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28/06/2012 | FRANCE | N°10MA01148

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 28 juin 2012, 10MA01148


Vu le mémoire enregistré le 23 mars 2010, présenté pour la S.A.S. ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis 213 avenue Francis Tonner à Cannes la Bocca (06150), par Me Deur, avocat ; la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500869 du 16 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Montauroux et du département du Var à lui verser la somme de 30 000 euros au titre d

u préjudice résultant de l'inondation de son terrain et de son accès, le...

Vu le mémoire enregistré le 23 mars 2010, présenté pour la S.A.S. ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis 213 avenue Francis Tonner à Cannes la Bocca (06150), par Me Deur, avocat ; la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500869 du 16 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Montauroux et du département du Var à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice résultant de l'inondation de son terrain et de son accès, le 15 octobre 2000, et la somme de 16 268,94 euros au titre du préjudice résultant pour elle de la condamnation prononcée à son encontre le 13 février 2007 par le tribunal de grande instance de Grasse ;

2°) de condamner solidairement la commune de Montauroux et du département du Var à lui verser la somme de 51 658,20 euros correspondant au montant des travaux qu'elle a dû réaliser en exécution de ce jugement ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la Cour d'appel d'Aix en Provence statuant sur les préjudices subis par M. et Me Tourba, ses voisins, du fait de ces mêmes inondations ;

La société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA soutient que :

- la société fait commerce de gros de matériaux de construction et est locataire de parcelles cadastrées section G n° 1899, n° 71 et 72 sur le territoire de la commune de Montauroux ;

- l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nice le 28 janvier 2002, à la demande des époux Tourba, a mis en cause dans son rapport du 19 février 2003 le conseil général du Var, la commune de Montauroux et elle-même dans la survenance de l'inondation du rez de chaussée de la propriété voisine des époux Tourba ;

- la société a été assignée le 28 janvier 2004 à comparaître devant le tribunal de grande instance de Grasse à la demande des époux Tourba pour réparer leur préjudice ;

- le tribunal de grande instance, par jugement du 13 février 2007, l'a condamnée à réparer le préjudice du trouble de jouissance des époux Tourba et à réaliser sous astreinte, solidairement avec les bailleurs du terrain qu'elle leur loue, des travaux sur son chemin privatif pour éviter un retour d'inondation ;

- les époux Tourba, estimant le montant de la réparation allouée insuffisant, ont relevé appel de ce jugement et ont demandé devant la Cour d'appel d'Aix en Provence la désignation d'un expert pour déterminer leur trouble de jouissance, expert désigné le 20 janvier 2010 ;

- les premiers juges ont estimé à tort que la société ne disposait d'aucune créance certaine, liquide et exigible, à l'encontre de la commune de Montauroux et du département du Var, dès lors que la société a réalisé, à la demande du tribunal de grande instance et nonobstant l'appel, les travaux sur son chemin privatif, pour un coût total de 51 658,20 euros ;

- le tribunal administratif aurait dû surseoir à statuer en l'état de l'appel interjeté par les époux Tourba ;

- la créance, à défaut d'être certaine, est suffisamment caractérisée dans son principe pour justifier son recours contre les deux personnes publiques ;

- comme l'atteste l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif, l'inondabilité de la zone n'est que la conséquence d'une urbanisation excessive autorisée par la commune de Montauroux et d'une insuffisance ou d'une carence du réseau public d'évacuation des eaux pluviales résultant de la responsabilité du département du Var ;

- en effet, la route départementale 562 barre l'écoulement naturel des eaux pluviales issues du bassin versant de Montauroux vers les terrains situés en aval, comme celui des époux Tourba ;

- le caniveau aménagé le long de cette route départementale est sous dimensionné et encombré, ce qui contribue à l'arrivée d'une masse d'eau sur le chemin privatif aboutissant à la propriété Tourba ;

- le caniveau de la Siagnole aménagé le long du chemin communal de Fontdurane, n'est pas entretenu par la commune ;

- la société est fondée à demander à ces deux personnes publiques, en tant que tiers et sur le fondement de la responsabilité sans faute, le remboursement des travaux réalisés pour la somme de 51 658,20 euros ;

- aucune faute ne peut être reprochée à la société, dès lors que la construction d'un hangar sur le terrain qu'elle loue a été autorisée par permis de construire du 12 août 1994 du maire et que les canalisations qu'elle a mis en place sous la voie privée, d'un diamètre suffisant, n'ont pas vocation à pallier le sous-dimensionnement et le défaut d'entretien des ouvrages publics ;

