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 25 octobre 2001 : "Une nouvelle bonification indiciaire, dont le montant est pris en compte et soumis à cotisations pour le calcul de la pension de retraite, est attribuée mensuellement à raison de leurs fonctions, aux fonctionnaires hospitaliers ci-dessous : 1. Adjoints des cadres hospitaliers encadrant au moins cinq personnes : 25 points majorés (...)" ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme A ait satisfait aux conditions imposées par ces dispositions pour l'attribution de la nouvelle bonification indiciaire, et notamment qu'elle ait encadré au moins cinq agents, avant ou après la période d'éviction illégale ; que sa demande concernant ce poste de préjudice ne peut donc qu'être écartée ;

En ce qui concerne la prime de service :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 24 mars 1967 : "Dans les établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics dont la gestion économique et financière est retracée dans les comptes d'exploitation prévus au plan comptable et dont les recettes sont définies par la fixation de prix de journées remboursables par les régimes de sécurité sociale ou par l'aide sociale, les personnels titulaire et stagiaire ainsi que les agents des services hospitaliers recrutés à titre contractuel peuvent recevoir des primes de services liées à l'accroissement de la productivité de leur travail dans les conditions prévues au présent arrêté (...)" ; qu'aux termes de l'article 3 de cet arrêté : "La prime de service ne peut être attribuée au titre d'une année qu'aux agents ayant obtenu pour l'année considérée une note au moins égale à 12,5. L'autorité investie du pouvoir de nomination fixe les conditions dans lesquelles le montant de la prime varie proportionnellement aux notes obtenues sans qu'il puisse excéder 17 p. 100 du traitement brut de l'agent au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la prime est attribuée (...)" ; que Mme A, qui ne produit aucun document attestant de sa valeur professionnelle, notamment ses notations, ne justifie pas avoir perdu une chance sérieuse de percevoir une prime de service pendant la période d'éviction ; que sa demande concernant ce poste de préjudice ne peut dès lors qu'être écartée ;

En ce qui concerne le supplément familial de traitement :

Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret susvisé du 24 octobre 1985 : "Le droit au supplément familial de traitement, au titre des enfants dont ils assument la charge effective et permanente à raison d'un seul droit par enfant, est ouvert aux magistrats, aux fonctionnaires civils, aux militaires à solde mensuelle ainsi qu'aux agents de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière dont la rémunération est fixée par référence aux traitements des fonctionnaires ou évolue en fonction des variations de ces traitements, à l'exclusion des agents rétribués sur un taux horaire ou à la vacation. La notion d'enfant à charge à retenir pour déterminer l'ouverture du droit est celle fixée par le titre Ier du livre V du code de la sécurité sociale. Lorsque les deux membres d'un couple de fonctionnaires ou d'agents publics, mariés ou vivant en concubinage, assument la charge du ou des mêmes enfants, le bénéficiaire est celui d'entre eux qu'ils désignent d'un commun accord. Cette option ne peut être remise en cause qu'au terme d'un délai d'un an. Les dates d'ouverture, de modification et de fin de droit fixées en matière de prestations familiales par l'article L. 552-1 du code de la sécurité sociale sont applicables au supplément familial de traitement." ;

Considérant que s'il n'est pas contesté que Mme A avait deux enfants à charge pendant, au moins, une partie de la période d'éviction en litige, l'intéressée ne produit pas d'éléments suffisants, relatifs à l'âge de ses enfants et à leur situation, de nature à justifier qu'elle aurait pu prétendre au versement du supplément familial de traitement pendant cette période ; que sa demande concernant ce poste de préjudice ne peut ainsi qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A a supporté des pertes de rémunération dont le montant total peut être évalué à 196.316 euros ; que, pendant la période d'éviction, elle a perçu des revenus ou allocations pour perte d'emploi d'un montant de 65.771 euros environ ; qu'il sera ainsi fait une juste appréciation de son préjudice matériel en l'évaluant à la somme de 130.545 euros ;

Sur le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que dix années ont été nécessaires à Mme A pour obtenir d'être effectivement réintégrée dans un emploi d'adjoint de cadres hospitaliers ; que pendant cette période, ses multiples demandes ont été rejetées, aux motifs, avancés à tort par l'HOPITAL SAINT-JEAN qu'aucun emploi n'était vacant ou que les postes vacants ne correspondaient pas à ses aptitudes, alors que plusieurs postes ont été proposés à la mutation et attribués à des agents ayant le grade de l'intéressée ; que celle-ci a rencontré de grandes difficultés pour obtenir la communication de documents l'informant sur l'état des effectifs, ce qui l'a contrainte à saisir la commission d'accès aux documents administratifs ; que les refus réitérés de l'hôpital l'ont également amenée à chercher des emplois de substitution dans le secteur privé ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral supportée par Mme A en mettant à la charge de l'HOPITAL SAINT-JEAN la somme de 15.000 euros ;

Considérant, en revanche, que Mme A, ni ne détaille, ni n'établit les troubles dans les conditions d'existence, notamment de précarité, qu'elle dit avoir supportés ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'HOPITAL SAINT-JEAN doit être condamné à verser à Mme A la somme totale 145.545 euros en réparation des différents préjudices ayant résulté pour cette dernière des refus illégaux et réitérés de son employeur de procéder à sa réintégration à compter du 13 octobre 1997 ;

Sur les intérêts :

Considérant que la somme de 145.545 euros portera intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2001, date à laquelle l'HOPITAL SAINT-JEAN a reçu la demande d'indemnisation préalable présentée par Mme A ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 5 février 2004 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'HOPITAL SAINT-JEAN la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ; qu'en application de ces mêmes dispositions, la demande présentée par l'HOPITAL SAINT-JEAN, partie perdante, ne peut qu'être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 3, 4, 5 et 6 du jugement n° 0202058 - 0202059 du tribunal administratif de Montpellier en date du 20 décembre 2006 sont annulés.

Article 2 : L'HOPITAL SAINT-JEAN est condamné à verser à Mme A la somme de 145.545 euros (cent quarante-cinq mille cinq cent quarante-cinq euros) en réparation des différents préjudices ayant résulté pour cette dernière de son absence de réintégration dans les effectifs de l'établissement à compter du 13 octobre 1997.

Article 3 : La somme de 145.545 euros (cent quarante-cinq mille cinq cent quarante-cinq euros) portera intérêts au taux civil légal à compter du 28 décembre 2001. Les intérêts produiront

eux-mêmes intérêts à compter du 5 février 2004.

Article 4 : L'HOPITAL SAINT-JEAN versera à Mme A la somme de 2.000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La requête n° 07MA01695 de l'HOPITAL SAINT-JEAN est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Danielle A, à l'HOPITAL SAINT-JEAN et au ministre des affaires sociales et de la santé.

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N°s 12MA01592, 12MA015933


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