Vu le recours, enregistré le 11 décembre 2009, du TRESORIER PAYEUR GENERAL DES PYRENEES ORIENTALES, régularisé par le ministre de l'économie et des finances par courrier du 13 juin 2012, présenté par Me Rosenfeld ; le TRESORIER PAYEUR GENERAL DES PYRENEES ORIENTALES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800102 du 8 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge de l'obligation de payer résultant de trois avis à tiers détenteur notifiés à Mme Blanca A le 3 septembre 2007 et le 19 octobre 2007 par le trésorier principal de Perpignan, boulevard Wilson, pour avoir paiement, le premier de la somme de 282 999 euros, le deuxième de la même somme, le troisième de la somme de 282 143,71 euros, représentant des cotisations à l'impôt sur le revenu dues au titre des années 2003 et 2004 ;
2°) de prononcer le rétablissement de l'obligation de payer les impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'annuler la condamnation de l'Etat à verser une somme de 1 000 euros à Mme A, prononcée par le jugement ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012,
- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;
- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
- et les observations de Me Obrecht du cabinet Rosenfeld pour l'administration ;
Considérant que suite à la mise en recouvrement en 2007 de cotisations d'impôt sur le revenu afférentes aux années 2003 et 2004 mises à la charge de M. et de Mme A pour les montants de 136 674 euros et de 146 325 euros en droits, le trésorier principal de Perpignan, boulevard Wilson, a émis, le 3 septembre 2007 et le 19 octobre 2007, trois avis à tiers détenteur au nom de Mme A en qualité d'épouse de M. , auprès de la CRAM Languedoc Roussillon à Montpellier, de Viagence Cévennes à Bédarieux et de la CRCAM Sud Méditerranée à Perpignan pour des montants de 282 999 euros pour chacun des deux premiers et de 282 143,71 euros pour le troisième ; que ces actes ont été contestés par une réclamation adressée par Mme A le 5 novembre 2007 au TRESORIER PAYEUR GENERAL DES PYRENEES ORIENTALES, où la contribuable formait opposition à ces avis à tiers détenteur au motif de leur irrégularité en la forme, défaut de mise en demeure et non respect du délai de vingt jours, et de l'absence d'exigibilité de l'impôt compte tenu de la réclamation d'assiette avec demande de sursis de paiement ;
Considérant qu'en l'absence de réponse de l'administration, Mme A a porté le litige devant le Tribunal administratif de Montpellier le 6 janvier 2008 en présentant des moyens identiques à ceux de sa réclamation visant le recouvrement ; qu'en défense, le TRESORIER PAYEUR GENERAL s'étant borné à soulever l'irrecevabilité de la requête au motif qu'elle était mal dirigée, les premiers juges ont ordonné la décharge de l'obligation de payer après avoir écarté l'irrecevabilité et constaté l'absence de tout moyen visant l'exigibilité de l'imposition ;
Considérant que le TRESORIER PAYEUR GENERAL DES PYRENEES ORIENTALES relève régulièrement appel de ce jugement et soutient que l'imposition est exigible dès lors que la seule réclamation visant l'assiette, jointe au dossier et datée du 29 mai 2007, bien qu'antérieure à l'émission des avis à tiers détenteur, est relative à la seule année 2005, année non visée par les avis à tiers détenteur ; qu'il n'y a donc aucune réclamation d'assiette relative aux impositions contenues dans les trois avis à tiers détenteur litigieux ; que, toutefois, Mme A produit en défense deux courriers du trésorier du 5 décembre 2007 demandant la constitution de garanties suite à une réclamation du 8 novembre 2007 visant l'impôt sur le revenu 2003 et l'impôt sur le revenu 2004 pour les montants de 136 674 euros et de 146 325 euros, qui sont les montants mis en recouvrement au titre de 2003 et 2004 ; qu'il existe bien ainsi, en sus de la contestation du recouvrement, une contestation de l'assiette des impositions assortie d'une demande de sursis de paiement ;
Considérant que Mme A soutient également que par jugement pris le même jour, 8 octobre 2009, sous le n° 0801252 et devenu définitif, le Tribunal administratif de Montpellier a accordé à Mme A la décharge de sa responsabilité solidaire en paiement des cotisations d'impôt sur le revenu de M. afférentes aux années 2003 et 2004 pour un montant de 282 999 euros, soit la somme de 136 674 euros et de 146 325 euros et estime qu'en conséquence, elle ne peut plus être recherchée en paiement de ladite somme qui représente le montant exact de chacun des avis à tiers détenteur du 3 septembre 2007 en litige, et de celui du 19 octobre 2007 après déduction d'un versement de 855,29 euros ; que, toutefois, une telle demande relève de la juridiction gracieuse et non contentieuse, est étrangère au contentieux du recouvrement en cause ici et a pour seule conséquence de permettre à l'administration de reprendre une nouvelle décision au plan gracieux ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s'il n'a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. " ; que le quatrième alinéa de cet article prévoit : " A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés. (Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001, art 74-C) : L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. " ; qu'enfin, aux termes de l'article R.