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07/05/2012 | FRANCE | N°10MA02200

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 07 mai 2012, 10MA02200


Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2010, présentée pour la , dont le siège est au ... par la Selarl Plantavin et Reina ; la demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701355 du 1er avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de la commune d'Eze en date du 12 octobre 2006 refusant de lui délivrer un permis de construire, ensemble le rejet tacite de son recours gracieux notifié le 14 novembre 2006 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre

à la commune d'Eze de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un dél...

Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2010, présentée pour la , dont le siège est au ... par la Selarl Plantavin et Reina ; la demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701355 du 1er avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de la commune d'Eze en date du 12 octobre 2006 refusant de lui délivrer un permis de construire, ensemble le rejet tacite de son recours gracieux notifié le 14 novembre 2006 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Eze de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 991-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Eze la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2012 :

- le rapport de Mme Ségura, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

- et les observations de Me Piat représentant Me Douhaire, administrateur judiciaire de la ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2006 par lequel le maire de la commune d'Eze a refusé de lui délivrer un permis de construire cinq villas groupées, ensemble le rejet tacite de son recours gracieux notifié le 14 novembre 2006 ; que la relève appel de ce jugement ;

Considérant que Me Douhaire doit être regardé, en sa qualité d'administrateur provisoire et de liquidateur amiable de la , comme venant aux droits de cette société dans la présente instance ;

Considérant que le projet de la société consiste à construire cinq villas groupées sur les parcelles cadastrées section BD n° 127, 167 et 213, situées en zone UC du plan d'occupation des sols approuvé le 16 février 1982, redevenu applicable après l'annulation, par jugement du tribunal administratif de Nice du 26 mai 2005, devenu définitif, de la délibération du conseil municipal en date du 28 mars 2002 approuvant sa révision ; que le maire d'Eze, en se fondant sur les dispositions des articles R. 111-21, R. 146-2 et L. 146-6 du code de l'urbanisme, a refusé de délivrer le permis de construire sollicité par la société aux motifs que le terrain, extrêmement sensible, avait, par la pente existante et sa localisation sur les versants de la colline Saint-Michel, un statut d'espace naturel particulièrement remarquable, qu'en outre, il était identifié comme espace à préserver au titre de la " loi Littoral " dans la directive territoriale d'aménagement et, enfin, que la volumétrie, la densité ainsi que les terrassements nécessaires à la réalisation du projet ne permettaient pas à celui-ci de s'insérer harmonieusement dans le site inscrit ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves. / Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 146-2 du même code : " En application du deuxième alinéa de l'article L. 146-6, peuvent être implantés dans les espaces et milieux mentionnés à cet article, après enquête publique dans les cas prévus par les articles R. 123-1 à R. 123-33 du code de l'environnement, les aménagements légers suivants, à condition que leur localisation et leur aspect ne dénaturent pas le caractère des sites, ne compromettent pas leur qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux (...). " ;

Considérant que l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme dispose que des directives territoriales d'aménagement peuvent préciser, sur les parties du territoire qu'elles couvrent, " les modalités d'application (...) adaptées aux particularités géographiques locales " des dispositions particulières au littoral codifiées aux articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme et que celles de leurs dispositions comportant de telles précisions " s'appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées " ; que ces dispositions sont reprises au dernier alinéa de l'article L. 146-1, selon lequel les directives territoriales d'aménagement précisant les modalités d'application des dispositions particulières au littoral " ou, en leur absence, lesdites dispositions " sont applicables à toute personne publique ou privée pour tout projet d'occupation ou d'utilisation du sol mentionné au même alinéa ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral ; que, dans le cas où le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d'aménagement définie à l'article L. 111-1-1 du même code, ou par un document en tenant lieu, cette conformité doit s'apprécier au regard des éventuelles prescriptions édictées par ce document d'urbanisme, sous réserve que les dispositions qu'il comporte sur les modalités d'application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme soient, d'une part, suffisamment précises et, d'autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions ;

