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14/05/2012 | FRANCE | N°09MA03200

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 14 mai 2012, 09MA03200


Vu la requête, enregistrée le 19 août 2009, présentée pour M. Richard A, demeurant au ... (93600) et M. Julien A, demeurant au ... (34000), par la SCP Tournier et Associés - Avocats ; MM. A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0630556 du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Mende à réparer l'ensemble des préjudices résultant des séquelles neurologiques dont Mme Renée A, leur mère, a été victime consécutivement à ses deux hospitalisations du 25 au 28 mars 20

03 et du 5 au 8 avril 2003 en l'absence de tout diagnostic clinique d'accide...

Vu la requête, enregistrée le 19 août 2009, présentée pour M. Richard A, demeurant au ... (93600) et M. Julien A, demeurant au ... (34000), par la SCP Tournier et Associés - Avocats ; MM. A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0630556 du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Mende à réparer l'ensemble des préjudices résultant des séquelles neurologiques dont Mme Renée A, leur mère, a été victime consécutivement à ses deux hospitalisations du 25 au 28 mars 2003 et du 5 au 8 avril 2003 en l'absence de tout diagnostic clinique d'accident vasculaire cérébral ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Mende à leur verser, en qualité d'héritier de Mme A, la somme globale de 10 000 euros en réparation du préjudice corporel tenant au défaut de prise en charge de son accident vasculaire cérébral pendant 13 jours, la somme globale de 10 000 euros en réparation du préjudice corporel tenant aux hospitalisations et à la rééducation durant une période de quatre mois, du 9 avril au 14 août 2003, la somme de 40 000 euros en indemnisation de son déficit fonctionnel permanent évalué à 27 %, la somme de 9 101 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral du fait de la perte de chance de rétablissement ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Mende à leur verser en qualité d'héritiers et de victimes directes, la somme de 3 500 euros chacun, soit la somme totale de 7 000 euros, au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence relatifs à l'état affaibli de leur mère ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Mende à leur verser en qualité de victimes par ricochet, les sommes de 7 500 euros chacun au titre du préjudice moral du fait de la perte de chance de rétablissement de leur mère augmentées des intérêts de droit à compter de la date de réception de la réclamation préalable ;

5°) de dire que ces sommes seront augmentées des intérêts de droit à compter de la date de la réception de la réclamation préalable et que les intérêts seront capitalisés pour produire eux mêmes intérêts ;

6 °) de condamner le centre hospitalier de Mende à leur verser la somme de 72 252 euros en réparation des préjudices soumis au recours des organismes sociaux ;

7°) de condamner le centre hospitalier de Mende, à payer à chacun la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sauf sur le fondement de l'article 37 de la loi du 13 juillet 1991, à verser cette somme à leur avocat, qui s'engage dans ce cas à renoncer à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, si l'un ou l'autre est admis à cette aide ;

........................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 décembre 2009, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) par Maîtres Roquelle-Meyer et Saumon concluant à titre principal à sa mise hors de cause, faute de demande dirigée à son encontre ; à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause, faute de réunion des conditions légales nécessaires à son intervention ; à titre infiniment subsidiaire, au rejet de toutes demandes de condamnation fondées sur des mesures expertales non réalisées à son contradictoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juin 2010, présenté pour la mutualité sociale agricole de Lozère par Me Legrand concluant à la réformation du jugement rendu le 30 juin 2009 par le tribunal administratif de Nîmes, à ce que l'erreur de diagnostic soit retenue comme une faute médicale engageant la responsabilité du centre hospitalier de Mende et à sa condamnation à lui verser la somme de 72 979,33 euros au titre du remboursement des débours versés pour le compte de Mme A et celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 juillet 2010, présenté pour la mutualité sociale agricole de Lozère par Me Legrand communiquant le détail des prestations versées ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juillet 2010, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui précise que les dispositions de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, qui régissent toute indemnisation par la solidarité nationale, ne prévoient pas le remboursement par l'Office des créances des organismes sociaux et maintient ses précédentes conclusions ;