- la cour devra surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive de la cour d'appel d'Aix en Provence sur les préjudices subis par les époux Tourba ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 15 juillet 2010, le mémoire présenté pour le département du Var, représenté par son président en exercice, par la SELARL Philip, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le département fait valoir que :

- la requête est irrecevable ;

- d'abord, la société ne produit, ni le jugement dont appel, ni sa lettre de notification ;

- ensuite, la demande de la société relative au paiement de la somme de 51 658,20 euros est nouvelle en appel, dès lors qu'en première instance, la société demandait réparation des dommages subis par les époux Tourba, pour la somme de 16 298,94 euros et de son propre préjudice de jouissance pour la somme de 30 000 euros, sans mentionner les frais engagés par des travaux ;

- de plus, la société n'a pas interjeté appel du jugement en tant qu'il a rejeté son propre préjudice de jouissance, et toute requête ultérieure sur ce point serait irrecevable pour tardiveté ;

- les conclusions aux fins de surseoir à statuer, nouvelles en appel, sont irrecevables ;

- la société, en l'absence de créance à la date où les premiers juges ont statué, n'a pas d'intérêt donnant qualité pour agir ;

- sur le fond, la demande est mal fondée, dès lors que le département n'a pas en charge l'entretien de la buse litigieuse située sous l'accès privatif de la société et de ses voisins, lequel entretien n'incombait qu'à ces derniers ;

- et les travaux ordonnés par le juge judiciaire n'incombent pas au département ;

- de plus, la route départementale, qui a barré les eaux pluviales, a profité à ces deux fonds privés ;

- la requérante ne justifie d'aucun préjudice anormal et spécial ;

- le département ne peut voir sa responsabilité engagée ;

- à titre très subsidiaire, la cause principale de l'inondation est le développement de l'urbanisation, qui relève de la responsabilité de la commune ;

- l'éventuelle indemnité qui pourrait être mise à la charge du département ne saurait excéder 5 % des conséquences dommageables ;

- en outre, la somme de 51 658,20 euros n'est pas justifiée ;

- la somme de 16 268,94 euros, dont il n'est pas demandé la condamnation du département, et qui englobe deux inondations postérieures à celle du 15 octobre 2000, alors que l'expert a chiffré cette dernière à la somme de 8 255 euros, n'est pas non plus justifiée ;

Vu, enregistré le 18 octobre 2010, le mémoire présenté pour la commune de Montauroux, représentée par son maire en exercice, par la SELAS d'avocats LLC et associés, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable, dès lors qu'elle ne produit pas le jugement attaqué et que la demande de condamnation de la somme de 51 658,20 euros correspondant aux travaux que la société a dû réaliser sur sa propriété est nouvelle en appel ;

- de plus, la cause juridique de la demande reposant sur la faute est distincte de celle invoquée en appel reposant sur la responsabilité sans faute pour dommage de travaux publics ;

- de plus, la société n'a pas interjeté appel du jugement en tant qu'il a rejeté son propre préjudice de jouissance, et toute requête ultérieure sur ce point serait irrecevable pour tardiveté ;

- l'entreprise ne disposant pas d'une créance certaine, liquide et exigible, elle n'a pas intérêt pour agir ;

- à titre subsidiaire, l'existence d'un préjudice direct et certain de la société n'est pas établi par cette dernière ;

- son préjudice personnel n'est pas non plus établi ;

- le comportement fautif qui a contribué, selon l'expert, à l'inondation dont elle se plaint, n'ouvre pas droit à indemnisation ;

- il n'y a pas de lien de causalité entre la condamnation de la société par le juge judiciaire dans le cadre d'un litige l'opposant aux époux Tourba et la responsabilité alléguée de la commune ;

- les dégradations matérielles invoquées relèvent d'un cas de force majeure, en raison des pluies exceptionnelles du 15 octobre 2000 et de la faute de la victime ;

- l'urbanisation croissante de la commune n'est pas le fait générateur du dommage ;

- la société requérante ne caractérise pas les faits dommageables qu'elle impute à la commune ;

Vu, enregistré le 26 janvier 2011, le mémoire présenté pour la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA, par Me Deur, qui persiste dans ses précédentes écritures et soutient en outre que :