Considérant que le plan d'occupation des sols applicable au litige classe le terrain d'assiette du projet en zone UC, de " discontinuité aérée ", qu'il définit comme " une zone de transition entre le village et la campagne (petits collectifs et maisons individuelles) " ; qu'il ressort en outre de l'ensemble des pièces du dossier que ce terrain, planté de pins et situé en contrebas d'un cimetière, à proximité d'une église, est limitrophe, sur un de ses côtés, de terrains bâtis ; qu'il est, pour le reste, enclavé à l'intérieur d'une boucle de la voie communale qui le sépare, en amont, du versant de la colline Saint-Michel resté à l'état naturel et, en aval, de terrains supportant des maisons ou immeubles d'habitation ; que, dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que les parcelles en cause, qui ne présentent pas de caractère particulièrement notable ou " extrêmement sensible " soit par leur emplacement soit par leur nature et qui sont séparés par une route de l'espace naturel existant, ne constituent pas un espace remarquable à protéger au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;

Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant que la soutient que la commune d'Eze, qui n'a pas présenté de mémoire en défense devant le tribunal, n'a pas demandé de substitution de motifs ; que les premiers juges ont considéré que le terrain d'assiette du projet de la société requérante était identifié par la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes, approuvée par décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003, comme une coupure d'urbanisation à protéger en tant que telle en application de la directive dont l'un des objectifs est de préserver ces coupures qu'elle définit comme une interruption ou une discontinuité de l'urbanisation dont la fonction est d'éviter la linéarité, la banalisation et la monotonie des espaces urbains le long du littoral ; qu'ils ont également considéré que le maire, alors même qu'il avait fondé sa décision sur le caractère d'espace remarquable desdites parcelles et non sur le fait qu'elles étaient constitutives d'une coupure d'urbanisation, n'avait pas entaché son arrêté d'erreur d'appréciation ; que les premiers juges ne pouvaient toutefois substituer d'office le motif de refus tiré de l'existence d'une coupure d'urbanisation à celui de la présence d'un espace remarquable, nonobstant la circonstance que ces deux catégories d'espaces sont éligibles à la protection instituée par la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas de cette directive, qui ne contient pas d'éléments d'analyse suffisamment précis sur le régime de protection à appliquer à ce secteur, qu'elle classerait le terrain d'assiette de la société en coupure d'urbanisation ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les parcelles concernées, par leur configuration, leur taille ou leur localisation, constituent un " élément fort de discontinuité de l'urbanisation " au sens de ladite directive ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que les lieux avoisinants comptent plusieurs constructions, dont des maisons ou des petits immeubles collectifs de même hauteur ; qu'en outre, par leur implantation en terrassement, les constructions projetées s'insèrent dans le paysage environnant et ne portent pas atteinte au caractère du site existant ;

Considérant, en dernier lieu, que si le maire d'Eze a repris, dans son arrêté, la motivation de l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France du 30 août 2006, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à établir qu'il se serait cru lié par cet avis ; qu'en revanche, elle démontre que cet avis a exercé une influence sur la décision du maire ; que, dans ces conditions, l'illégalité de l'avis, résultant de l'erreur d'appréciation sur l'atteinte au site, emporte l'illégalité du refus de permis de construire litigieux, alors même que la consultation de l'architecte des Bâtiments de France n'aurait pas été obligatoire en l'absence de site inscrit à l'intérieur duquel se situeraient les constructions projetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que la est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par suite, il y a lieu d'annuler le jugement et le refus de permis de construire attaqués ; que, par voie de conséquence, il y a lieu, d'une part, de mettre à la charge de la commune d'Eze une somme de 2000 euros à verser à Me Douhaire, qui vient aux droits de la , au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0701355 du 1er avril 2010 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire d'Eze du 12 octobre 2006 portant refus de permis de construire est annulé.

Article 3 : La commune d'Eze versera la somme de 2 000 ( deux mille ) euros à Me Douhaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune d'Eze tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me Douhaire et à la commune d'Eze.

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N° 10MA02200

CB


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA02200
Date de la décision : 07/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. LAMBERT
Rapporteur ?: Mme Françoise SEGURA
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : SELARL PLANTAVIN ET REINA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-07;10ma02200 ?
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