La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2012 | FRANCE | N°10MA04200

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 25 mai 2012, 10MA04200


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 2010 et 17 février 2011, présentés pour M. Fetra A, domicilié ..., par Me Boulay ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002042 du 21 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2010 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à compter de sa notifica

tion et fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 19 ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 2010 et 17 février 2011, présentés pour M. Fetra A, domicilié ..., par Me Boulay ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002042 du 21 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2010 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à compter de sa notification et fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 19 juillet 2010 ;

3°) d'enjoindre le préfet de Vaucluse à lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les plus brefs délais à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;

5 °) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

.................................................................................................

.......................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté interministériel du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la 3ème chambre de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2012 :

- le rapport de M. Lemaitre, président-assesseur ;

Considérant que M. A, ressortissant malgache, relève appel du jugement du 21 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2009 du préfet de Vaucluse rejetant sa demande de titre de séjour, qu'il avait présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 31 mars 2010 : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général.(...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ; qu'en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions, le médecin chargé d'émettre un avis doit préciser si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, la durée prévisible du traitement, et si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A souffre d'un kératocône cornéen bilatéral, pathologie dégénérative de la cornée qui engendre des troubles de la vision et qui est susceptible d'évoluer à plus ou moins brève échéance vers une perte totale d'acuité visuelle ; que pour rejeter sa demande de titre de séjour, le préfet de Vaucluse a pris en compte l'avis du 30 juin 2010 du médecin inspecteur de la santé, selon lequel l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont l'absence peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qui précise toutefois que l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine dès lors qu'au stade de la maladie, à la date de l'avis, " l'affection nécessite une surveillance spécialisée qui peut être réalisée dans son pays d'origine " bien qu'" à un stade plus avancé il sera sans doute nécessaire que la prise en charge soit réalisée en France " ; que le certificat du 5 novembre 2010 du service d'ophtalmologie de l'Hôtel-Dieu de Paris, et l'attestation d'un opticien d'Avignon du 6 août 2010, qui sont versés aux débats par le requérant, vont dans le même sens, en relevant qu'au stade de ce kératocône, l'adaptation de lentilles rigides est le traitement le plus adapté ; que le requérant se prévaut par ailleurs de deux attestations successives d'un professeur ophtalmologiste du centre hospitalo-universitaire d'Antananarivo à Madagascar datées du 4 et du 5 août 2010, selon lesquelles ni la greffe de cornée susceptible de s'avérer nécessaire à terme, ni même l'équipement correct en lentilles de contact rigides adaptées aux astigmatismes élevés qui sont engendrés par les kératocônes, ne sont disponibles à Madagascar ; que s'il est vrai que l'attestation du ministère de la santé publique malgache du 5 août 2010, qui est également versée aux débats, ne confirme pas l'indisponibilité des lentilles rigides requises pour traiter les astigmatismes générés par le kératocône, il en ressort que non seulement les traitements thérapeutiques, dont la greffe de cornée, ne sont pas encore réalisables à Madagascar, fait qui est confirmé par un certificat du chef de service d'ophtalmologie du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul du 9 février 2011, mais que le topographe cornéen y est indisponible alors que cet appareil conditionne la qualité du suivi, qui requiert une surveillance tous les trois mois, et dont dépend la préservation de l'acuité visuelle du requérant ; qu'il résulte ainsi des certificats et attestations dont se prévaut le requérant, que le préfet de Vaucluse ne critique pas, que M. A est fondé à soutenir que c'est en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que lui a été opposé le refus de séjour du 19 juillet 2009, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il serait renvoyé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2010 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à compter de sa notification et fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution" ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

Considérant que le motif d'annulation énoncé ci-dessus implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de Vaucluse de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve des changements intervenus dans les circonstances de droit ou de fait concernant l'intéressé depuis la date de l'arrêté annulé ; qu'il n'est pas nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1002042 du 21 octobre 2010 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du 19 juillet 2009 du préfet de Vaucluse sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de délivrer à M. Fetra A une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve des changements intervenus dans les circonstances de droit ou de fait concernant l'intéressé depuis la date de l'arrêté annulé.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. Fetra A.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Fetra A et au ministre de l'intérieur.

''

''

''

''


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA04200
Date de la décision : 25/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Dominique LEMAITRE
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : CABINET BOULAY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-25;10ma04200 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award