Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 février 2010 sous le n° 10MA00469, présentée par Me Weyl, avocat, pour Mme Annick A, M. Guy A et leur fille mineure Olivia A représentée par ses parents, demeurant ... ; Les consorts A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802634-0802695-0802697 du 23 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'Etat (ministère de l'éducation nationale) à verser, avec les intérêts au taux légal et le produit de leur capitalisation :
- à Mme Annick A une indemnité de 750.000 euros,
- à Mlle Olivia A une indemnité de 300.000 euros,
- à M. Guy A une indemnité de 100.000 euros ;
2°) de condamner l'Etat (ministère de l'éducation nationale) à verser, avec les intérêts au taux légal et le produit de leur capitalisation :
- à Mme Annick A une indemnité de 750.000 euros,
- à Mlle Olivia A une indemnité de 300.000 euros,
- à M. Guy A une indemnité de 100.000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat (ministère de l'éducation nationale) la somme de 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont chacun exposés par instance, tant en première instance que devant la Cour ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 87-546 du 17 juillet 1987 modifiant le décret n° 72-589 du 4 juillet 1972 modifié relatif à certaines dispositions statutaires concernant les instituteurs ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2012 :
- le rapport de M. Brossier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,
- et les observations de Me Weyl pour les consorts A ;
Considérant que Mme A, institutrice titulaire, demande à hauteur de 750.000 euros, au titre du préjudice matériel, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, la réparation des conséquences dommageables de différents actes du recteur de l'Hérault qui ont ponctué sa carrière à compter de l'année 1998, qu'elle estime illégaux et de nature à engager la responsabilité de l'Etat (ministère de l'éducation nationale), tant du fait de leur caractère intrinsèquement illégal que de leur répétition qualifiée "d'obstinée", se plaçant ainsi également sur le terrain du harcèlement moral ; que son mari et sa fille se joignent à sa demande indemnitaire en faisant état de leur préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de la cellule familiale qu'ils estiment spécifiques et dont ils demandent une réparation distincte à hauteur respectivement de 100.000 euros et 300.000 euros ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, issu de l'article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel..." ; qu'indépendamment des dispositions précités issues de la loi du 17 janvier 2002 introduisant la qualification de harcèlement moral dans le statut de la fonction publique et prohibant un tel harcèlement, un comportement vexatoire de l'administration à l'encontre d'un agent sur une longue durée constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme A, affectée au sein de l'école élémentaire de Fabrègues au titre de l'année scolaire 1997/1998, a, à la suite d'un incident regrettable en date du 17 octobre 1997 relatif au visionnage par des élèves d'une cassette vidéo VHS, été mise en cause par les parents d'élèves et les enseignants de cette école dans deux lettres adressées à l'inspecteur d'académie, réclamant son départ de l'école, son placement en congé de maladie, ainsi que la vérification de son aptitude physique sur le plan psychiatrique ; que par arrêt n° 03MA02435 rendu le 24 octobre 2006, la Cour de céans a estimé que les termes de ces courriers contenaient des appréciations sur Mme A d'ordre psychiatrique qui représentaient des outrages, qu'en s'abstenant de faire bénéficier dans ces conditions l'intéressée de la protection statutaire prévue par l'article 11 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, l'Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, et qu'il y avait lieu de condamner l'Etat (ministère de l'éducation nationale) à verser à Mme A une indemnité de 6.000 euros au titre de son préjudice moral ; que le ministre intimé est fondé à opposer l'autorité de la chose jugée par cet arrêt devenu définitif et que Mme A n'est pas fondée à demander une réparation supplémentaire des conséquences dommageables de cette illégalité née du refus du bénéfice de ladite protection statutaire, compte-tenu de l'identité des parties, de la cause et de l'objet du litige ; que, si désormais, M. A et sa fille demandent aussi réparation des conséquences dommageables de cette illégalité au titre des troubles dans les conditions d'existence de leur cellule familiale, ils n'établissent toutefois pas la réalité d'un préjudice spécifique distinct de celui déjà indemnisé par la Cour ;