- elle produit le jugement attaqué de nature à régulariser la requête et la copie de la lettre de notification du jugement n'est pas exigée par le code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 21 février 2012, le mémoire complémentaire présenté pour le département du Var, représenté par son président en exercice, par la SELARL Philip et associés, qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu, enregistré le 9 mai 2012, le mémoire présenté pour la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA, par Me Deur, qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins tout en portant sa demande indemnitaire à la somme de 78 997,22 euros portant intérêts et, en outre, à la condamnation solidaire de la commune et du département du Var à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 31 mai 2012, le mémoire complémentaire présenté pour le département du Var, représenté par son président en exercice, par la SELARL Philip et associés, qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu, enregistré le 7 juin 2012, le mémoire présenté pour la commune de Montauroux, représentée par son maire en exercice, par la SELAS d'avocats LLC et associés, qui persiste dans ses précédentes écritures tout en portant sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 4 000 euros ;

Vu, enregistré le 7 juin 2012, le mémoire présenté pour la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA, par Me Deur, qui persiste dans ses précédentes écritures et soutient en outre que :

- à défaut pour le département de produire la délibération du conseil général autorisant le président du conseil général à le représenter, le mémoire en défense du département est irrecevable ;

Vu, enregistré le 8 juin 2012, le mémoire en communication de pièces présenté pour le département du Var, représenté par son président en exercice, par la SELARL Philip et associés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2012 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Paloux substituant Me Deur pour le Cabinet Escoffier et de Me Marchesini du Cabinet LLC Avocat ;

Vu, enregistré le 12 juin 2012, la note en délibéré produite pour la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA par Me Deur ;

Considérant que la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA est locataire d'un terrain sur le territoire de la commune de Montauroux sur lequel elle a fait construire un entrepôt destiné à abriter ses activités commerciales ; que, eu égard aux inondations en provenance de ce terrain qui ont affecté, en octobre et novembre 2000, la propriété mitoyenne des époux Tourba, ces derniers ont obtenu, par jugement du 13 février 2007 du tribunal de grande instance de Grasse, la condamnation de la société requérante et des deux sociétés bailleresses à, d'une part, leur verser la somme de 16 268,94 euros au titre de la réparation de leur préjudice et, d'autre part, à réaliser des travaux de nature à éviter le retour des inondations ; que la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA a demandé au tribunal administratif de Nice la condamnation solidaire de la commune de Montauroux et du département du Var à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de son propre préjudice résultant de l'inondation de son entrepôt et terrain et de son accès, ainsi que la somme de 16 268,94 euros qu'elle a été condamnée à verser aux époux Tourba en application du jugement civil ; que, par le jugement attaqué du 26 janvier 2010, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que la société requérante demande devant la cour, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation solidaire de la commune de Montauroux et du département du Var à lui verser la somme de 51 658,20 euros correspondant notamment au coût des travaux, préconisés, dans son rapport du 19 février 2003, par l'expert désigné, à la demande des époux Tourba, par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, travaux qu'elle a dû réaliser pour éviter le retour des inondations sur la propriété des époux Tourba et de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel d'Aix en Provence saisie par les époux Tourba qui s'estiment insuffisamment indemnisés par l'allocation de la somme de 16 268,94 euros ; que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence, qui n'est pas frappé de cassation, est intervenu le 30 juin 2011 ; que la société, qui affirme ne pas " parvenir à récupérer les justificatifs " du préjudice qu'elle a elle-même subi en raison des inondations sur son terrain et fait valoir qu'elle est dès lors contrainte d'abandonner ce chef de préjudice, doit être regardée comme limitant ses conclusions d'appel à l'indemnisation des travaux qu'elle a dû engager pour éviter le retour des inondations sur la propriété des époux Tourba en provenance de sa propriété et l'indemnité réparatrice qu'elle a dû verser aux époux Tourba ;

Sur les fins de non recevoir opposées par la commune et le département :

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que la société a produit à l'instance la copie du jugement attaqué ;

Considérant en deuxième lieu que si, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, c'est à la condition que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement ;

Considérant qu'en l'espèce, la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA fonde son appel, comme en première instance, sur la responsabilité sans faute de la commune de Montauroux et du département du Var pour dommage de travaux publics à l'égard d'un tiers ; que ses conclusions d'appel, tendant à la fois au remboursement des frais des travaux qu'elle a dû réaliser et de l'indemnité réparatrice qu'elle a dû verser aux époux Tourba, condamnations qui ont été toutes deux prononcées par le jugement du tribunal de grande instance de Grasse précité, se rattachent au même fait générateur ; que la société est recevable à augmenter en appel le montant de ses prétentions par rapport au montant de l'indemnité de 46 268,94 euros, augmentée éventuellement par la cour d'appel et demandée devant les premiers juges avant l'arrêt susmentionné de la cour d'appel d'Aix en Provence, lequel a effectivement augmenté la somme due par la société aux époux Tourba ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA est recevable ;

