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29/05/2012 | FRANCE | N°10MA01436

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 mai 2012, 10MA01436


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA01436, le 12 avril 2010, présentée pour la SOCIETE CEGELEC SUD-EST, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis Route de Salon, BP n° 9, aux Pennes-Mirabeau cedex (13755), par Me Perrin, avocat ;

La SOCIETE CEGELEC SUD-EST demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702509 du 19 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. A, la décision en date du 15 février 2007 par laque

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA01436, le 12 avril 2010, présentée pour la SOCIETE CEGELEC SUD-EST, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis Route de Salon, BP n° 9, aux Pennes-Mirabeau cedex (13755), par Me Perrin, avocat ;

La SOCIETE CEGELEC SUD-EST demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702509 du 19 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. A, la décision en date du 15 février 2007 par laquelle l'inspecteur du travail de la 11ème section des Bouches-du-Rhône a autorisé le licenciement de l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2012 :

- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de Me Doux pour M. A ;

Considérant que M. A a été engagé, le 15 mai 2000, par la SOCIETE CEGELEC SUD-EST en qualité de " cadre fonction personnel et relations humaines " et assurait les fonctions d'officier de sécurité ; que, par un courrier du 28 décembre 2006, la SOCIETE CEGETEL SUD-EST a sollicité l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire ce salarié qui détenait, depuis 2002, un mandat de conseiller prud'homme ; que, par une décision en date du 15 février 2007, l'inspecteur du travail de la 11ème section des Bouches-du-Rhône a autorisé le licenciement de l'intéressé ; que la SOCIETE CEGETEL SUD-EST relève appel du jugement n° 0702509 du 19 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. A, ladite décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de M. A était motivée par le fait que ce salarié s'était rendu coupable, d'une part, le 1er décembre 2006, d'un acte d'insubordination, se manifestant par le refus de remettre au président-directeur général de la société un document confidentiel avant une réunion et par l'information donnée à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise qu'il avait été mis fin à ses fonctions d'officier de sécurité, d'autre part, d'avoir porté atteinte à l'image de l'entreprise par un comportement public incompatible avec ses fonctions en refusant, ce même jour, de communiquer ce même document en élevant la voix dans le hall d'entrée de l'entreprise devant le public présent et, enfin, d'avoir fait preuve d'une obstruction systématique se manifestant par des refus de fournir des documents sur lesquels l'intéressé se fondait pour estimer qu'il avait été mis fin à ses fonctions d'officier de sécurité et des refus d'accepter des messages électroniques ou des courriers de la direction de l'entreprise, notamment concernant une mise pied notifiée oralement à l'intéressé ; que, pour autoriser le licenciement de M. A, par la décision contestée du 15 février 2007, l'inspecteur du travail a, d'une part, estimait que les faits ainsi reprochés à l'intéressé étaient établis, à l'exception du grief tiré du refus de prendre en compte une mise pied notifiée oralement, et qu'ils constituaient un comportement fautif présentant un caractère de gravité suffisant pour justifier son licenciement et, d'autre part, qu'il n'existait pas de lien entre ce licenciement et le mandat détenu par ce dernier ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 514-2 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant les fonctions de conseiller prud'homme ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de six mois est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du présent code. (...). " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 412-18 dudit code, un tel licenciement ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu ; que, d'autre part, aux termes de l'article R. 436-4 du même code, alors en vigueur, désormais repris à l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. " ;

Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes et qu'il implique, en outre, que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations ; que toutefois, lorsque l'accès à ces témoignages et attestations serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ; que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail impose également à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen de la décision contestée ainsi que des observations en défense présentées devant le tribunal administratif par le directeur régional du travail que la matérialité des faits reprochés à l'intéressé a été considérée comme établie par l'administration par la prise en compte de plusieurs témoignages, dont en particulier ceux de Mme B et de Mme C, lesquels étaient annexés à la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, ainsi que d'une attestation, établie le 17 janvier 2007 par M. D et recueillie par l'inspecteur du travail lors de l'enquête contradictoire qu'il a menée ; que la société appelante ne conteste pas que M. A n'a pas reçu communication par l'administration de ces témoignages et le ministre du travail admet, dans son mémoire en défense produit en appel, que l'inspecteur du travail n'a pas remis une copie des témoignages et attestations communiqués par l'employeur ; qu'à cet égard, si le ministre fait valoir que l'inspecteur du travail n'était pas tenu de communiquer au salarié protégé l'ensemble des pièces produites par l'employeur, il ne justifie pas plus en appel qu'en première instance que M. A ait été mis à même de prendre connaissance des témoignages produits par l'employeur et de celui recueilli par l'inspecteur du travail lors de l'enquête contradictoire ; que la société appelante ne le démontre pas davantage ; que le ministre du travail ne démontre pas plus en appel qu'en première instance que, comme il le soutient, l'inspecteur du travail aurait donné lecture à M. A des attestations et témoignages en cause et de l'identité de leurs auteurs, en particulier concernant Mme C et M. D ; que si le ministre fait, en outre, valoir que des trois témoignages fournis, seul celui de Mme B était déterminant et que M. A connaissait le témoignage de Mme B dès lors que le salarié en aurait fait mention dans un document remis à l'inspecteur du travail, il ressort des pièces du dossier que M. A a uniquement évoqué dans ce document la qualité de témoin de Mme B ; qu'ainsi, cette seule mention ne permet pas de démontrer que M A aurait eu une connaissance complète de son témoignage ; qu'en tout état de cause, si l'attestation de Mme B a été effectivement déterminante pour établir la réalité du grief tiré du comportement de M. A en public, le 1er décembre 2006, il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail s'est fondé sur les deux autres témoignages pour considérer que les faits qui se sont déroulés le 4 décembre 2006 étaient établis ; que, comme il a été dit ci-dessus, il n'est pas justifié que le salarié protégé aurait été mis à même de prendre connaissance de ces deux témoignages ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société appelante et le ministre du travail soutiennent que M. A n'a pas exprimé le souhait de recevoir matériellement les témoignages produits par la direction de l'entreprise lors de l'enquête contradictoire ; que, toutefois, ni la société requérante ni le ministre ne démontrent que M. A avait été informé par l'administration, comme elle était tenue de le faire à peine d'irrégularité de la procédure, de la faculté pour ce salarié d'accéder aux pièces en cause qui fondaient la décision de l'administration ;

Considérant, en troisième lieu, que la société appelante et le ministre du travail soutiennent que tous les faits reprochés à M. A ont été débattus lors de l'enquête contradictoire de telle sorte que les droits de la défense ont été respectés ; que, toutefois le caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail impose à l'administration non seulement d'informer le salarié des agissements qui lui sont reprochés mais également que le salarié soit mis à même de prendre connaissance des témoignages de nature à établir ou non la matérialité de ces faits et que tel n'a pas été le cas en l'espèce ; que, par ailleurs, la circonstance, invoquée par la société appelante, que M. A aurait pu s'expliquer de façon contradictoire sur les griefs en cause lors de l'entretien préalable est sans effet sur le défaut du caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail ;

Considérant, enfin, pas plus en appel qu'en première instance, il n'est établi ni même allégué que l'accès à ces témoignages et attestations aurait été de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, ce qui aurait été de nature à permettre à l'inspecteur du travail de se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la décision contestée était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions précitées de l'article R. 436-4 du code du travail ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CEGELEC SUD-EST et le ministre du travail et de la santé ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 février 2010, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 15 février 2007 par laquelle l'inspecteur du travail de la 11ème section des Bouches-du-Rhône a autorisé le licenciement de M. A ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE CEGELEC SUD-EST est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CEGELEC SUD-EST, à M. Thierry Le Meau et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de la santé.

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N° 10MA01436 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01436
Date de la décision : 29/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Procédure préalable à l'autorisation administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET CHARLES-ANDRE PERRIN et STEPHANIE CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-29;10ma01436 ?
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