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11/06/2012 | FRANCE | N°09MA03560

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 juin 2012, 09MA03560


Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2009, présentée pour la SCI NUCCIA dont le siège est quartier Saint Jean à Murato (20239), par la SCP Tomasi Santini Vaccarezza Bronzini-de-Caraffa ; la SCI NUCCIA demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800310-0900143 en date du 9 juillet 2009 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de condamner solidairement la commune de Murato et le département de la Haute-Corse à lui verser la somme de 102 378,61 euros assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 29 novembre 2007 ;

3°) de mettre

à la charge de la commune de Murato et du département de la Haute-Corse, outre les...

Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2009, présentée pour la SCI NUCCIA dont le siège est quartier Saint Jean à Murato (20239), par la SCP Tomasi Santini Vaccarezza Bronzini-de-Caraffa ; la SCI NUCCIA demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800310-0900143 en date du 9 juillet 2009 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de condamner solidairement la commune de Murato et le département de la Haute-Corse à lui verser la somme de 102 378,61 euros assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 29 novembre 2007 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Murato et du département de la Haute-Corse, outre les dépens, la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;

.............................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012,

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Bronzini de Caraffa pour la SCI NUCCIA et de Me Maurin du Cabinet Abeille pour le Département de la Haute-Corse ;

Considérant qu'à la suite des intempéries des 25 et 26 octobre 2007, les parcelles cadastrées section A 1139, 1811 et 1131 dont est propriétaire la SCI NUCCIA sur la commune de Murato ont été inondées ; que, par jugement du 9 juillet 2009, le tribunal administratif de Bastia a condamné le département de la Haute-Corse et la commune de Murato à verser à la SCI NUCCIA la somme de 14 950 euros en réparation des préjudices subis consécutivement à ces intempéries avec intérêts de droit à compter du 20 février 2008 ; que la SCI NUCCIA, qui relève appel de ce jugement, en demande la réformation et sollicite la condamnation solidaire de la commune de Murato et du département de la Haute-Corse à lui payer la somme de 102 378,61 euros ; que, par les moyens qu'elle invoque, la SCI NUCCIA doit être regardée comme demandant à la cour l'annulation du jugement en tant que le tribunal a limité l'indemnité réparatrice de ses préjudices à la somme de 14 950 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Murato demande à la cour de fixer au 11 février 2009, date de la présentation de la requête introductive d'instance de la SCI NUCCIA, le point de départ du calcul des intérêts dus à cette dernière sur la somme de 14 050 euros ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le département de la Haute-Corse :

Considérant qu'il résulte du dossier de première instance et notamment de l'avis de réception du pli recommandé contenant le jugement dont relève appel la SCI NUCCIA, que ce dernier lui a été notifié le 24 juillet 2009 ; que, par suite, la requête de la SCI NUCCIA présentée par télécopie le 24 septembre 2009 et régularisée le 28 septembre suivant a été enregistrée dans le délai d'appel ; que la fin de non-recevoir opposée par le département de la Haute-Corse ne saurait, dès lors, être accueillie ;

Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif de Bastia rédigé par un expert qui s'est adjoint un sapiteur, spécialisé en bâtiment et travaux publics, que l'effondrement partiel des murs de soutènement des deux premières terrasses des parcelles appartenant à la SCI NUCCIA est la conséquence de l'écoulement des eaux de ruissellement par débordement du regard situé au pied du mur de soutènement du chemin départemental n° 5 et que ces eaux de ruissellement proviennent simultanément dudit chemin départemental et de l'aqueduc traversant cette voie et la propriété de l'appelante en souterrain ; que ces débordements d'eaux trouvent leur cause dans la conception du regard du fait de la pose d'une grille sur cet ouvrage lors de la réalisation des travaux de réfection de la voirie par les services départementaux de la Haute-Corse, dans la présence de divers matériaux hétéroclites dont une plaque métallique et de végétaux en quantité importante gênant de manière quasi totale l'écoulement normal des eaux de l'aqueduc souterrain et dans un défaut d'évacuation de l'aqueduc souterrain ; que le regard, faisant partie de la voirie départementale, est un ouvrage public départemental et l'aqueduc souterrain, faisant partie du domaine communal, est un ouvrage public communal ; que, par suite, la société requérante, tiers par rapport aux ouvrages en cause, est fondée, ainsi que l'a jugé le tribunal, à solliciter du département de la Haute-Corse et de la commune de Murato la réparation des dommages survenus aux murs des deux premières planches de sa propriété imputable à ces deux ouvrages publics ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du même rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif, que les désordres occasionnés au mur de soutènement ouest de la troisième terrasse ont pour cause l'action des eaux de débordement d'un canal en aérien non entretenu et de capacité hydraulique insuffisante de cet ouvrage dans lequel se déversent les eaux de l'aqueduc souterrain qui en est le prolongement et dont l'objet est d'assurer l'évacuation desdites eaux ; que, dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la SCI NUCCIA est fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Murato en vue d'obtenir la réparation des dommages survenus au mur ouest de la troisième planche de sa propriété consécutif au débordement de ce canal à ciel ouvert destiné à assurer l'évacuation des eaux en sortie du canal souterrain traversant la propriété de la requérante ;

