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16/07/2012 | FRANCE | N°10MA01964

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 16 juillet 2012, 10MA01964


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°10MA01964, le 21 mai 2010, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Bartolomei, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0802658 et 0905810 du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de renouvellement d'autorisation de travail et, d'autre part, de la décision du 14 mai

2009 par laquelle ledit préfet a rejeté sa demande de titre de séjour ;

2°...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°10MA01964, le 21 mai 2010, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Bartolomei, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0802658 et 0905810 du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de renouvellement d'autorisation de travail et, d'autre part, de la décision du 14 mai 2009 par laquelle ledit préfet a rejeté sa demande de titre de séjour ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 au bénéfice de son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle ;

.............

Vu la décision du 7 mai 2010 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. A l'aide juridictionnelle totale et a désigné Me Bartolomei comme avocat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu les conventions n° 2, n° 44 et n° 97 de l'organisation internationale du travail ;

Vu la Convention n°111 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession du 25 juin 1958 de l'organisation internationale du travail ;

Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

Vu la recommandation n° 86 de l'organisation internationale du travail adoptée le 1er juillet 1949 ;

Vu la recommandation n° 1618 de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ;

Vu la directive 2000/43/CE du conseil de l'Union européenne du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2012 le rapport de Mme Lopa Dufrénot, rapporteur ;

Considérant que M. A, de nationalité marocaine, interjette appel du jugement du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de renouvellement d'autorisation de travail et, d'autre part, de la décision en date du 14 mai 2009 lui refusant la délivrance d'une carte de séjour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...) L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience " ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que lors de l'audience qui s'est tenue devant le Tribunal administratif de Marseille, le 1er décembre 2009, ont été appelées les affaires n°s 0802658 et 0905810 ; que l'intéressé dont le conseil a reçu notification de l'avis d'audience par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 novembre 2009, a été régulièrement convoqué à cette audience dans le cadre de l'examen de la première affaire ; que, alors même que pour la seconde affaire n° 0905810, le requérant n'aurait pas été convoqué dans les conditions prévues par les dispositions précitées, il était toutefois représenté par son conseil ; que, dans ces conditions, le jugement attaqué n'a pas été rendu selon une procédure irrégulière ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. (...) La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention "salarié", une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an ; (...) 4° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail saisonnier entrant dans les prévisions du 3° de l'article L. 122-1-1 du code du travail et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France. (...) Elle porte la mention "travailleur saisonnier" " ; qu'aux termes de l'article R. 341-1 du code du travail dans sa version alors en vigueur : " Tout étranger, pour exercer à temps plein ou à temps partiel une activité professionnelle salariée, doit être titulaire d'une autorisation de travail en cours de validité. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 341-2 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles R. 341-7 et R. 341-7-2, l'autorisation de travail est constituée par la mention " salarié " apposée sur la carte de séjour temporaire ou par la carte de résident en cours de validité. " ; qu'aux termes de l'article R. 341-7-2 du code du travail, dans sa version issue du décret 84-169 du 8 mars 1984 et expressément abrogée par le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 : " Le contrat d'introduction de travailleur saisonnier visé par les services du ministre chargé du travail donne à son titulaire le droit d'exercer l'activité professionnelle salariée qui y est portée pendant sa durée de validité chez l'employeur qui a signé ce contrat. La durée totale du ou des contrats saisonniers dont peut bénéficier un travailleur étranger ne peut excéder six mois sur douze mois consécutifs. Un même employeur ne peut être autorisé à recourir à un ou des contrats de main-d'oeuvre saisonnière visés à l'article 1er pour une période supérieure à six mois sur douze mois consécutifs. Le décompte est effectué pour chaque établissement d'une même entreprise. A titre exceptionnel, l'employeur peut être autorisé à conclure des contrats saisonniers d'une durée maximum totale de huit mois sur douze mois consécutifs sous la double condition que ces contrats concernent des activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences spécifiques et que l'employeur intéressé apporte la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main-d'oeuvre déjà présente sur le territoire national. " ; et qu'il résulte des dispositions en vigueur depuis le 26 juillet 2006, et notamment de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 et de l'article R. 5221-23 du code du travail, que la durée pendant laquelle un étranger peut occuper un ou plusieurs emplois saisonniers ne peut excéder six mois par an ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a été employé en qualité de travailleur saisonnier de 2003 à 2007 sous couvert de contrats conclus dans le cadre des dispositions applicables du code du travail et notamment de ses articles L. 122-1 et R. 341-7-2, qui ont fait l'objet de prolongations au-delà d'une durée de six mois, soit après l'abrogation des dispositions réglementaires permettant une telle prolongation ; que toutefois, eu égard en particulier au nombre d'années pendant lesquelles M. A, introduit pour la première fois en 2003, est venu travailler en France, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne pouvait se prévaloir ni de motifs exceptionnels ni de considérations humanitaires pour être admis au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, que comme il a été dit précédemment, M. A a été bénéficiaire de contrats de travailleur saisonnier ; qu'il est retourné au Maroc à l'issue de chacun de ses contrats ; qu'il n'a jamais été titulaire d'une carte de séjour portant la mention " salarié " et, au demeurant, n'en a jamais sollicité la délivrance ; qu'il n'appartient pas à l'administration de requalifier des contrats de travailleurs saisonniers en contrats de travail à durée indéterminée ; que par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits ;

Considérant, en troisième lieu, que comme il vient d'être dit, M. A n'a jamais été titulaire d'une carte de séjour portant la mention " salarié " ; que par suite, il ne saurait invoquer une rupture de l'égalité de traitement du fait d'une discrimination entre travailleurs étrangers placés dans la même situation et une violation des engagements internationaux ratifiés par la France sur les travailleurs migrants, dès lors qu'en se bornant à refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui ne justifiait pas des conditions requises pour son obtention, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a méconnu ni la directive européenne n 2000/43/CE du 29 juin 2000 et la loi n° 2000-1486 du 30 décembre 2004 votée pour sa transcription en droit interne, ni la convention n° 2 de l'organisation internationale du travail sur le chômage du 28 novembre 1919 et la convention n° 44 de cette même organisation du 23 juin 1934 ratifiée par la France le 21 février 1949, ni celle n° 97 sur les travailleurs migrants de l'Organisation internationale du travail ratifiée par la France le 29 mars 1954, ni la convention n° 111 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession du 25 juin 1958 de l'Organisation internationale du travail, ni les dispositions de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d' une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'il a travaillé sur le territoire français depuis 2003 comme ouvrier sous couvert de contrats d'introduction de travailleur saisonnier conclus dans le cadre des dispositions applicables du code du travail et notamment de ses articles L. 122-1 et R. 341-7-2, ses contrats ayant été illégalement prolongés au-delà de la durée de six mois, il ne conteste cependant pas avoir rejoint à l'issue de chacun de ses contrats, son pays d'origine ; qu'ainsi, alors même son père, titulaire d'une carte de résident, est présent en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se situe en France ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte au respect de sa vie privée et familiale, disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed A et au ministre de l'intérieur.

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N° 11MA01964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01964
Date de la décision : 16/07/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: Mme MARKARIAN
Avocat(s) : BARTOLOMEI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-07-16;10ma01964 ?
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