Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2010, présentée par Me Rivoir pour M. Philippe B, élisant domicile ..., M. Patrick B, élisant domicile ..., M. et Mme René A, élisant domicile ... ; M. Philippe B et autres demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande dirigée contre la décision tacite du 28 août 2008 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de procéder à la modification du plan de prévention des risques de la commune de Menton ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens incluant les frais afférents au rapport d'expertise judiciaire de M. Rousseau ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2012 :
- le rapport de M. Massin, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;
Considérant que par un jugement du 22 avril 2010, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. Philippe B et autres dirigée contre la décision implicite du 28 août 2008 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de procéder à la modification du plan de prévention des risques de la commune de Menton ; que M. Philippe B et autres interjettent appel de ce jugement ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
Considérant que par un arrêté du 31 juillet 1987, le préfet des Alpes-Maritimes a prescrit l'élaboration d'un plan d'exposition aux risques naturels concernant la commune de Menton qui porte sur la partie du territoire de la commune située au sud de l'autoroute A8 et dont le relief orienté nord-sud a connu des mouvements de terrains qui ont provoqué une catastrophe meurtrière, dans le vallon du Careï le 24 avril 1952 ; que le plan de prévention des risques naturels prévisibles de mouvements de terrain et de séisme de la commune de Menton a été approuvé le 14 février 2001 ; qu'aux termes du règlement du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Menton, la zone rouge est une zone d'aléa de grande ampleur dans laquelle l'importance des phénomènes de mouvement naturel de terrain ne permet pas de réaliser des parades sur les unités foncières intéressées et la zone bleue une zone dans laquelle des confortations peuvent être réalisées sur les unités foncières intéressées pour supprimer ou réduire fortement l'aléa ;
Considérant que les consorts B, d'une part, et M. et Mme René A, d'autre part, sont propriétaires de parcelles voisines classées pour partie en zone rouge par le plan de prévention des risques naturels de mouvements de terrain de Menton ; qu'en réponse à une demande de modification du zonage de ce plan déposée par M. Philippe B et autres, le directeur départemental de l'équipement des Alpes-Maritimes, par une lettre du 29 novembre 2006, en a subordonné la modification à la réalisation d'une étude détaillée démontrant que le secteur concerné n'était pas exposé à un aléa de glissements de terrain et de coulées de grande ampleur et de niveau très élevé, en particulier à l'aléa de glissements profonds ; que par une ordonnance du 5 juin 2007 le président du tribunal administratif de Nice a désigné, à la demande de M. Philippe B et autres, et au contradictoire de l'Etat, M. Bruno Rousseau, expert géologue près la cour administrative d'appel de Marseille, afin " 1°) de prendre connaissance des pièces du dossier ; 2°) de se rendre sur les lieux à Menton 2201 route des Ciappes de Castellar et route du Mont Gros ; 3°) d'établir une étude détaillée, relative aux parcelles cadastrées section AL n° 285, 286, 180 et 184 et section AK n° 69 et 70 appartenant aux consorts B et à la parcelle cadastrée section AL n° 278 appartenant à M. et Mme René A, afin de déterminer si le secteur concerné est ou n'est pas exposé à un aléa de glissements de terrain et de coulées de grande ampleur et de niveau très élevé, en particulier à l'aléa de glissements profonds ; 4°) de faire procéder, s'il l'estime nécessaire pour répondre à sa mission, à un ou plusieurs forages sur la propriété des consorts B ou de M. et Mme A; 5°) d'annexer au rapport les photographies de ses constatations et tout schéma utile " ; que M. Bruno Rousseau qui a déposé son rapport d'expertise le 2 avril 2008 au greffe du tribunal de Nice, identifie, dans le périmètre étudié, trois zones distinctes : une zone 1, qui regroupe au centre du périmètre, la partie Est et Sud-Ouest de la parcelle AL286, la partie Sud-Ouest de la parcelle AL 285, la parcelle AK 69 et la partie Nord de la parcelle AK70, où l'intensité du risque de mouvement de terrain est élevée, une zone 2, qui concerne les parcelles AL180, AL 285, AL278 et la partie Sud de la parcelle AL286, où l'intensité du risque est moyenne et une zone 3, qui s'étend sur le Sud de la parcelle AK 70 et sur la parcelle AL184, où l'intensité de l'aléa est incertaine ou mal connue ; que l'expert conclut de son étude que l'aléa peut être qualifié de grande ampleur dans la zone 1 et de limité dans les zones 2 et 3 ; que se fondant sur