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03/04/2012 | FRANCE | N°10MA01254

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 03 avril 2012, 10MA01254


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 31 mars 2010 sous le n° 10MA01254, régularisée le 20 mai 2010, présentée par Me Guenoun, avocat, pour Mme Katia A, demeurant ... ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902288 du 4 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2009 du président de la communauté de communes des Terre de Camargue la radiant des cadres pour abandon de poste ;

- à ce que le tribunal dise qu'elle est en droit

de prétendre à son traitement postérieurement au 19 juin 2009 ;

- à ce que le tribun...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 31 mars 2010 sous le n° 10MA01254, régularisée le 20 mai 2010, présentée par Me Guenoun, avocat, pour Mme Katia A, demeurant ... ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902288 du 4 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2009 du président de la communauté de communes des Terre de Camargue la radiant des cadres pour abandon de poste ;

- à ce que le tribunal dise qu'elle est en droit de prétendre à son traitement postérieurement au 19 juin 2009 ;

- à ce que le tribunal prescrive toutes mesures d'expertise médicale afin de déterminer si le syndrome anxio-dépressif consécutif à l'accident de travail dont elle a été victime le 12 septembre 2004 la rend inapte à la conduite automobile ;

- à la condamnation de la communauté de communes des Terre de Camargue à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 19 juin 2009 susvisé la radiant des cadres pour abandon de poste et de dire qu'elle est en droit de prétendre à son traitement postérieurement au 19 juin 2009 ;

3°) à titre subsidiaire, de prescrire toutes mesures d'expertise médicale afin de déterminer si le syndrome anxio-dépressif consécutif à l'accident de travail dont elle a été victime le 12 septembre 2004 la rend inapte à la conduite automobile ;

4°) de mettre à la charge de la dite communauté de communes des Terre de Camargue les dépens et la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2012 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, adjoint technique territorial de 2ème classe stagiaire de la communauté de communes Terre de Camargue, a été radiée des cadres par l'arrêté attaqué susvisé du 19 juin 2009, à compter de la date de notification de cet arrêté, pour ne s'être pas présentée à son travail le 11 juin 2009 malgré la mise en demeure en ce sens qui lui a été adressée le 29 mai 2009 et dont elle a accusé réception en faisant état de son impossibilité de se présenter à son travail ce 11 juin 2009, compte tenu de "ses problèmes de santé dus à l'accident de trajet survenu le 9 novembre 2004" et du fait qu'elle n'a pas repris le volant de sa voiture "depuis cet accident de la circulation" ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 15 du décret susvisé n° 87-602 du 30 juillet 1987 : "Pour bénéficier d'un congé de maladie ainsi que de son renouvellement, le fonctionnaire doit obligatoirement et au plus tard dans un délai de quarante-huit heures adresser à l'autorité dont il relève un certificat d'un médecin ou d'un chirurgien-dentiste. (...) Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l'autorité territoriale, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin agréé." ; et qu'aux termes de l'article 17 du même décret : "(...) Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. (...)" ;

Considérant, d'autre part, qu'une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer et qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention de reprendre son service avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester une telle intention, l'administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressée ne puisse plus conduire une voiture du fait d'une phobie consécutive à son accident de la circulation, ne saurait être regardée comme une justification d'ordre matériel ou médical de nature à expliquer son retard à se présenter le 11 juin 2009 dès lors, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le poste de travail de l'intéressé au service de restauration scolaire de la communauté de communes intimée ne nécessitait aucunement la conduite d'un véhicule, d'autre part, que le fait que l'intéressée résidait alors à plusieurs dizaines de kilomètres de son lieu de travail, nécessitant ainsi l'usage d'une voiture pour le trajet domicile-travail, résulte d'un choix de pure convenance personnelle ; qu'au surplus, et compte tenu notamment que l'intéressé était encore stagiaire à la date de la décision attaquée, cette simple difficulté, et non impossibilité, pour l'intéressée de se rendre matériellement sur son lieu de travail ne saurait entacher la décision attaquée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, mise en stage à compter du 1er mars 2004, victime d'un accident de trajet le 9 novembre 2004, a été placée à compter de cette date en accident du travail qui a été consolidé au 5 mars 2007, puis en congé de maladie ordinaire du 6 mars 2007 au 8 août 2007, puis en congé maternité du 9 août 2007 au 28 novembre 2007, puis en congé parental du 29 novembre 2007 au 28 mai 2008, puis en congé de maladie ordinaire du 29 mai 2008 au 30 avril 2009 ; que le comité médical départemental réuni le 23 avril 2009 a estimé que l'intéressée, à l'issue de la période de 12 mois d'usage de ses droits statutaires de congé de maladie ordinaire, était apte à reprendre ses fonctions au 28 mai 2009 et que toute prolongation à compter de cette date était médicalement injustifiée ; que cet avis mentionnait la voie de recours auprès du comité médical supérieur et a été transmis par courrier du 6 mai 2009 invitant l'intéressée à reprendre son travail le 28 mai 2009 au service de la restauration scolaire, avec fiche de poste jointe n'exigeant pas la conduite d'un véhicule ; qu'à la suite de la mise en demeure susmentionnée du 29 mai 2009, l'intéressée a transmis à son employeur le 10 juin 2009 un avis de prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 30 juin 2009 faisant état des troubles psychologiques consécutifs à l'accident de la circulation du 9 novembre 2004 ; que cet arrêt n'apporte aucun élément nouveau sur l'état de santé étudié par le comité médical départemental, qui avait estimé l'intéressée apte à reprendre ses fonctions à l'issue de l'épuisement de ses 12 mois de congé de maladie ordinaire, et ne peut être dès lors regardé comme constituant une justification d'ordre médical suffisante de l'absence constatée de reprise du travail au 11 juin 2009 ;