Considérant, en deuxième lieu, que les appelants demandent réparation des conséquences dommageables du comportement, fautif selon eux, de l'administration rectorale qui aurait divulgué dans la presse des informations déconsidérant Mme A ; qu'il est exact, ainsi que l'a indiqué l'arrêt n° 03MA02345 susmentionné, que l'aptitude de l'intéressée avait été mise en cause par un responsable du rectorat dans un article publié dans le journal "Midi Libre" du 16 septembre 1998 et son comportement général critiqué dans plusieurs autres journaux locaux ; que toutefois, il résulte de l'instruction que dans une première instance n° 99.2121, l'intéressée avait demandé au tribunal administratif de Montpellier "d'ordonner" à l'administration de réparer le préjudice ainsi subi, "en désavouant publiquement" les comportements dont elle a été victime dans trois quotidiens régionaux, dans deux quotidiens nationaux et dans deux revues professionnelles et en "condamnant "l'Etat à lui verser la somme de 32.014,29 euros représentant les coûts de publication des communiqués de presse, outre le versement d'un franc symbolique en raison de l'atteinte à sa dignité et à sa réputation" ; que par jugement n° 99.2121 du 9 octobre 2003, le tribunal a rejeté cette demande ; que si l'intéressée a fait appel de ce jugement, en demandant à la Cour "d'ordonner la publication de tout communiqué de presse de désaveu des comportements dont elle a été victime et subsidiairement, de condamner l'Etat à lui payer une somme de 35.000 euros correspondant au coût de la publication du jugement dans plusieurs organes de presse, et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 euro à raison de l'atteinte à sa dignité et à sa réputation, et la somme de 35.000 euros à raison de l'atteinte à ses conditions matérielles ainsi qu'en réparation de tous autres chefs de préjudices", par son arrêt susmentionné n° 03MA02435, la Cour de céans a estimé que l'intéressée avait abandonné en cours d'instance d'appel de telles conclusions ; que l'autorité de la chose jugée qui s'attache ainsi à ces deux décisions juridictionnelles, en tant qu'elle porte sur l'indemnisation des conséquences dommageables de l'atteinte à la dignité de l'intéressée par voie de presse, s'oppose à toute indemnisation de l'intéressée à ce titre, compte tenu de l'identité des parties, de la cause et de l'objet du litige ; que si, désormais, M. A et sa fille demandent aussi réparation des conséquences dommageables de cette atteinte à la dignité au titre des troubles dans les conditions d'existence de leur cellule familiale, ils n'établissent toutefois pas la réalité d'un tel préjudice ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite du regrettable incident du 17 octobre 1997 et des problèmes relationnels qui l'ont suivi au cours du premier semestre de l'année 1998 et de l'été 1998, l'administration scolaire a décidé de ne pas réaffecter l'intéressée dans la même école de Fabrègues au titre de l'année scolaire 1998/1999 ; que compte-tenu du climat délétère susmentionné et des échanges de propos entre les acteurs concernés par voie de presse interposée, cette décision a été prise dans l'intérêt du service et ne peut être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée, nonobstant la circonstance que le tribunal administratif de Montpellier, par jugement n° 99.2121 du 9 octobre 2003, devenu définitif sur ce point, a annulé pour défaut de consultation de la commission administrative paritaire la décision du 15 septembre 1998 portant décharge des fonctions d'enseignement de l'intéressée ; qu'affectée à St Jean de Védas au titre de l'année scolaire 1998-1999, l'intéressée a ensuite été mutée sur une école d'une autre commune au titre de l'année scolaire 1999-2000, puis à nouveau sur une école d'une autre commune au titre de l'année scolaire 2000-2001 ; qu'aucun élément versé au dossier ne permet d'établir que ces deux mutations auraient été prises, en l'absence de tout intérêt du service, dans le seul but de nuire à Mme A ; qu'en revanche, aucun élément versé au dossier ne permet aussi d'expliquer