les résultats de cette expertise, M. Philippe B et autres ont demandé au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à la modification du plan de prévention des risques de la commune de Menton ; que par une décision implicite du 28 août 2008, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté cette demande ; que, dans le cadre de la procédure contentieuse, le préfet des Alpes-Maritimes, puis le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement fondent ce refus sur le caractère insuffisant de l'expertise en raison de l'absence de sondages ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.562-1 du code de l'environnement dans sa version alors en vigueur : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1º De délimiter les zones exposées aux risques, dites " zones de danger ", en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2º De délimiter les zones, dites " zones de précaution ", qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1º ; / 3º De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1º et au 2º, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4º De définir, dans les zones mentionnées au 1º et au 2º, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) " ;
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que l'élaboration du plan de prévention des risques naturels de mouvements de terrain de Menton et notamment la détermination des zones exposées aux risques n'a pas donné lieu à des sondages ; que ces zones ont été déterminées à partir de l'examen de photographies aériennes, réalisées par l'institut géographique national en 1969, au moyen d'un stéréoscope afin de voir le relief des zones concernées ; que l'expert, pour sa part, a rassemblé la totalité des photos aériennes du secteur prises par l'institut géographique national lors de ses différentes missions et a constaté que celles de 1961 et de 1964 étaient plus lisibles que celles de 1969 ; que l'expert a procédé à l'examen stéréoscopique de l'ensemble de ces photos et a étudié la topographie du site, sa géologie, sa géotechnique, les aménagements existants sur le terrain et les événements climatiques survenus à Menton ;
Considérant que s'agissant du risque de glissement profond, l'expert a retenu quatre facteurs déterminants : la présence de flysch en alternances marno gréseuses, une pente supérieure à 30 degrés, l'indice de glissement et un approvisionnement en eau ; que la somme des facteurs déterminants en présence lui a permis de quantifier l'intensité de l'aléa pour les trois zones étudiées : une intensité de l'aléa élevée pour la zone 1 sur laquelle se rencontrent les quatre facteurs déterminants, une intensité de l'aléa moyenne pour la zone 2 sur laquelle se rencontrent seulement deux facteurs déterminants et une intensité de l'aléa mal connue ou incertaine pour la zone 3 sur laquelle ne se rencontre aucun des facteurs déterminants ;
Considérant que s'agissant du risque de coulées de boues, l'expert a retenu trois facteurs déterminants : le sol de couverture, l'indice de coulées, la concentration d'eau ; que la somme des facteurs déterminants en présence lui a permis de quantifier l'intensité de l'aléa pour les trois zones étudiées : une intensité de l'aléa importante pour la zone 1 sur laquelle se rencontrent les trois facteurs déterminants, une intensité de l'aléa moyenne pour la zone 2 sur laquelle se rencontrent seulement deux facteurs déterminants et une intensité de l'aléa mal connue ou incertaine pour la zone 3 sur laquelle ne se rencontre aucun des facteurs déterminants ;
Considérant que compte tenu de la méthodologie suivie par l'expert, qui a mis en oeuvre des moyens plus approfondis que ceux utilisés par les services de l'Etat lors de l'élaboration du plan de prévention des risques, le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait, au vu des conclusions de l'expert, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de procéder à l'étude d'une modification du plan de prévention des risques naturels de mouvements de terrain de Menton pour les parcelles appartenant aux consorts B et à M. et Mme René A ; que par suite, M. Philippe B et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les conclusions de M. Philippe B et autres relatives aux frais d'expertise qui sont présentées pour la première fois en appel sont irrecevables et doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 22 avril 2010 est annulé.
Article 2 : La décision implicite du 28 août 2008 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de procéder à la modification du plan de prévention des risques de la commune de Menton demandée par M. Philippe B et autres est annulée.
Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe B, à M. Patrick B, à M. et Mme René A et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
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N° 10MA021532
SC