Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 juin 2010 sous le n° 10MA02246, présentée par Me Seatelli, avocat, pour M. Stéphane A, demeurant ... ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900379 du 22 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant :
- à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 6 août 2008 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales en tant qu'elle lui inflige la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de huit jours avec sursis, ayant pour effet de lui faire perdre le bénéfice du sursis accordé par arrêté du 12 novembre 2005, et de l'exclure ainsi de ses fonctions pour une durée de douze mois ;
- à ce qu'il soit enjoint audit ministre de l'intérieur de le réintégrer ;
- à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler ladite décision du 6 août 2008 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le réintégrer à la circonscription de la sécurité publique de Bastia dans un emploi identique à celui qu'il occupait avant l'exclusion temporaire de ses fonctions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat (ministère de l'intérieur) la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 modifiée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 modifiée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
Vu l'arrêté ministériel du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2012 :
- le rapport de M. Brossier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;
Considérant que M. A, gardien de la paix titulaire de la police nationale, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 6 août 2008 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales en tant qu'elle lui inflige la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de huit jours, avec sursis ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 29 de la loi n° 83-634 susvisée : "Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale." ; qu'aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-16 susvisée : "Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...)" ; qu'aux termes de l'article 35 de la même loi : "Des décrets en Conseil d'Etat fixent les modalités des différents régimes de congé et déterminent leurs effets sur la situation administrative des fonctionnaires. (...) Ils déterminent, en outre, les obligations auxquelles les fonctionnaires demandant le bénéfice ou bénéficiant des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 sont tenus de se soumettre en vue, d'une part, de l'octroi ou du maintien de ces congés et, d'autre part, du rétablissement de leur santé, sous peine de voir réduire ou supprimer le traitement qui leur avait été conservé." ; qu'aux termes de l'article 24 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 susvisé : "Sous réserve des dispositions de l'article 27 ci-dessous, en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie." ; et qu'aux termes de l'article 25 du même décret : "Pour obtenir un congé de maladie, ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire doit adresser à l'administration dont il relève, par l'intermédiaire de son chef de service, une demande appuyée d'un certificat d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme. L'administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'il n'a pas été invité par son administration à se soumettre à un contrôle pendant son congé de maladie, un agent bénéficiant d'un tel congé ne peut être regardé comme s'étant soustrait à ce contrôle et, dans ces conditions, sa seule absence de son domicile pendant son congé de maladie à des heures auxquelles la décision d'arrêt de travail ne l'autorisait pas, n'est pas, à elle seule, de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 113-52 de l'arrêté ministériel du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : "Les fonctionnaires actifs de la police nationale en congé de maladie qui, alors qu'ils font l'objet d'un contrôle administratif ou d'un contrôle médical, refusent de s'y soumettre ou sont absents de leur domicile en dehors des heure de sortie autorisées, s'exposent, dans un cas comme dans l'autre, à des sanctions disciplinaires" ; que la rédaction des termes de cet article doit être regardée comme n'autorisant la sanction d'un fonctionnaire actif de la police nationale en congé de maladie que dans l'hypothèse où ce dernier fait l'objet d'un contrôle administratif ou d'un contrôle médical et alors, soit refuse de s'y soumettre, soit est absent de son domicile ; qu'ainsi, cet article 113-52 de l'arrêté ministériel ne méconnaît pas les dispositions des articles précités desquelles il découle que la seule absence de l'agent de son domicile pendant son congé de maladie à des heures auxquelles la décision d'arrêt de travail ne l'autorisait pas, n'est pas, à elle seule, de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, en congé de maladie ordinaire du 2 novembre 2006 au 2 décembre 2006, a été absent de son domicile les 14 et 29 novembre 2006 en dehors des horaires autorisés par l'avis d'arrêt de travail du 2 novembre 2006 ; que par une première sanction, prise le 14 juin 2007 après avis contraire du conseil de discipline réuni le 14 mars 2007, le ministre de l'intérieur a révoqué l'intéressé au motif qu'il aurait profité de ces absences pour travailler et aurait ainsi cumulé son activité avec un emploi salarié dans un établissement de la région bastiaise ; que par jugement du 5 juin 2008, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette révocation au motif que le cumul d'activité reproché n'était pas établi ; qu'à la suite de ce premier jugement, sans réunir à nouveau le conseil de discipline, le ministre de l'intérieur a pris le 6 août 2008 la décision attaquée dans le présent litige au motif que les sorties des fonctionnaires de police en congé de maladie ne sont autorisées qu'aux heures indiquées par le certificat médical et qu'il a été constaté par deux fois que l'intéressé était sorti de son domicile en dehors des horaires de travail ; que toutefois, si l'administration a pu constater à deux reprises l'absence de son domicile de M. A à des heures auxquelles l'arrêt de travail ne l'autorisait pas à sortir, aucune pièce versée au dossier n'établit qu'elle l'a invité à se soumettre au contrôle prévu par les dispositions précitées ; qu'ainsi, l'intéressé ne peut être regardé comme s'étant soustrait à un tel contrôle ; que l'absence de M. A de son domicile n'étant pas à elle seule de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire, la décision d'exclusion temporaire des fonctions de huit jours avec sursis prise à son encontre est illégale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander à la Cour d'annuler le jugement attaqué et, par l'effet dévolutif de l'appel, d'annuler la décision attaquée pour l'erreur de droit susmentionnée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés à son encontre ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 susvisée : "Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Deuxième groupe : (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. (...) L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. (...)" ;
Considérant, d'autre part, que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution." ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du code de justice administrative : "Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A avait été sanctionné d'une exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de 24 mois par décision du ministre de l'intérieur du 12 septembre 2005, avec sursis de 12 mois, décision confirmée le 23 mars 2007 après avis de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ; que cette exclusion réelle des fonctions de 12 mois a été exécutée et que l'intéressé a été réintégré le 2 octobre 2006 ; que la présente décision attaquée d'exclusion temporaire des fonctions de 8 jours avec sursis, sanction du second groupe intervenue moins de 5 années après le prononcé de la précédente sanction susmentionnée, a fait perdre à l'intéressé le bénéfice du précédent sursis de 12 mois et a eu pour effet de l'exclure réellement de ses fonctions pour une nouvelle durée de 12 mois ; que l'annulation de la décision attaquée implique nécessairement, en application de l'article L. 911-1 précité, l'annulation de la révocation dudit sursis de 12 mois et implique donc nécessairement de réintégrer juridiquement l'intéressé sur cette seconde période de 12 mois d'exclusion temporaire de ses fonctions ; qu'il y a lieu dans ces conditions d'enjoindre, sans astreinte financière, au ministre intimé de réintégrer juridiquement l'intéressé sur cette période de 12 mois, avec reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la partie intimée la somme réclamée par l'appelant au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Bastia du 22 avril 2010 est annulé.
Article 2 : La décision attaquée susvisée du 6 août 2008 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint, sans astreinte, au ministre de l'intérieur de réintégrer juridiquement
M. A sur la période d'exclusion temporaire de ses fonctions de 12 mois susmentionnée, avec reconstitution sur cette période de la carrière et des droits sociaux de l'intéressé.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 10MA02246 de M. A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Stéphane A et au ministre de l'intérieur.
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