Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2009, présentée pour M. et Mme Maurice A, demeurant ..., par Me Cosich ;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0800554 du 24 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui leur est réclamée au titre de l'année 2004, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012,
- le rapport de Mme Haasser, rapporteur,
- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
Considérant que M. et Mme A ont bénéficié au titre de l'année 2004 d'une réduction de leur impôt sur le revenu, de 46 530 euros en droits, en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements productifs dont ils ont déclaré la réalisation à la Réunion, par l'intermédiaire des sociétés en participation (SEP) Erable 1, 2, 3, 4 et 5, dont la gestion est assurée par l'EURL SGI ; qu'ils relèvent appel du jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 24 septembre 2009 ayant refusé leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis à la suite de la remise en cause par l'administration fiscale de cette réduction pour les investissements réalisés par les SEP Erable 2 à 5, au motif de l'inexistence des investissements ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'afin de permettre la réalisation des opérations de défiscalisation Outre-Mer dans lesquelles la Société SGI s'était spécialisée, cette dernière constituait des sociétés en participation dont le rôle était de collecter des fonds auprès d'investisseurs privés tels les époux A, et assurait la gestion de ces structures au moyen desquelles le matériel industriel objet de l'investissement était acheté pour être ensuite donné en location ; que la Société SGI qui détenait les fonds des investisseurs associés des SEP, ne payait les fournisseurs de matériels que sur présentation de trois documents, les factures fournisseurs, le contrat de location longue durée signé par le futur exploitant et le procès-verbal de réception du matériel signé par le fournisseur et le locataire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, ... dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) / La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements productifs (...) / La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...) / La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location ... Si, dans le délai de cinq ans de la mise à disposition du bien loué ou pendant sa durée normale d'utilisation si elle est inférieure, l'une des conditions visées au présent alinéa cesse d'être respectée, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle cet événement se réalise. Le revenu global de cette même année est alors majoré des déficits indûment imputés en application du I bis du présent article. (... ) " ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer :
Considérant que M. et Mme A concluent à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue de deux procédures judiciaires ; que la première vise le jugement pénal à intervenir à la suite de la plainte déposée le 20 novembre 2006 par l'EURL SGI devant le Tribunal de grande instance de la Réunion pour faire reconnaître les fraudes dont elle aurait été victime de la part des fournisseurs des matériels, MM. D et E, exerçant sous les enseignes Distrimat et Fred Distribution, destinés ensuite à être loués aux entreprises de M. B et de Mme C, respectivement entreprise de menuiserie et de boulangerie industrielle ; que selon la teneur de la plainte, les matériels soit étaient surfacturés, soit n'étaient pas livrés, la Société SGI y indiquant expressément que les factures fournisseurs, les procès-verbaux de réception et les contrats de location aux exploitants étant des faux et les opérations de ventes, fictives ; que la commission rogatoire diligentée par le juge s'est achevée par une trentaine de mises en examen à l'encontre des seuls fournisseurs et exploitants des matériels, excluant des poursuites la Société SGI, laquelle sollicite le sursis à statuer aux fins de pouvoir porter à la connaissance du juge administratif les éléments d'enquête ;
Considérant que la seconde procédure vise une assignation de l'EURL SGI devant le Tribunal mixte de commerce de Saint Denis, par M. D, l'un des fournisseurs de matériels, lui réclamant le paiement complet dudit matériel ; que devant ce Tribunal, la Société SGI invoquait pareillement le caractère fictif des opérations, " les ventes de matériels étant dépourvues de cause puisque les biens commandés n'ont pas été livrés " ; que le jugement avant dire droit du 22 août 2007 a ordonné une mesure de constatation, effectuée le 9 novembre 2007, dont le procès-verbal relève l'absence de livraison de plusieurs matériels dont M. D réclamait le paiement ; que la Société SGI ayant malgré cela été condamnée par le jugement du 7 novembre 2008 à payer une partie des sommes à M. D, en a relevé appel et demande qu'il soit sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour d'appel de Saint Denis ; que dans ses dernières écritures, la Société SGI produit un autre jugement du 9 janvier 2009 du Tribunal mixte de commerce, refusant de prononcer la résolution des ventes de matériels fournis à la Société SGI par la Société BMBA en l'absence de démonstration que ces matériels n'auraient pas été livrés ;
Considérant cependant que le juge administratif, qui dirige seul l'instruction, n'avait pas l'obligation de prescrire la production de pièces quelconques ; que l'issue de la procédure pénale initiée par la Société SGI est sans influence sur le bien-fondé des impositions en litige ; que le juge administratif disposait d'éléments probants tirés des déclarations de la Société SGI devant les juges judiciaires permettant d'établir la réalité des faits à l'origine de l'imposition attaquée et n'avait pas l'obligation de surseoir à statuer sur le litige qui lui était soumis jusqu'à ce que le juge pénal ait statué ; qu'en outre, l'annualité de l'impôt dû par les particuliers interdit de prendre en compte la situation de la Société SGI au titre d'une période postérieure à l'année 2004 en cause, et qu'enfin, les poursuites judiciaires ne font pas disparaître rétroactivement les actes ayant donné naissance à une situation juridique donnée ;