Considérant, en troisième lieu, que l'intéressée soutient qu'elle n'aurait pas été mise à même de saisir le comité médical supérieur afin de contester l'avis du comité médical départemental ; que s'il ressort des pièces du dossier que l'avis du comité médical départemental du 23 avril 2009 mentionne la possibilité de recours auprès du comité médical supérieur et, à supposer même que l'intéressée n'ait pas eu notification de cet avis en temps voulu afin de saisir le comité médical supérieur, en tout état de cause, la décision attaquée, fondée sur la rupture des liens qui unissaient l'intéressée au service, a pu légalement intervenir avant même que le comité médical supérieur se fût prononcé ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'intéressée a fait état de sa grossesse à la date du 11 juin 2009, constatée par certificat médical du 16 juillet 2009 faisant remonter la grossesse au 5 mai 2009 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'appelante, d'une part, ne justifie ni même n'allègue que cet état de grossesse de cinq semaines justifiait médicalement au 11 juin un arrêt de maladie pour une pathologie spécifique à ladite grossesse, d'une part, l'aurait matériellement empêché de se rendre sur son lieu de travail à la date imposée ; que l'appelante invoque, d'autre part, le principe général, dont s'inspire l'article anciennement codifié L. 122-25-2 du code du travail, qui interdit de licencier une femme en état de grossesse, lequel principe s'applique, sauf faute grave de l'agent et lorsqu'aucune nécessité propre au service public ne s'y oppose, aux décisions mettant fin avant l'expiration de son stage aux fonctions d'un agent public stagiaire ; que toutefois, ce principe général du droit ne peut s'appliquer à la situation de l'intéressée et ne peut être donc utilement invoqué en l'espèce, dès lors que la décision de radiation des cadres attaquée n'est pas un licenciement unilatéral émanant de l'employeur, mais est consécutive à la manifestation de l'intéressée de rompre son lien avec le service ;

Considérant, en cinquième lieu, que si Mme A soutient que la décision attaquée constituerait une sanction déguisée, elle n'apporte, pas plus en appel qu'en première instance, de commencement de preuve à son allégation en ce sens ;

Considérant, en sixième lieu, que l'appelante invoque l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée en vertu duquel les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, peuvent être, sur présentation d'une demande, reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes ; qu'à supposer même établie par l'intéressée son inaptitude à conduire un véhicule automobile, ses fonctions au sein du service de restauration scolaire ne lui imposaient pas la conduite d'un véhicule ; que plus généralement, il ressort en outre des pièces du dossier, notamment de l'avis du comité médical départemental susmentionné, que les troubles psychologiques d'ordre phobique et anxio-dépressif de l'intéressée, consécutifs à l'accident du travail de la circulation de 2004, ne la rendaient pas inapte à l'exercice de ses fonctions d'adjoint technique stagiaire ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la communauté de communes intimée aurait méconnu son obligation de reclassement pas en ne tentant pas de la reclasser, avant de la radier des cadres pour abandon de poste, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de sa radiation des cadres pour abandon de poste et à ce que soit dit qu'elle est en droit, par voie de conséquence, de prétendre à son traitement postérieurement au 19 juin 2009, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de

non-recevoir opposées par la partie intimée et sans qu'il soit besoin de prescrire une mesure d'expertise médicale qui ne présente aucune utilité dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des éléments déjà versés au dossier ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la partie intimée, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à l'appelante la somme qu'elle demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante la somme réclamée par la partie intimée au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 10MA01254 de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la partie intimée tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Katia A, à la communauté de communes Terre de Camargue et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 10MA012542


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01254
Date de la décision : 03/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : GUENOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-04-03;10ma01254 ?
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