Vu la mise en demeure adressée le 3 septembre 2010 à Me Le Prado, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2010, présenté pour le centre hospitalier de Mende par Me Le Prado concluant au rejet de la requête présentée par MM. A et des conclusions de la mutualité sociale agricole de Lozère ; il précise que le retard de diagnostic ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier lorsque ce diagnostic présente des difficultés particulières, notamment en raison de la complexité de la pathologie ou de son caractère inhabituel ; qu'en ce qui concerne la première hospitalisation, le docteur Arié, expert commis par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Languedoc-Roussillon a indiqué que le diagnostic de dissection de la vertébrale gauche et du tronc basilaire constitue "un diagnostic extrêmement difficile à faire en ce qu'il est rarissime" ; que de nombreux examens ont été entrepris le jour même de l'admission de Mme A, dont deux scanners encéphaliques qui, en se révélant normaux, ont écarté l'hypothèse d'une éventuelle pathologie cérébrale ; qu'en ce qui concerne la seconde hospitalisation, le fait que le centre hospitalier de Mende n'ait pas estimé urgent d'orienter la patiente vers un établissement disposant de moyens d'investigations neurologiques appropriés à son état s'explique par le caractère rassurant de l'examen clinique auquel il a été procédé dès le 5 avril 2003 et par la réalisation d'un nouveau scanner cérébral qui n'a pas montré d'anomalie ; que le retard dans le transfert de Mme A vers le centre hospitalier de Rodez, que le tribunal administratif de Nîmes a considéré fautif, n'a pas modifié l'évolution clinique, ni aggravé les séquelles neurologiques liées à l'accident vasculaire cérébral initial ; que dans son rapport critique déposé le 23 novembre 2007, le docteur Houselstein a confirmé la difficulté du diagnostic d'accident vasculaire cérébral par dissection de l'artère basilaire, en particulier en l'absence de déficit moteur, d'anomalie hyper crânienne et de nystagmus témoignant d'un dysfonctionnement de la circulation cérébelleuse, et alors que des scanners cérébraux avec et sans injection de produit de contraste avaient permis d'éliminer une pathologie cérébrale ; que, dans le même rapport, le docteur Houselstein a rejoint les conclusions du docteur Arié pour estimer que la prescription par précaution d'un traitement anti-thrombotique, tel l'Héparine qui n'a pour seul objet que de prévenir une thrombose carotidienne, n'a aucune influence sur l'évolution de l'accident vasculaire cérébral ; que les premiers juges ont considéré à bon droit que les faits de l'espèce ne relèvent pas du régime de la responsabilité sans faute ; que les conclusions indemnitaires présentées par MM. A ne sont pas fondées ; que la mutualité sociale agricole de Lozère, qui sollicite le remboursement des débours qu'elle a supportés jusqu'au 20 janvier 2007, date du décès de Mme A, lequel n'est pas en relation avec sa prise en charge par le centre hospitalier de Mende, ne détaille pas, poste par poste, la nature des frais qu'elle a exposés et leur lien avec la prise en charge de l'établissement ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2011, présenté pour la mutualité sociale agricole de Lozère par Me Legrand qui communique 10 nouvelles pièces relatives aux frais exposés en faveur de Mme A au titre de la période comprise entre le 25 mars 2003 et le 31 mars 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 2011, présenté pour MM. A par le Cabinet Tournier et associés qui reprochent au centre hospitalier de Mende de ne pas avoir diagnostiqué l'accident vasculaire cérébral de Mme A, qui en présentait les symptômes, en la transférant vers un centre hospitalier équipé pour réaliser les investigations appropriées et de lui avoir fait ainsi courir des risques disproportionnés ; que le rapport du docteur Houselstein est très critiquable et, rédigé en l'absence de toute contradiction, doit être écarté des débats ; que l'erreur de diagnostic a privé la patiente de la possibilité de bénéficier d'un traitement fibrinolytique améliorant le pronostic et est ainsi à l'origine d'une perte de chance de diminuer les séquelles de l'infarctus cérébral dont elle était victime ;

Vu le courrier en date du 14 octobre 2011 informant les parties que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de MM. A en qualité de victimes directes et de victimes par ricochet présentées pour la première fois en cause d'appel ;

Vu, enregistré le 28 octobre 2011, les observations présentée pour MM. A par la SCP Tournier et associés en réponse à la communication du moyen d'ordre public ;