Considérant qu'ainsi, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur la requête de M. et Mme A dès lors que le dossier est en état d'être jugé ; que les conclusions des époux A doivent, par suite, être rejetées sur ce point ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales alors applicable : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
Considérant que les premiers juges ont statué sur la motivation de la notification de redressements en affirmant que " (celle-ci) indiquait clairement la nature, le montant et le motif du rehaussement envisagé et qu'elle a permis d'engager une discussion " ; que l'absence de critique du schéma de défiscalisation dans la notification ne peut être reprochée au service au stade de sa motivation dès lors que cette critique relève du bien-fondé du rappel ;
Considérant que les époux A ne peuvent utilement reprocher à l'administration d'avoir motivé la notification qui leur a été adressée le 18 décembre 2006 par référence aux notifications adressées aux différentes sociétés en participation Erable 2 à 5, dès lors que ces dernières, dont des extraits ont été joints à leur propre notification, et sont produits devant le juge, sont elles-mêmes régulièrement motivées par l'indication des textes applicables, la description du dispositif fiscal, au demeurant bien connu des protagonistes qui avaient créé les structures juridiques ad hoc, le montant et la répartition des investissements envisagés, et leur critique (manque d'agrément, secteur d'activité non défiscalisable, inexistence du matériel) permettant de conclure au caractère fictif de l'opération, confirmé par des éléments concrets tels les déclarations de M. E reconnaissant le caractère fictif des factures d'achat émises en 2004 ou les lacunes dans les écritures comptables de la Société SGI (absence de dette fournisseur, non-encaissement des loyers) ou enfin l'inexistence d'une boulangerie à l'adresse indiquée sur le papier ; qu'ainsi, la motivation de ces notifications ne procède pas d'une " succession d'affirmations " et ne pêche pas par l'absence de pièces, celles-ci ayant été reconnues par la Société SGI elle-même comme étant de pure complaisance, alors par ailleurs qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de joindre des pièces à ses notifications de redressement ; qu'ainsi, les époux A, qui ne contestent pas que la notification de redressement indiquait clairement la nature, le montant et le motif du rehaussement envisagé et qu'elle a permis d'engager une discussion, ne sauraient utilement reprocher au service le défaut d'annexion de pièces au demeurant non précisées, ni le défaut de motivation de la notification au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé du rappel :
Considérant que l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt sur le revenu afférente à ces investissements en se fondant sur leur absence de réalité physique ; que la Société SGI en sa qualité de gérante des sociétés dont sont membres les requérants personnes physiques, a elle-même reconnu la fictivité des investissements dans son dépôt de plainte ; que les époux A, qui ne produisent aucune des factures afférentes à ces investissements, pas plus que les contrats de location longue durée, signés des locataires, ni les procès-verbaux de réception des matériels signés par le fournisseur et le locataire, qu'ils invoquent, ne justifient pas, ainsi qu'il leur incombe en tant que demandeurs d'une réduction d'impôt, de la réalité de ces investissements en soutenant, en ce qui concerne les matériels destinés à la boulangerie que " des livraisons ont pu intervenir chez Mlle F " et en produisant, en ce qui concerne le matériel devant être livré par le fournisseur Distrimat à M. B, un jugement du Tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion du 22 août 2007, ordonnant une mesure de constatation ainsi que le constat réalisé, qui ne porte pas sur le matériel de menuiserie destiné à M. B, ou encore des conclusions déposées par une société Aghil Bobcat contre la Société SGI et un courrier de la même société, qui ont trait à des investissements réalisés pour une société Lawking, étrangère aux investissements déclarés par les époux A ;
Sur le non-respect du principe communautaire de proportionnalité ;
Considérant que M. et Mme A ne peuvent utilement se prévaloir ni de leur bonne foi, dès lors qu'en leur qualité de bailleurs de fonds ils sont devenus associés des sociétés gérées par la Société SGI qui a reconnu le caractère fictif des investissements réalisés avec ces fonds, ni du principe communautaire de proportionnalité, selon lequel les moyens mis en oeuvre au plan national doivent permettre d'atteindre efficacement l'objectif poursuivi par le droit interne tout en portant le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation de l'Union en cause, qui ne trouve ainsi à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où le droit interne est ou risque d'être en conflit avec le droit communautaire, c'est-à-dire exclusivement lorsque la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire, ce qui n'est pas le cas des dispositifs de réduction d'impôt accordés à certains types d'investissements, domaine régi par le seul droit interne ;
Considérant que si les requérants soutiennent que nonobstant cela, les Etats membres doivent malgré tout exercer leur compétence fiscale dans le respecte du droit communautaire, il est constant que le litige porte sur l'éligibilité de l'investissement en cause à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies du code, et non sur la compatibilité de cet article avec des principes de droit européen ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Maurice A et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 09MA04261 2
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