Sur la responsabilité :

Considérant que la responsabilité du maître d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage public ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ; que la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du 19 février 2003 de l'expert désigné, à la demande des époux Tourba, par le juge des référés du tribunal administratif de Nice que le terrain des époux Tourba et le rez-de-chaussée de leur villa ont fait l'objet d'inondation à chaque forte pluie et notamment celles du 15 octobre 2000 et de novembre 2002 qui ont causé de nombreux dommages à leur propriété, située en léger aval d'un bassin versant situé sur le territoire de la commune de Montauroux, séparée de ce bassin par la route départementale 562 et desservie par un chemin privatif qui dessert aussi le terrain de la société CIFFREO ET BONA ;

En ce qui concerne la responsabilité du département du Var :

Considérant que l'expert mentionne dans son rapport que la route départementale 562, qui se situe entre le bassin versant et le chemin privatif, surplombe le talweg et forme ainsi un barrage aux eaux pluviales qui en proviennent, que ce n'est qu'en cas de très fortes pluies que les eaux franchissent la route et s'écoulent sur le chemin privatif retrouvant ainsi leur cheminement naturel et que " sans cette route départementale 562, ces eaux de pluie continueraient à se déverser vers les terrains aval dont la propriété Tourba " ; que, dans ces conditions, la responsabilité du département du Var n'est pas susceptible d'être engagée ;

En ce qui concerne la commune de Montauroux :

Considérant que l'expert impute principalement la responsabilité du sinistre à la commune de Montauroux qui a autorisé les constructions situées en amont de la propriété Tourba sans en prévoir les conséquences au niveau du bon écoulement des eaux pluviales et qui a mal entretenu ses ouvrages d'évacuation des eaux pluviales, et notamment le caniveau de la Ciagnone, très encombré de terre et de cailloux, dans lequel débouche les eaux pluviales du caniveau de la route départementale 562 et celles de l'aire de construction de la société requérante ; que le préjudice subi par les époux Tourba est anormal et spécial ; qu'ainsi, la responsabilité de la commune, qui ne soutient pas qu'elle a délégué la conception, la réalisation ou la gestion de son réseau pluvial, et qui est responsable du bon fonctionnement de l'ensemble du réseau communal d'évacuation des eaux, est, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, engagée dans la survenance des inondations de la propriété des époux Tourba ;

Considérant que, pour s'exonérer de sa responsabilité, la commune fait valoir d'abord que les pluies qui se sont abattues le 15 octobre 2000 présentaient une intensité exceptionnelle ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces pluies auraient présenté, eu égard à la pluie de référence pour le dimensionnement des réseaux d'assainissement des eaux pluviales, le caractère de violence imprévisible constituant un cas de force majeure, de nature à exonérer la commune des responsabilités qu'elle est susceptible d'encourir ; que la commune fait ensuite valoir que l'expert retient une part importante de responsabilité à la société CIFFREO ET BONA, qui a construit, sans le préciser clairement dans sa demande de permis de construire un entrepôt lequel a été autorisé par un permis délivré le 12 août 1994, également une aire de stockage des matériaux de construction extérieure, rehaussée par rapport au sol naturel et asphaltée, qui canalise les eaux pluviales le long et en contre haut du chemin d'accès à la villa Tourba, sur une partie de son terrain jusqu'alors planté de vignes, qui permettait jadis l'évacuation des eaux pluviales dans la campagne ; que, par ailleurs, si la société a, pour absorber l'eau de pluie se déversant sur ce chemin privatif, créé des avaloirs en bout de ce chemin et sur le terrain Tourba, ces ouvrages sont insuffisamment dimensionnés en cas de fortes pluies dans la zone ; qu'ainsi, la faute de la victime est de nature à exonérer la responsabilité de la commune à hauteur de 80 % dans la survenance des inondations de la propriété Tourba ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne la somme de 51 658,20 euros correspondant au coût des travaux, préconisés par l'expert :