Vu, enregistré le 8 décembre 2011, le mémoire présenté pour MM. A par la SCP Tournier et associés qui précise que Mme A a perçu pendant 3 ans un montant total d'indemnités journalières de 39 111,52 euros, représentant une indemnisation moyenne de 1 086 euros par mois, inférieure au salaire qu'elle percevait après 21 ans d'ancienneté ; que la somme de 9 101 euros correspond aux pertes de salaires pendant près de 4 ans ;

Vu, enregistré le 12 décembre 2011, le mémoire enregistré pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par Me Saumon qui persiste dans ses précédentes conclusions ;

Vu le courrier en date du 2 décembre 2011 informant les parties que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de la tardiveté des conclusions indemnitaires présentées devant les premiers juges par MM. A, héritiers de Mme A, en leur qualité de victimes directes et de victimes par ricochet ;

Vu, enregistré le 30 janvier 2012, le mémoire présenté pour la mutualité sociale agricole du Languedoc, venant aux droits de la mutualité sociale agricole de Lozère, par Me Legrand ; elle demande la condamnation du centre hospitalier de Mende à lui verser la somme de 94 856,69 euros correspondant aux frais engagés en lien direct et exclusif, dont l'imputabilité a été établie par attestation du médecin conseil du 24 janvier 2012, ainsi que la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 2 décembre 2009, admettant M. Julien A au bénéfice l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2012 :

- le rapport de M. Lagarde, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

- les observations de Me Turnel de la SCP Tournier et Associés - Avocats pour MM. A et de Me Legrand pour la mutualité sociale agricole de Lozère ;

Considérant que Mme A, qui imputait au centre hospitalier de Mende le défaut de diagnostic de la dissection aortique dont elle était atteinte a recherché sa responsabilité devant le tribunal administratif de Montpellier ; que, suite à son décès survenu le 20 janvier 2007 au centre hospitalier de Montpellier pour une cause étrangère aux griefs adressés au centre hospitalier de Mende, ses enfants, MM Richard et Julien A ont repris l'instance engagée par leur mère ; qu'ils relèvent appel du jugement en date du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes, devenu entre temps territorialement compétent, a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées par les héritiers de Mme A en leurs qualité de victimes directes et de victimes indirectes :

Considérant qu'à la suite du décès de Mme A, MM Richard et Julien A, ses héritiers ont déclaré, par mémoire enregistré le 8 avril 2009, reprendre l'action indemnitaire qu'elle avait engagée à l'encontre du centre hospitalier de Mende par requête enregistrée le 8 décembre 2006 et ont sollicité la réparation de leurs préjudices propres subis en qualité de victimes directes et de victimes par ricochet ; que ces conclusions additionnelles, enregistrées après l'expiration de délai de recours contentieux, qui ne se rattachent pas au chiffrage des conclusions présentées par Mme A, mais ont pour objet de les étendre à la réparation de chefs de préjudice subis à titre personnel par ses héritiers, constituent un litige distinct ; que, par suite, les conclusions de MM. A tendant à la réparation des préjudices subis en leur qualité de victimes directes étaient irrecevables ;

Sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Mende :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :" I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...)" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du docteur Bouillat, expert judiciaire, et du docteur Arié, expert commis par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Languedoc-Roussillon, que Mme A, née en 1954, qui souffrait depuis le 20 mars 2003 de céphalées intenses et inhabituelles, a consulté son médecin traitant le 24 mars suivant, lequel lui a prescrit des antalgiques et la réalisation de clichés radiographiques du rachis cervical dont la lecture évoquait une cervicarthrose antérieure et postérieure prévalant en regard du tiers moyen du segment rachidien ; que, son état de santé s'étant aggravé dans la nuit en raison de l'apparition de vertiges giratoires associés à des fourmillements du côté gauche et des vomissements, Mme A a été admise dans la matinée du 25 mars au service des urgences du centre hospitalier de Mende où étaient relevés l'absence de déficit moteur et de nystagmus, ainsi que l'existence de réflexes cutanés plantaires en flexion ; que, le jour de son admission, étaient réalisés des examens biologiques, un électrocardiogramme, un scanner crânien avec et sans produit de contraste, un examen de la sphère ORL complété par un audiogramme, dont chacun a conclu à l'absence d'anomalie ; que le 28 mars, Mme A a regagné son domicile sans diagnostic précis, après avoir été examinée par un rhumatologue qui avait conclu à un examen neurologique normal et s' était prononcé dans le sens d'une probable crise migraineuse ou de vertiges de Ménière ; que Mme A, dont l'état de santé ne s'était pas amélioré depuis sa sortie de l'hôpital, a ressenti le 5 avril suivant des troubles visuels et la sensation de "mort " de son membre supérieur gauche ; qu'admise le même jour au service des urgences du même centre hospitalier, elle y déclarait ne pas pouvoir marcher, ressentir des fourmillements de l'hémiface et de l'hémicorps gauche et être incapable de mobiliser son bras gauche ; que, si un nouveau scanner crânien sans produit de contraste réalisé au service des urgences ne montrait aucune anomalie, la fiche d'observation établie le même jour à l'occasion de son transfert dans le service de médecine mentionnait un ralentissement psychomoteur, un possible nystagmus horizontal et la persistance de paresthésies sur tout le côté gauche ; que, les symptômes persistant, la patiente était transférée le 8 avril 2003, à la demande de sa famille, au centre hospitalier de Rodez où la réalisation d'examens d'imagerie par résonance magnétique mettait en évidence une dissection du tronc vertébro-basilaire ;

