Vu la requête, enregistrée le 19 février 2010, présentée pour M. Jean-Louis A, demeurant ..., par Me Toesca-Zonino, avocat ; M. A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701816 du 18 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Nice et de l'ONIAM à lui verser 800 000 euros portant intérêts au titre du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'un traitement médical qu'il a suivi de juillet 2000 à mars 2003 au centre hospitalier universitaire de Nice, à l'exception de l'article 3 de ce jugement mettant les frais d'expertise à la charge du centre hospitalier universitaire ;
2°) d'ordonner par arrêt avant dire droit une contre-expertise à celle réalisée par l'expert désigné par ordonnance du 18 janvier 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Nice ;
3°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Nice et l'ONIAM à lui verser la somme de 879 540,69 euros portant intérêts au titre du préjudice subi, et la somme annuelle de 23 400 euros indexée au titre de l'assistance pour tierce personne, sous réserve des conclusions de la contre expertise sollicitée ;
4°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Nice et l'ONIAM à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l 'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille, en date du 2 juin 2010, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2012 :
- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;
- les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;
Considérant que M. A, qui souffre depuis 1982 d'une maladie de Behcet, vascularite chronique auto-immune caractérisée par des manifestations rhumatismales et cutanées, a été suivi régulièrement par le service dermatologique du centre hospitalier universitaire de Nice ; que, de juillet 2000 à mars 2003, un traitement de chloraminophène lui a été administré dans le cadre de ce suivi médical ; qu'à la suite d'une colique néphrétique et des examens réalisés à cette occasion, le diagnostic de syndrome myélodysplasique a été posé le 24 juin 2005, et confirmé le 23 septembre 2005, quand a été révélée une anémie réfractaire de type 1 avec excès de blastes qui a évolué 9 mois plus tard en leucémie aiguë ; qu'une greffe de moelle allogénique réalisée le 21 avril 2006 a entraîné des complications ; que le requérant a été hospitalisé du 12 avril 2007 au 26 avril 2007 pour des douleurs musculaires avec oedème des membres supérieurs ; qu'estimant que la leucémie aiguë dont il s'est trouvé affecté est la conséquence du traitement par chloraminophène dont il a fait l'objet, il a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice la désignation d'un expert, désigné par ordonnance du 18 janvier 2007 ; que l'expert a rendu son rapport le 23 octobre 2007 ; que M. A a demandé au tribunal administratif la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Nice et de l'ONIAM à lui verser 800 000 euros portant intérêts au titre du préjudice subi ; que, par jugement attaqué, le tribunal administratif a, dans son article 1, rejeté sa demande, a, dans son article 2, rejeté les conclusions de la ville de Nice employeur du requérant et de la CPAM des Alpes Maritimes et a, dans son article 3, mis à la charge du centre hospitalier de Nice les frais d'expertise ; que M. A interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire et porte sa demande à la somme de 879 540,69 euros portant intérêts;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. A soutient que la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Nice est engagée pour défaut d'information prévu par l'article L. 1111-2 du code de la santé publique et eu égard à l'absence d'autorisation de mise sur le marché du chloraminophène pour le traitement de la maladie de Behcet et demande que son préjudice soit réparé au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;
En ce qui concerne la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Nice et le lien de causalité entre la leucémie et le traitement :
Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, issu de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 applicable aux faits en litige : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport précis, cohérent et impartial de l'expert, professeur d'hématologie à la faculté de médecine de Marseille, désigné par ordonnance du 7 mars 2007 du tribunal administratif de Nice, que la prescription de chloraminophène, traitement immunosuppresseur, alors même qu'il n'existait pas d'autorisation de mise sur le marché spécifique de ce médicament pour la maladie de Behcet, était tout à fait justifiée chez ce patient atteint de forme grave et résistante de la maladie auto immune de Behcet et que, si la prescription de ce médicament pour traiter une maladie auto-immune peut effectivement favoriser de manière exceptionnelle la survenue d'un syndrome myélodysplasique secondaire, les syndromes secondaires apparaissent en ce cas 3 à 7 ans après la fin du traitement ; que la littérature médicale et notamment des études citées par l'expert font état de 1,8 % seulement de complications hématologiques graves induites par la consommation d'agent alkylant, tel le chloraminophène ; que si le requérant soutient que cette probabilité n'est pas sérieusement estimée par l'expert eu égard au nombre peu élevé de cas de malades soumis à cette étude, il ne produit aucune étude médicale de nature à contredire cette dernière ; qu'à cet égard, les indications des dictionnaires Vidal et Doroz dans leur édition de 1999 qui mentionnent comme effet indésirable de ce médicament une hématoxicité ne sont pas de nature à remettre en cause les dires de l'expert ; que la fin du traitement a eu lieu en mars 2003 et que les symptômes sont apparus en juin 2005 ; que le courrier du 22 janvier 2007 du praticien hospitalier du service hépato-gastroentérologue qui indique que " le patient a présenté une leucémie aiguë myéloïde dans les suites de chloraminophène " n'établit pas que M. A a contracté sa maladie par l'effet de ce traitement ; que l'expert indique aussi sans être contesté qu'il existe une fréquence accrue de tel syndrome dans les cas de maladies auto-immunes et ajoute que chez les patients traités par chimiothérapie, y compris par des agents alkylants, il existe une susceptibilité individuelle à extérioriser un syndrome myélodysplasique, sorte de prédisposition génétique ; que par suite, le lien de causalité direct et certain entre le traitement et la maladie de M. A n'est pas, ainsi que l'affirme l'expert, établi ; que, dans ces conditions, le lien de causalité entre le défaut d'information allégué, sur le fondement de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, et le préjudice ne peut être établi ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une contre expertise, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a estimé que sa maladie n'était pas imputable au traitement qu'il a suivi au centre hospitalier universitaire de Nice ;
En ce qui concerne l'obligation de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique précité : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ( ...) " ;
Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, qu'aucun lien de causalité n'est établi entre les préjudices dont se prévaut M. A et le traitement médical qu'il a suivi ; que, par suite, M. A ne saurait obtenir une indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la solidarité nationale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Nice et l'ONIAM soient condamnés à verser quelque somme que ce soit au titre des frais non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Louis A, au centre hospitalier universitaire de Nice, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la commune de Nice et à la CPAM des Alpes Maritimes.
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N° 10MA00718 2