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14/05/2012 | FRANCE | N°10MA00086

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 14 mai 2012, 10MA00086


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2010, présentée pour Mme Souad A, demeurant ..., par Me Esteve ; Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0702666 du 6 novembre 2009 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a fixé la perte de chance d'échapper à une spondylodiscite et de ses séquelles à 50 % et a condamné le Centre hospitalier universitaire de Nice à lui verser la somme de 13 500 euros en réparation de ses préjudices ;

2°) de fixer à 75 % la perte de chance d'éviter une spondylodiscite ;

3°) de condamner le Centre hospita

lier universitaire de Nice à lui payer, en réparation de ses préjudices à caractère pa...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2010, présentée pour Mme Souad A, demeurant ..., par Me Esteve ; Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0702666 du 6 novembre 2009 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a fixé la perte de chance d'échapper à une spondylodiscite et de ses séquelles à 50 % et a condamné le Centre hospitalier universitaire de Nice à lui verser la somme de 13 500 euros en réparation de ses préjudices ;

2°) de fixer à 75 % la perte de chance d'éviter une spondylodiscite ;

3°) de condamner le Centre hospitalier universitaire de Nice à lui payer, en réparation de ses préjudices à caractère patrimoniaux, les sommes de 750 euros et 1 800 euros au titre des frais de déplacement à Marseille et d'assistance et de conseil qu'elle a dû exposer, la somme de 4 911,57 euros au titre de ses pertes de gains actuels et la somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle de son incapacité permanente partielle ;

4°) de condamner le Centre universitaire de Nice à lui payer, en réparation de ses préjudices à caractère personnel, la somme de 9 300 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence subis durant la période de déficit fonctionnel temporaire, la somme de 12 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence liés à un déficit fonctionnel permanent de 12 %, la somme de 10 000 euros au titre des souffrances physiques endurées, la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique et la somme de 8 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

5°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a mis les frais d'expertise judiciaire, liquidés à la somme de 1 886 euros, à la charge du Centre hospitalier universitaire de Nice ;

6°) de condamner le Centre hospitalier de Nice à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2012 :

- le rapport de M. Lagarde, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

- les observations de Me Bolla substituant Me Esteve pour Mme A ;

Considérant qu'à la suite d'une chute survenue le 18 mai 2002 dans le cadre de son activité professionnelle, Mme A a été admise le 20 mai 2002 au service des urgences du Centre hospitalier universitaire de Nice où elle a été placée sous une bi-thérapie antibiotique, après qu'une hémoculture ait révélé la présence d'un staphylocoque doré multi-sensible ; qu'elle a été transférée le 21 mai 2002 dans le service des maladies infectieuses où une mono-thérapie antibiotique a été substituée à la bi-thérapie initialement mise en place ; qu'ayant quitté le service le 29 mai 2002, elle y était à nouveau hospitalisée le 5 juin 2002, date à laquelle un examen d'imagerie par résonance magnétique mettait en évidence une spondylodiscite lombaire qui conduisait à la reprise de la bio-thérapie antibiotique ; que, par jugement du 6 novembre 2009, le tribunal administratif de Nice a évalué à 50 % la perte de chance de l'intéressée de se soustraire à cette dernière affection et a condamné le Centre hospitalier universitaire de Nice à verser à Mme A la somme de 13 500 euros en réparation de ses préjudices ; que Mme A demande la réformation de ce jugement en tant qu'il aurait insuffisamment fixé le pourcentage de perte de chance et le montant des indemnités qui lui ont été allouées ; que le Centre hospitalier de Nice forme un recours incident contre ce jugement en tant qu'il aurait retenu un pourcentage excessif de perte de chance ;

Sur la perte de chance :

Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant que l'expert, qui a relevé qu'une mono-thérapie par Pléfacine ne constituait pas un traitement de référence d'une septicémie à staphylocoque doré, a écarté comme invraisemblable la possibilité que cette spécialité ait pu à elle seule empêcher l'évolution de l'état infectieux présenté par Mme A vers une spondylodiscite ; que, ce faisant et en s'interrogeant sur l'efficacité d'une prescription antibiotique adéquate lors de l'épisode septicémique, l'expert a nécessairement admis, contrairement à ce que soutient le Centre hospitalier universitaire de Nice, que la prise en charge médicale dont Mme A avait fait l'objet n'était pas de nature à prévenir le passage de l'état infectieux dont elle souffrait à une atteinte rachidienne ; que, dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas inexactement évalué la chance perdue pour Mme A d'éviter une spondylodiscite en la fixant à 50 % ; que, par suite, les conclusions présentées par Mme A tendant à ce que ce taux soit porté à 75 % , ainsi que le recours incident du Centre hospitalier universitaire de Nice tendant à ce que ce taux soit réduit à 25 %, doivent être rejetés ;