Considérant que, dans son rapport du 10 février 2006, l'expert judiciaire relève qu'un neurologue aurait été dès la première hospitalisation en mesure d'évoquer un accident vasculaire cérébral de nature ischémique après avoir éliminé l'hypothèse d'une névrite vestibulaire en raison de la présence de céphalées intenses et celle de vertiges dans le cadre d'une migraine basilaire en raison de la durée des troubles d'équilibre associés à des paresthésies ; qu'en l'absence de neurologue sur place, Mme A aurait dû être dirigée vers un établissement équipé pour pratiquer un échodoppler cervical eu égard aux bonnes pratiques médicales à la date des faits et un traitement anti-thrombotique aurait dû être prescrit ; qu'ainsi, en laissant Mme A regagner son domicile le 28 mars 2003, sans avoir été examinée par un neurologue, ni orientée vers un établissement disposant des moyens d'investigation neurologique appropriés, le centre hospitalier de Mende, en la privant d'un traitement anti-thrombotique par Héparine limitant le risque de récidive d'accident vasculaire cérébral, lui a fait perdre une chance d'échapper à l'aggravation des séquelles de l'accident vasculaire cérébral dont elle avait été victime consistant en une atteinte cérébelleuse et sensitive gauche et des troubles de l'attention ; que, compte tenu des effets discutés du traitement préventif par Héparine, il y a lieu d'évaluer cette perte de chance aux deux tiers ;

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

Considérant qu'aux termes de l'article L 1142-1 du code de la santé publique : "(...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret." ; qu'aux termes de l'article D 1142-1 du code de la santé publique, pris pour l'application des dispositions susmentionnées du II de l'article L. 1142-1 du même code : "Le pourcentage mentionné au deuxième alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est fixé à 24 %. / Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois (...) " ;

Considérant que si les appelants font valoir que leur mère était atteinte d'un taux d'incapacité de 27 % supérieur à celui prévu par la loi et règlementairement fixé, il ressort de ce qui précède que les préjudices subis par Mme A ont pour origine son état de santé et la faute commise par l'hôpital public et ne peuvent ainsi être regardés comme, d'une part, ne mettant pas en jeu la responsabilité de l'hôpital et, d'autre part, constituant des conséquences anormales au regard de l'état de santé de leur mère et de l'évolution prévisible de celui-ci ; que l'indemnisation totale desdits préjudices au titre de la solidarité nationale ne peut donc pas être mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ( ONIAM ) qui doit donc être mis hors de cause ;

Sur la réparation des préjudices subis par Mme A :

En ce qui concerne la réparation des préjudices à caractère patrimonial :