Considérant que, par jugement du 13 février 2007 du tribunal de grande instance de Grasse, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 30 juin 2011, la société requérante a été condamnée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, à exécuter les travaux préconisés par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nice pour éviter la survenance d'un nouveau sinistre dans la propriété Tourba, et notamment d'agrandir l'avaloir situé en bout du chemin privatif pour un coût chiffré à 4 784 euros TTC et à moyen terme, la réouverture ou le busage de l'aire de stockage pour donner un passage équivalent à celui du chemin d'accès de la masse d'eau qui traversait précédemment cet espace pour un coût estimé de 41 860 euros TTC ; qu'en revanche, la facture, pour un montant de 1 086,20 euro, de matériaux provenant de l'entreprise société CIFFREO ET BONA ne peut donner lieu à remboursement ; qu'il résulte des factures produites par la requérante que les travaux ont été réalisés en 2007 ; que le coût total de ces travaux est ainsi établi à la somme de 46 644 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité, la somme de 9328,80 euros doit être mise à la charge de la commune pour ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne la somme que l'entreprise a dû verser à titre de réparation aux époux Touba :

Considérant qu'en ce qui concerne les seuls préjudices subis par les époux Tourba du fait des inondations, le jugement susmentionné du tribunal de grande instance de Grasse a été confirmé par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence, qui a seulement augmenté la somme due par la requérante au titre des dommages intérêts à verser pour la perte momentanée de jouissance du rez de chaussée et de leur jardin à la suite des inondations ; que, contrairement à ce que soutient la commune, il y a un lien de causalité direct et certain entre la condamnation de la société par le juge judiciaire dans le cadre d'un litige l'opposant aux époux Tourba et la responsabilité de la commune, dès lors que la survenance des dommages sur la propriété des époux Tourba et l'obligation pour la société de les réparer est pour partie imputable au défaut d'entretien par la commune de ses ouvrages d'évacuation des eaux pluviales ; que les frais, qui correspondent, pour une somme de 16 268,94 euros à la perte du mobilier présent dans leur villa lors des inondations d'octobre 2000 et novembre 2002, la somme de 443,43 euros augmentée des intérêts au taux légal, de frais d'établissement des procès verbal d'huissier pour faire constater les dégâts dus aux inondations, celle de 1 876,15 euros d'intérêts sur ces deux sommes, celle de 6 000 euros de préjudice de jouissance du rez de chaussée et du jardin aggravé par le caractère répétitif des inondations ayant nécessité l'intervention des pompiers jour et nuit et celle de 2 750,80 euros des frais de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, dont l'expertise a été utile à la solution du litige, pour un montant total de 27 339,32 euros, présentent un lien de causalité direct et certain avec les inondations litigieuses ; qu'en revanche, les frais de procès de 1 000 euros en première instance et de 4 500 euros en appel que la société a dû verser aux époux Tourba dans le cadre de la procédure devant le juge judiciaire, la somme de 10 000 euros pour troubles anormaux de voisinage (bruits, poussières...) résultant de l'activité de l'entreprise, les frais d'expertise acoustique de M. Feijoo pour évaluer ces troubles, d'un montant de 3 706,60 euros, les frais d'expertise d'un montant de 1 872,93 euros de M. Mutter-Fucetti ne présentent pas un lien de causalité direct et certain avec le préjudice subi par les époux Tourba du fait de l'inondation litigieuse ; qu'eu égard au partage de responsabilité, la commune doit être condamnée à verser à l'entreprise la somme de 5 467,86 euros pour ce chef de préjudice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA, qui est fondée à demander que la commune soit condamnée à lui verser la somme totale de 14 796,66 euros au titre du préjudice subi par les époux Tourba qu'elle a dû réparer, l'est également à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONAX, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit au titre des frais exposés non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montauroux X la somme de 1 000 euros à verser à la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONAX au titre des dispositions de cet article ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 16 janvier 2010 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La commune de Montauroux versera la somme de 14 796,66 euros à la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA au titre des sommes que la société a été condamnée à verser aux époux Tourba par le juge judiciaire.

Article 3 : La commune de Montauroux versera la somme de 1 000 (mille) euros à la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département du Var et la commune de Montauroux au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société ETABLISSEMENTS CIFFREO ET BONA, X à la commune de Montauroux et au département du Var.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2012, où siégeaient :

- M. Benoit, président de chambre,

- M. Lagarde, président-assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère,

Lu en audience publique, le 28 juin 2012.

La rapporteure,

M.C. CARASSIC

Le président,

L. BENOIT

La greffière,

D. GIORDANO

La République mande et ordonne au Préfet des Alpes Maritimes en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N°10MA011482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01148
Date de la décision : 28/06/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP ESCOFFIER-WENZINGER-DEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-06-28;10ma01148 ?
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