Sur la réparation :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Considérant, en premier lieu, que Mme A n'établit pas le lien de causalité entre les trois déplacements à Marseille pour un montant de 750 euros, pour lesquels elle a été véhiculée par son fils, ainsi que des frais d'assistance et de conseils médicaux, faisant l'objet d'un reçu d'honoraires en date du 6 février 2004 pour un montant de 1 800 euros, et la faute imputable au Centre hospitalier universitaire de Nice ; que , sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées ;

Considérant que Mme A demande, au titre des pertes actuelles de revenu, la somme de 4 911,57 euros correspondant à une perte mensuelle de 316,94 euros sur une période de quinze mois et quinze jours comprise entre le 20 mai 2002 et le 10 septembre 2003, date de sa consolidation ; que l'expert judiciaire a fixé la durée de l'incapacité temporaire totale imputable à l'infection du 20 mai 2002, date du syndrome douloureux fébrile, au 10 février 2003, date de stabilisation de l'évolution du foyer infectieux avec reconstitution cicatricielle spontanée, soit huit mois et quinze jours ; qu'au titre de cette période, Mme A, qui exerçait une activité professionnelle d'employée de maison depuis le début de l'année 2002 et percevait des gains mensuels nets de 914,70 euros depuis le 1er avril 2002, correspondant à la somme de 7 774,95 euros sur une période de huit mois et demi, ne conteste pas avoir perçu sur cette même période la somme de 6 967,75 euros au titre des indemnités journalières versées par la sécurité sociale ; que la perte de revenu subie par l'appelante s'élève donc 807,20 euros ; que, compte tenu du coefficient de perte de chance de 50 %, le centre hospitalier universitaire de Nice doit être condamné à payer à ce titre à Mme A la somme de 403,60 euros ;

Considérant que Mme A, qui a repris son emploi de femme de ménage en 2008, ne justifie pas du préjudice économique résultant de l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle en lien avec la spondylodiscite entre le 10 septembre 2003, date de sa consolidation, et l'année 2008 au cours de laquelle elle a repris son emploi de femme de ménage ; que, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'incidence professionnelle de l'incapacité permanente doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant que l'expert a arrêté au 10 février 2003 la date de consolidation de l'état de santé de Mme A, à laquelle le foyer infectieux s'est stabilisé et est apparue une reconstitution cicatricielle spontanée et a fixé à 12 % le taux d'incapacité partielle permanente liée à la limitation douloureuse des amplitudes de mobilisation du rachis thoraco-lombaire ; que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des troubles dans les conditions d'existence, incluant ce chef de préjudice et les troubles dans les conditions d'existence subis pendant la période d'incapacité totale temporaire de huit mois et demi, en allouant à Mme A, qui ne justifie d'aucun préjudice d'agrément spécifique qui ne soit indemnisé au titre des troubles dans les conditions d'existence, la somme de 10 000 euros après application du coefficient de 50 % de perte de chance ;

Considérant que les premiers juges n'ont pas fait non plus une inexacte appréciation des souffrances physiques endurées par Mme A, évaluées par l'expert à 3,5 / 7, ni de son préjudice esthétique évalué par l'expert à 2 / 7, en lui allouant respectivement les sommes de 2 500 euros et 1 000 euros, après application d'un abattement de perte de chance de 50 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de ses pertes actuelles de revenus et à demander à ce titre la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Nice à lui payer la somme de 403,60 euros à ce titre ; que le jugement doit être réformé dans cette limite ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le Centre hospitalier universitaire à verser à Mme A la somme de 1 500 euros en application desdites dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme au paiement de laquelle le Centre hospitalier de Nice a été condamné par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 6 novembre 2009 est portée à 13 903,60 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 6 novembre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme A est rejeté.

Article 4 : Le recours incident formé par le Centre hospitalier universitaire de Nice est rejeté.

Article 5 : Le Centre hospitalier universitaire de Nice versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt est déclaré commun à la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Souad A, à la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et au Centre hospitalier universitaire de Nice

Copie en sera adressée à l'expert M. Stein.

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N° 10MA00086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00086
Date de la décision : 14/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Jacques LAGARDE
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : ESTEVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-14;10ma00086 ?
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