Considérant, en premier lieu, que la Mutualité sociale agricole du Languedoc, venant aux droits de la Mutualité agricole de Lozère, établit par la production d'une attestation d'imputabilité établie par son médecin conseil, dressée le 24 janvier 2012 et communiquée au centre hospitalier de Mende qui ne l'a pas contestée, cohérente avec les mentions des rapports d'expertise avoir versé en lien direct avec le retard fautif de diagnostic les sommes de 33 889,20 euros au titre des frais d'hospitalisation, de 3 807,48 au titre des frais de pharmacie, de 694 euros au titre des frais de consultation du médecin généraliste de l'intéressée, de 21, 81 euros au titre des soins infirmiers, de 359,04 euros au titre d'actes de kinésithérapie et de 9 478,43 euros au titre des frais de transport ; qu'il ressort des rapports d'expertise que le syndrome cérébelleux gauche ayant empêché Mme A de travailler jusqu'à son décès résultait de l'accident vasculaire cérébral subi en mars 2003 ; qu'à ce titre la mutualité sociale agricole du Languedoc justifie avoir payé à son assurée des indemnités journalières du 5 avril 2003 au 24 mars 2006 pour un montant de 38 574,73 euros et servi une pension d'invalidité du 25 mars 2006 au 20 janvier 2007, date du décès, pour un montant de 8 032 euros ; que la mutualité sociale agricole du Languedoc est donc fondée à demander le remboursement des deux tiers de la somme totale de 94 856, 69 euros soit celle de 63 237,79 euros ; qu'elle est également fondée à réclamer la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Considérant, en second lieu, que MM. A, qui se bornent à se prévaloir d'une indemnisation inférieure au salaire que leur mère percevait après 21 années d'ancienneté sans même préciser le montant du salaire qui lui était servi, n'établissent pas la réalité du préjudice matériel dont ils demandent l'indemnisation pour un montant de 9 101 euros ; que les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées ;

En ce qui concerne la réparation des préjudices à caractère personnel :

Considérant que les experts ont évalué à 3 sur une échelle de 1 à 7 les douleurs endurées par la victime, lesquelles seront réparées par une somme de 3 000 euros ; qu'à la date de consolidation de l'état de santé de Mme A fixé au 15 août 2003, les experts ont évalué à 27 % le taux du déficit fonctionnel permanent dont elle restait affectée ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'accident médical, Mme A a été empêchée de s'adonner aux activités physiques, telle que la marche à pied, qu'elle exerçait auparavant, a été gênée dans la lecture et a été sujette à des angoisses importantes du fait de son état de santé ; que dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures, incluant un déficit fonctionnel temporaire de près de 5 mois, éprouvés par Mme A dans ses conditions d'existence pendant la période de quatre années séparant l'accident médical de son décès en les évaluant à une somme de 9 000 euros ; que, par suite, il y a lieu, après application du coefficient de perte de chance de deux tiers, de condamner le centre hospitalier de Mende à verser à MM. A, en qualité d'héritiers de Mme A, la somme de 8 000 euros ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2006, date d'enregistrement de la requête ; que ces intérêts seront capitalisés à chaque année échue pour produire eux mêmes intérêts ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;

Considérant que M. Julien A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Tournier et Associés, avocat de M. Julien A renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle de mettre à la charge du centre hospitalier de Mende le versement au requérant d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu également dans les circonstances de l'espèce de mettre au même centre hospitalier le paiement d'une somme de 1 000 euros à M. Richard A et une somme de 1 500 euros à la mutualité sociale agricole du Languedoc au titre des dispositions précitées ;

DECIDE

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2009 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Mende est déclaré responsable des deux tiers des conséquences dommageables du retard de diagnostic de l'accident vasculaire cérébral dont Mme A a été victime.

Article 3 : Le centre hospitalier de Mende versera à MM. Julien et Richard A, héritiers de Mme A, la somme de 8 000 euros, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2006 pour être eux-mêmes capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil.

Article 4 : Le centre hospitalier de Mende versera à la mutualité sociale agricole de Lozère la somme de 63 237,79 euros au titre du remboursement des débours exposés pour le compte de Mme A., ainsi que la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L 376-1 du code de sécurité sociale.

Article 5 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est mis hors de cause dans la présente instance.

Article 6 : Le centre hospitalier de Mende versera à M. Richard A la somme de 1 000 euros et à la mutualité sociale agricole du Languedoc la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le centre hospitalier de Mende versera à la SCP Tournier et Associés, avocat de M. Julien A, la somme de 1 000 euros sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par MM. A est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. Richard A, à M. Julien A, au centre hospitalier de Mende, à la mutualité sociale agricole du Languedoc et à l'ONIAM.

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N°09MA03200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA03200
Date de la décision : 14/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Jacques LAGARDE
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : VATIER et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-14;09ma03200 ?
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