Considérant, par ailleurs, que les désordres occasionnés au mur nord-ouest de la troisième terrasse ont pour origine la vétusté du mur en pierre sèche ainsi qu'une circulation d'eau abondante sans rapport direct avec les débordements susmentionnés de l'aqueduc ou du regard ; qu'en outre, l'expert a relevé que ces éléments causals étaient confirmés par la structure en bon état du mur intermédiaire non affecté par ces débordements ; que si l'appelante conteste l'état de vétusté des murs de sa propriété admis par l'expert, elle ne justifie cependant pas du bon entretien de ceux-ci en se bornant à faire état d'un courrier de la mairie du 21 février 2008 qui ne les évoque aucunement ; que, par suite, et en l'absence de lien direct de causalité entre les dommages affectant le mur nord-ouest de la troisième terrasse de la propriété de la requérante et l'aqueduc souterrain, le canal à l'air libre prolongeant le canal souterrain ou le regard, ni la responsabilité de la commune de Murato, ni celle du département de la Haute-Corse ne peuvent être recherchées pour ces préjudices ;

Considérant, enfin, qu'il résulte des conclusions tant de l'expert que du sapiteur que l'obstruction des canaux réalisée sur la propriété de la SCI NUCCIA, " pour permettre l'alimentation d'un canal d'arrosage passant en pied de la partie écroulée du mur ", constitue l'une des causes de la remontée des eaux dans le regard incriminé ; que si la SCI fait valoir qu'elle est la propriétaire des biens seulement depuis 2002 et 2003 alors que l'obstruction date d'une trentaine d'années, et qu'ainsi, aucune faute ne saurait lui être reprochée, cette circonstance est sans incidence sur la cause des dommages ; qu'en outre, et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la requérante ne démontre pas, par les éléments versés au dossier, l'absence de caractère vétuste ou de mauvais état d'entretien des murs de sa propriété relevé par les experts ; qu'il s'ensuit, et ainsi que l'a jugé le tribunal, ces éléments sont de nature à limiter à un tiers la part de responsabilité incombant aux deux collectivités concernées dans les désordres affectant les murs de soutènement des deux premières terrasses ; que, par ailleurs, et dès lors que la SCI ne démontre pas ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, l'absence de caractère vétuste ou de mauvais état d'entretien des murs de sa propriété relevé par les experts, il y a lieu, eu égard à l'importance de la vétusté du mur constatée par l'expert, ce dernier ayant retenu un taux de vétusté de 70 %, de limiter à un tiers la part de responsabilité incombant à la commune de Murato dans les désordres affectant le mur de soutènement ouest de la troisième terrasse ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que l'expert judiciaire a respectivement estimé le coût de réfection des murs des deux premières terrasses et du mur ouest de la troisième terrasse à 5 850 euros, à 39 000 euros et à 32 500 euros, en fonction du nombre de mètres linéaires endommagés de chaque ouvrage, en se référant aux indices des prix du bâtiment en cours et en consultant les entreprises locales ; que, compte-tenu de la part de responsabilité des collectivités concernées telle que ci-dessus déterminée, sans retenir le taux de vétusté opéré par l'expert pour chiffrer le coût de réfection des murs qui comprend frais de terrassement, évacuation des terres, réhabilitation ou construction d'un mur avec semelle ou fondation en béton ainsi que remblais drainant, le montant du préjudice matériel représenté par l'effondrement sur une longueur de trois mètres du mur de soutènement de la première planche est de 1 950 euros, le montant du préjudice matériel représenté par l'effondrement sur une longueur de vingt mètres du mur de soutènement de la deuxième planche est de 13 000 euros et celui représenté par l'effondrement sur une longueur de vingt mètres du mur ouest de la troisième planche est de 10 833 euros ; que, par suite, le préjudice total réparable lié à l'effondrement partiel des murs de soutènement des terrasses n° 1 et n°2 et du mur ouest de la terrasse n° 3 de la propriété de la SCI NUCCIA doit être fixé à la somme totale de 25 783 euros ;

Considérant qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, la somme de 14 950 euros correspondant aux travaux de réfection des dommages causés aux murs de soutènement des deux premières terrasses de la propriété de la SCI NUCCIA doit être mise à la charge solidaire du département de la Haute-Corse et de la commune de Murato ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la seule commune de Murato la somme de 10 833 euros correspondant au coût de réfection du mur de soutènement ouest de la troisième terrasse ;

Considérant que l'appelante a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes de 14 950 euros et 10 833 euros à compter de la date du 11 février 2009, date de l'enregistrement de sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif et non à compter de la demande préalable indemnitaire dès lors que celle-ci a été présentée par le conseil de Mme Juillard en son nom propre et non en sa qualité de gérante de la SCI NUCCIA ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI NUCCIA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 14 950 euros sa demande tendant à être indemnisée des préjudices affectant sa propriété à la suite des intempéries des 25 et 26 octobre 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; que la présente instance d'appel n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par la SCI NUCCIA sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la SCI NUCCIA, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, les sommes que le département de la Haute-Corse et la commune de Murato demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Murato la somme de 1 500 euros que demande la SCI NUCCIA au titre des frais d'instance ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 14 950 euros que la commune de Murato et le département de la Haute-Corse ont été condamnés à payer à la SCI NUCCIA est portée à 25 783 euros. A hauteur de la somme de 14 950 euros, elle sera supportée solidairement par la commune de Murato et le département de la Haute-Corse et, à hauteur de la somme de 10 833 euros, elle sera supportée uniquement par la commune de Murato.

Article 2 : La somme de 25 783 euros portera intérêt au taux légal à compter du 11 février 2009.

Article 3 : Le jugement susvisé est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Murato versera à la SCI NUCCIA la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI NUCCIA est rejeté ainsi que les conclusions présentées par la commune de Murato et celles du département de la Haute-Corse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI NUCCIA, à la commune de Murato et au département de la Haute-Corse.

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N° 09MA03560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA03560
Date de la décision : 11/06/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP TOMASI SANTINI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-06-11;09ma03560 ?
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