pourquoi l'intéressée a subi cette instabilité dans ses affectations, alors qu'elle avait été institutrice pendant 22 ans, de 1975 à 1997, au sein de l'école Lantissargues de Montpellier et qu'elle n'avait pas demandé à être institutrice remplaçante sur des emplois ponctuellement vacants ; qu'en outre, par jugement n° 00.5227-01.4453-02.962 du 9 octobre 2003 devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions de l'inspecteur d'Académie de l'Hérault affectant l'intéressé à l'école élémentaire de Mireval et à l'école élémentaire "Les Pilettes" à Saint-Georges d'Orques, à nouveau pour défaut de consultation de la commission administrative paritaire ;
Considérant, en quatrième lieu et s'agissant de l'année scolaire 2001-2002, que Mme A a été placée en congé maladie pour la période allant du 10 septembre 2001 au 9 juin 2002 ; que malgré la demande de réintégration de l'intéressée, le congé a été prolongé pour longue maladie psychiatrique sur une période de 6 mois jusqu'au 10 décembre 2002, par deux décisions des 8 juillet 2002 et 17 septembre 2002, puis régulièrement par décisions des 10 janvier 2003, 17 juillet 2003, 9 décembre 2003 et 26 mai 2004 ; que les appelants invoquent les conséquences dommageables de ce placement en congé de longue maladie qu'ils estiment injustifié ; qu'il résulte de l'instruction que ces décisions de l'administration rectorale de prolonger d'office le congé de l'intéressée ont été prises notamment sur le fondement de deux rapports du Dr C des
11 décembre 2002 et 30 juin 2003 faisant état d'une psychose paranoïaque avec délire interprétatif ; que les deux premières décisions de prolongations des 8 juillet 2002 et 17 septembre 2002 ont été annulées pour excès de pouvoir par le conseil d'Etat, par arrêt n° 63068 du 25 novembre 2005, au motif d'une violation du principe du contradictoire devant le comité médical départemental, l'intéressée n'ayant pu se présenter avec son médecin traitant ; que les décisions suivantes de prolongation susmentionnées ont toutes été annulées pour excès de pouvoir, par jugement devenu définitif du tribunal administratif de Montpellier n° 0301134-0303944-0400853-0403472-0405595 en date du
6 avril 2005, au motif d'une erreur d'appréciation de l'état de santé de l'intéressée, sur la base d'un rapport d'expertise rendu le 26 février 2004 par le Dr D dans le cadre d'une procédure juridictionnelle ; que le même jugement a en outre annulé, pour le même motif, les deux décisions ayant rejeté la demande de réintégration formée par l'intéressée au titre de l'année scolaire 2004-2005 ; qu'il ressort effectivement clairement de ce rapport d'expertise, rendu à l'issue d'une procédure contradictoire et qui critique sérieusement et de façon très circonstanciée l'analyse du Dr C, que l'état psychotique au long cours censé être "caractérisé" chez Mme A ne l'est pas et que cette dernière était tout à fait apte à reprendre son travail à compter du 12 décembre 2002 ; qu'il s'ensuit que l'administration rectorale a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en plaçant l'intéressée à compter de cette date en congé de longue maladie pour une pathologie psychiatrique grave non avérée et avoir refusé de la réintégrer dans son service sur une période de près de trois ans ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'à la suite de la réintégration de Mme A dans ses fonctions d'institutrice au titre de l'année scolaire 2005-2006, le rapport de son inspection du
15 novembre 2005 ne contient aucune remarque négative quant à sa manière de servir, mais se focalise sur la nécessité pour l'intéressée de s'intégrer après des années de conflit avec son administration, dont il a été vu que l'intéressée n'était que la victime ; que l'intéressée a été mutée dans l'intérêt du service en cours d'année scolaire le 14 avril 2006 à Juvignac, et que cette mutation a été suivie d'une saisine du comité médical départemental par l'administration pour avis sur son aptitude mentale ; que le comité médical départemental a émis un avis le 26 juillet 2006 d'inaptitude totale et définitive à toute fonction, sur la base notamment d'un avis du Dr E du 23 mai 2006 faisant état de troubles graves de la personnalité de type paranoïaque sensitif décompensé ; que l'administration rectorale, ayant alors placé l'intéressée en congé de maladie ordinaire en refusant toute imputabilité au service, et sans entamer une procédure de mise à la retraite d'office avec saisine du commission de réforme, a invité le
