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22/05/2012 | FRANCE | N°10MA01906

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 22 mai 2012, 10MA01906


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 mai 2010, présentée pour Mlle Véronique A, demeurant ..., par Me Bazin, avocat, de la SELARL Molas et associés ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606354 du 11 juin 2009, par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 juillet 2006 par laquelle le maire de Cavalaire-sur-Mer a refusé de la titulariser dans le cadre d'emploi des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) et décidé sa réintégration

dans le cadre d'emploi des agents des services techniques, ainsi que le rejet ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 mai 2010, présentée pour Mlle Véronique A, demeurant ..., par Me Bazin, avocat, de la SELARL Molas et associés ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606354 du 11 juin 2009, par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 juillet 2006 par laquelle le maire de Cavalaire-sur-Mer a refusé de la titulariser dans le cadre d'emploi des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) et décidé sa réintégration dans le cadre d'emploi des agents des services techniques, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux présenté le 31 août 2006 ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre à la commune de Cavalaire-sur-Mer de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de la titulariser dans le grade d'ATSEM ;

4°) de condamner la commune de Cavalaire-sur-Mer à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale

Vu le décret n° 92-850 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ;

Vu le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2012 :

- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

- et les observations de Me Faure Bonaccorsi, du cabinet LLC et associés avocats, pour la commune de Cavalaire-sur-Mer,

Considérant que Mlle A a été recrutée en qualité d'agent d'entretien contractuel puis titularisée à compter du 1er mars 2001, en qualité d'agent d'entretien assurant les fonctions d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) ; qu'après avoir réussi le concours lui permettant d'envisager une titularisation dans ce cadre d'emploi, elle a été recrutée par la commune de Cavalaire-sur-Mer à compter du 2 juin 2004, nommée au grade d'ATSEM stagiaire par arrêté du 11 janvier 2005 et affectée dans une école maternelle relevant de cette commune ; qu'après avoir prorogé la durée de son stage de six mois, le maire de

Cavalaire-sur-Mer a refusé de prononcer sa titularisation dans le cadre d'emploi des ATSEM et l'a réintégrée dans son corps d'origine, par décision du 26 juillet 2006 ; que la requête, par laquelle Mlle A a demandé l'annulation de cette décision et du rejet implicite de son recours gracieux présenté le 31 août 2006, a été rejetée par le jugement n° 0606354 du magistrat délégué du tribunal administratif de Toulon, en date du 11 juin 2009 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, combinées avec celles du 2° de l'article R. 222-13 du même code, que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires et des agents publics autres que ceux qui concernent l'entrée au service, la discipline ou la sortie du service ; que Mlle A expose, sans être contredite sur ce point, s'être présentée au concours externe d'ATSEM, qu'elle a réussi avant d'être nommée en qualité d'ATSEM stagiaire dans la perspective d'une titularisation dans ce cadre d'emploi ; qu'ainsi, et alors même que l'intéressée avait déjà la qualité d'agent titulaire, relevant du cadre d'emploi des agents d'entretien, le litige qui l'opposait à la commune de Cavalaire-sur-Mer concernait l'entrée au service au sens du 2°) de l'article R. 222-13 du code de justice administrative ; qu'il relevait ainsi de la compétence exclusive du tribunal administratif statuant en formation collégiale ; que le jugement attaqué, rendu par le magistrat désigné aux fins d'exercer les fonctions de juge statuant seul est, par suite, irrégulier et doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mlle A devant le tribunal administratif de Toulon ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 4 novembre 1992 : "Est fonctionnaire territorial stagiaire la personne qui, nommée dans un emploi permanent de la hiérarchie administrative des communes, des départements, des régions ou des établissements publics en relevant, autres que ceux mentionnés au second alinéa de l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, accomplit les fonctions afférentes audit emploi et a vocation à être titularisée dans le grade correspondant à cet emploi" ; qu'aux termes de l'article 5 de ce même décret : "Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé. Lorsque le fonctionnaire territorial stagiaire a, par ailleurs, la qualité de titulaire dans un autre corps, cadre d'emplois ou emploi, il est mis fin à son détachement, et il est réintégré dans son corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine, dans les conditions prévues par le statut dont il relève. Il n'est pas versé d'indemnité de licenciement" ;

Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 28 août 1992 : "Les agents spécialisés des écoles maternelles sont chargés de l'assistance au personnel enseignant pour la réception, l'animation et l'hygiène des très jeunes enfants ainsi que de la préparation et la mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement à ces enfants. Les agents spécialisés des écoles maternelles participent à la communauté éducative. / Ils peuvent, également, être chargés de la surveillance des très jeunes enfants dans les cantines. Ils peuvent, en outre, être chargés, en journée, des mêmes missions dans les accueils de loisirs en dehors du domicile parental des très jeunes enfants. / Ils peuvent également assister les enseignants dans les classes ou établissements accueillant des enfants handicapés" ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance, au demeurant contredite par les pièces du dossier, que la décision en date du 26 juillet 2006 par laquelle le maire de Cavalaire-sur-Mer a refusé de titulariser Mlle A dans le cadre d'emploi des ATSEM et a prononcé sa réintégration dans le cadre d'emploi des agents des services techniques n'aurait pas été transmise au service préfectoral chargé du contrôle de légalité est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette décision ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient Mlle A, le maire de Cavalaire-sur-Mer a, préalablement à l'édiction de cette décision, saisi pour avis la commission administrative paritaire, laquelle s'est prononcée dans sa séance du 10 juillet 2006 en émettant un avis favorable sur le projet qui lui était soumis ; qu'aucune des dispositions du décret susvisé du 4 novembre 1992 ne prévoit que la commission auditionne l'agent dont le stage vient à son terme ; que les vices de procédure soulevés par l'appelante doivent, par suite, être écartés ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort ni des termes de la décision en cause, ni des pièces du dossier que le maire de Cavalaire-sur-Mer se serait, à tort, estimé en situation de compétence liée par rapport à l'appréciation portée par le directeur de l'école élémentaire sur les qualités professionnelles de Mlle A ; qu'il a, à ce sujet établi un rapport détaillé, daté du 27 juin 2006, effectuant la synthèse des appréciations portées à sa connaissance par l'entourage professionnel de cet agent ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'une lettre de l'enseignante avec laquelle Mlle A travaillait, de courriers du directeur de l'école dans laquelle elle accomplissait son stage, ainsi que des rapports d'évaluation du stage initial et du stage prorogé, que le comportement de la requérante comportait des lacunes et des difficultés, notamment dans les relations qu'elle entretenait avec les enfants, ses collègues et l'enseignante avec laquelle elle collaborait ; que les quelques témoignages de parents que Mlle A produit ne suffisent pas à contester sérieusement l'insuffisance professionnelle dont elle a fait preuve pendant son stage et caractérisée par un manque de chaleur, voire une certaine brutalité à l'égard des enfants, des écarts de langage, des soins d'hygiène insuffisants, ainsi qu'une mauvaise volonté à accomplir les tâches qui lui étaient confiées ;

Considérant que les griefs ainsi rappelés, qui démontrent l'inaptitude de l'intéressée à exercer les fonctions d'ATSEM telles qu'elles sont exposées à l'article 2 précité du décret du 28 août 1992, ont pu justifier que le maire de Cavalaire-sur-Mer s'oppose, sans erreur manifeste d'appréciation, à sa titularisation dans le cadre d'emploi des ATSEM ; que le maire n'ayant pas entendu prendre à l'encontre de Mlle A une sanction disciplinaire déguisée, les moyens tirés de la méconnaissance des droits de la défense et de l'absence de motivation de la décision contestée ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Cavalaire-sur-Mer aurait entaché sa décision d'un détournement de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il besoin de statuer sur la recevabilité de la requête de Mlle A, les conclusions, tendant à l'annulation de la décision du 26 juillet 2006 par laquelle le maire de Cavalaire-sur-Mer a refusé de titulariser la requérante dans le cadre d'emploi des ATSEM, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé contre cette décision, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui ne fait pas droit aux conclusions de la requête de Mlle A, aux fins d'annulation des décisions attaquées, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions susanalysées ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de la commune de Cavalaire-sur-Mer tendant à l'application des dispositions des articles L. 741-2 et L. 741-3 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : "Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : "Art. 41, alinéas 3 à 5. - Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts (...) ; et qu'aux termes de l'article L. 741-3 du même code : "Si des dommages-intérêts sont réclamés à raison des discours et des écrits d'une partie ou de son défenseur, la juridiction réserve l'action, pour qu'il y soit statué ultérieurement par le tribunal compétent, conformément au cinquième alinéa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-dessus reproduit (...)" ;

Considérant que la commune de Cavalaire-sur-Mer demande la suppression des passages de la requête de Mlle A dans lesquelles celle-ci exprime que les faits de l'espèce dénoteraient "une impression d'acharnement aux fins d'éviction de cet agent", ainsi que la condamnation de la requérante au versement d'un euro symbolique en réparation du préjudice en résultant ;

Considérant que cet élément de la requête de Mlle A doit être lu comme soulevant un éventuel détournement de pouvoir ; que, bien qu'imparfaitement formulé, ce moyen n'est pas étranger à l'objet du présent litige et n'excède pas le droit à la libre discussion des parties ; qu'il n'est pas outrageant, diffamatoire ni injurieux pour la défenderesse ; qu'en conséquence, les demandes de la commune de Cavalaire-sur-Mer tendant à l'application des dispositions des articles L. 741-2 et L. 741-3 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que les conclusions présentées par Mlle A, partie perdante à l'instance, ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Cavalaire-sur-Mer présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0606354 du tribunal administratif de Toulon, en date du 11 juin 2009, est annulé.

Article 2 : La requête de Mlle A est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Cavalaire-sur-Mer sur le fondement des articles L. 741-2 et L. 741-3 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Cavalaire-sur-Mer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Véronique A, à la commune de Cavalaire-sur-Mer et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer,des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 10MA019062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01906
Date de la décision : 22/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Stage - Fin de stage.

Procédure - Jugements - Composition de la juridiction.

Procédure - Voies de recours - Appel.


Composition du Tribunal
Président : M. REINHORN
Rapporteur ?: Mme Isabelle HOGEDEZ
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : SELARL MOLAS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-22;10ma01906 ?
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