* 277-1 dudit livre : " Le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à l'article L. 277. Le contribuable dispose d'un délai de quinze jours à compter de la réception de l'invitation formulée par le comptable pour faire connaître les garanties qu'il s'engage à constituer. (...) Si le comptable estime ne pas pouvoir accepter les garanties offertes par le contribuable (...), il lui notifie sa décision par lettre recommandée. " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales que le contribuable qui en fait expressément la demande dans sa réclamation a droit au sursis de paiement sur la totalité des impôts qu'il conteste, à la seule condition qu'il réunisse les garanties appropriées ; que l'exigibilité de l'impôt est suspendue au moins jusqu'à la notification par le comptable du refus des garanties, qui doit intervenir dans les formes prévues par l'article R.*277-1 du même livre, c'est-à-dire par lettre recommandée, et que le comptable du Trésor ne peut, dans ce cas, recourir à des mesures d'exécution avant qu'une décision définitive ait été prise sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse, soit par l'administration, soit par le tribunal compétent ; qu'il est constant qu'une telle décision définitive n'est pas intervenue, le bien-fondé de l'imposition ayant fait l'objet d'un appel pendant devant la présente Cour ;
Considérant qu'en l'espèce, une demande de garanties a été faite par le trésorier le 5 décembre 2007 pour les cotisations de 2003 et 2004, mais qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que la contribuable aurait obtempéré ou en aurait proposé d'elle-même, ou que les sommes éventuellement recueillies suite aux avis à tiers détenteur auraient été retenues comme nouvelle garantie autorisant le sursis ou que Mme A aurait saisi le juge du référé fiscal ; que même au cas où la constitution de garanties n'aurait pas été requise, les sommes visées par les avis à tiers détenteur ne peuvent être restituées à Mme A faute pour celle-ci d'en avoir demandé la restitution ;
Considérant que le dépôt de la demande de sursis de paiement a eu pour effet de suspendre l'exigibilité des sommes dont le paiement était recherché ; qu'il résulte cependant de l'effet d'attribution immédiate que les dispositions de l'article L. 263 du livre des procédures fiscales attachent à l'avis à tiers détenteur que celui-ci avait produit tous ses effets dès sa réception et, partant, à la date du dépôt de la demande de sursis de paiement ; que dans ces conditions, les avis à tiers détenteur du 3 septembre 2007 et du 19 octobre 2007, ayant produit tous leurs effets dès réception, n'étaient pas caducs, alors même que l'impôt n'était pas exigible, au double motif de la présence de la demande de sursis de paiement, dont le sort reste inconnu, et de l'absence de toute décision définitive au regard de son bien-fondé ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement en ce qu'il a déchargé Mme A de son obligation de payer les sommes en litige en se fondant sur la seule suspension d'exigibilité issue de la réclamation comportant demande de sursis de paiement, sans statuer sur la validité des avis à tiers détenteur ;
Considérant qu'il suit de là que, dans l'ignorance où se trouve le juge du sort réservé à la demande de sursis de paiement, et bien que les avis à tiers détenteur ne soient pas caducs, le TRESORIER PAYEUR GENERAL n'est pas davantage fondé en appel qu'en première instance à obtenir la remise à sa charge de l'obligation de payer les sommes en cause ; que le surplus de la demande de première instance de Mme A, fondé sur l'absence de mise en demeure préalable aux actes de poursuite et sur le non-respect du délai de vingt jours entre la mise en demeure et l'avis à tiers détenteur, sera rejeté au motif que ces demandes ressortissent à la compétence du juge judiciaire exclusivement ;
Considérant que le TRESORIER PAYEUR GENERAL n'est fondé qu'à obtenir l'annulation du jugement et le rejet de la demande de première instance de Mme A, mais non la remise à sa charge de l'obligation de payer les impositions en litige, ni l'annulation de sa condamnation à verser 1 000 euros de frais irrépétibles à Mme A ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, ni à la charge de Mme A une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 8 octobre 2009 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A en décharge de l'obligation de payer contenue dans les avis à tiers détenteur du 3 septembre 2007 et du 19 octobre 2007, présentée devant le Tribunal administratif de Montpellier, est rejetée.
Article 3 : La demande d'allocation de fais irrépétibles présentée par le TRESORIER PAYEUR GENERAL DES PYRENEES ORIENTALES au nom du ministre de l'économie et des finances est rejetée. Il en est de même de la demande d'allocation de frais irrépétibles présentée par Mme A.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à Mme Blanca A.
Copie en sera adressée au TRESORIER PAYEUR GENERAL DES PYRENEES ORIENTALES.
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N° 09MA04555 2