2 octobre 2006 l'intéressée à solliciter elle-même sa mise à la retraite pour invalidité, ce qu'elle a refusé ; qu'au bout de 6 mois de congé de maladie ordinaire lors du renouvellement dudit congé, le médecin inspecteur de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de l'Hérault a saisi pour avis un nouvel expert psychiatrique, le Dr F, lequel, dans son rapport du
2 juillet 2007, fait état d'un tableau clinique non pathologique identique à celui décrit par le Dr D
3 ans plus tôt, sans signe de dissociation ou de discordance, et indique que, si la longue situation conflictuelle dans laquelle l'intéressée s'est trouvée ait pu faire évoquer un tableau de type paranoïaque compte tenu de la multiplication des recours juridictionnels, il s'agissait d'un mécanisme défensif, inscrit dans un contexte événementiel né de l'incident du 17 octobre 1997 ;
Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de tout ce qui précède qu'à la suite d'un incident le 17 octobre 1997, particulièrement déstabilisant sur le plan des repères sociaux et relationnels, et pour lequel aucune pièce versée au dossier par l'administration ne permet d'estimer que Mme A ait eu une quelconque responsabilité, cette dernière a connu de la part de l'administration rectorale dans la gestion de sa carrière une succession de fait vexatoires répétés ; qu'en effet, Mme A a subi d'abord le refus illégal de son administration de la faire bénéficier de la protection juridique, circonstance déjà retenue par le juge pour la faire bénéficier à ce titre d'une indemnisation spécifique ; qu'elle a été mutée ensuite chaque année sur des postes différents pendant trois ans, alors que sa carrière avant l'incident du 17 octobre 1997 n'avait pas connu une telle instabilité que ne justifie pas la circonstance que l'illégalité de chacune de ces trois mutations ne soit pas établie individuellement pour absence d'intérêt du service ; qu'il résulte également de l'instruction que le déroulement de sa carrière a été entachée à plusieurs reprises d'actes illégaux du fait du non-respect de ses droits de la défense ou de l'absence de saisine de la commission administrative paritaire, illégalités externes constatées par plusieurs décisions juridictionnelles qui ont annulé à ce titre les décisions du 15 septembre 1998 portant décharge d'enseignement, du 25 septembre 2008 infligeant un blâme, du 29 août 2001 portant affectation, du 3 décembre 2001 portant affectation ; qu'il résulte surtout de l'instruction que l'intéressée a été placée illégalement en congé de longue maladie pendant 3 ans pour pathologie psychiatrique non avérée, ce qui a été constaté par décision juridictionnelle ; que l'administration a persévéré dans sa démarche de lente éviction en invitant l'intéressée, réintégrée à l'issue de ce placement en congé illégal, à solliciter une mise à la retraite pour invalidité pour pathologie psychiatrique, sans que cela soit justifié ; qu'il ne peut être reproché à l'intéressée d'avoir intenté de nombreux procès contre son administration, qu'elle a au demeurant gagnés pour la plupart, circonstance qui ne saurait caractériser à elle seule, comme l'indiquent les experts D et F, la réalité d'une personnalité paranoïaque délirante, alors que cette circonstance était prépondérante dans le diagnostic des rapports des Dr C et E ; qu'ainsi, l'ensemble de ces faits vexatoires répétés sur une longue période, et pris dans leur ensemble, doivent être regardés comme constitutif d'un harcèlement moral et par suite de nature à engager la responsabilité de l'administration ; qu'au surplus, la circonstance spécifique, au sein de ces faits, d'avoir placé illégalement l'intéressée en congé de longue maladie pour une pathologie psychiatrique lourde non avérée, est en elle-même constitutive d'une faute distincte de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
Considérant qu'il résulte tout de ce qui précède que les consorts A sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ; qu'il y a lieu pour la Cour de statuer sur leurs conclusions indemnitaires par l'effet dévolutif de l'appel ;
En ce qui concerne le préjudice matériel de Mme A :
Considérant qu'il est constant qu'en exécution des annulations susmentionnées pour excès de pouvoir des différents actes illégaux qui ont ponctué la carrière de Mme A, cette dernière a bénéficié d'une reconstitution de carrière ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle n'invoque de façon précise et chiffrée, calcul à l'appui, aucun préjudice financier né d'une perte de revenus ; qu'elle n'apporte aucun élément suffisamment probant de nature à établir une perte de chances sérieuses de promotion ; qu'elle se contente d'indiquer que sa rémunération a été diminuée lors de sa période de congé illégale, sans justification quant aux difficultés de trésorerie alléguées ; que, dans ces conditions, le préjudice matériel invoqué n'est pas établi ;
En ce qui concerne le préjudice moral des consorts A :
Considérant, d'une part et s'agissant de Mme A, ainsi qu'il a été dit, qu'il résulte de l'instruction que depuis l'année 1998, cette dernière a subi un ensemble répété d'actes vexatoires dans sa carrière constitutifs, dans leur ensemble, d'un harcèlement moral sur une longue période ; que parmi ces actes et sur cette période figure au surplus la faute spécifique d'avoir placé illégalement l'intéressée en congé de longue maladie pendant 3 ans pour une affectation psychiatrique lourde non caractérisée, ce qui a particulièrement porté atteinte à son honneur ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en allouant à l'intéressée la somme de 15.000 euros au titre de son préjudice moral ;
Considérant, d'autre part et s'agissant de M. A et de sa fille Mlle A, qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en leur allouant la somme de 3.000 euros chacun au titre de leur préjudice spécifique d'avoir dû supporter moralement l'affirmation erronée que leur épouse et mère était gravement atteinte sur un plan psychiatrique ;
En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence des consorts A :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la cellule familiale constituée des consorts appelants a dû subir sarcasmes et quolibets dans son entourage, du fait de la prétendue "folie" de Mme A, tant s'agissant de leur voisinage dans le village de Fabrègues, où ils habitaient dès 1997 et habitent toujours, qu'au sein même dans l'école de Fabrègues où était scolarisée Mlle A ; que ce préjudice est en lien suffisamment direct et certain avec la faute susmentionnée de l'avoir placée illégalement en congé de longue maladie pour pathologie psychiatrique ; qu'il sera fait à ce titre une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A et Mlle A en leur allouant à chacun la somme de 7.000 euros ;
Considérant, d'autre part, que Mme A, née en 1952, établit de façon sérieuse qu'elle a subi des troubles dans les conditions d'existence, nés non seulement de la faute de l'avoir placée illégalement pendant trois ans en congé longue maladie psychiatrique, mais également du harcèlement moral qu'elle a subi sur une période courant de l'année 1998 jusqu'à son départ à la retraite, les éléments versés au dossier établissant à ce titre de façon suffisamment sérieuse que ce harcèlement moral l'a poussée à accepter sa mise à la retraite de façon anticipée ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en allouant à Mme A la somme de 25.000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à demander à la Cour de condamner l'Etat (ministre de l'éducation nationale) à lui verser une indemnité de 40.000 euros ; que M. A et Mlle A sont fondés à demander à la Cour de condamner l'Etat (ministre de l'éducation nationale) à verser, à chacun d'eux, une indemnité de 10.000 euros;
Sur les intérêts au taux légal :
S'agissant de l'article 1153 du code civil :
Considérant qu'en application de l'article 1153 du code civil, les trois sommes susmentionnées de 40.000 euros, 10.000 euros et 10.000 euros portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la réclamation préalable commune des trois appelants formulées le 28 mars 2008 ; qu'en l'absence toutefois de pièce probante quant à la date de réception de cette réclamation, les intérêts au taux légal courront sur la somme susmentionnée de 40.000 euros à compter du 27 juin 2008, date d'enregistrement de la requête introductive de première instance de Mme A, et sur les sommes susmentionnée de 10.000 euros à compter du 30 juin 2008, date d'enregistrement des requêtes introductives de première instance de Mlle A et M. A ;
S'agissant de l'article 1154 du code civil :
Considérant que Mme A, M. A et Mlle A ayant demandé chacun le bénéfice de la capitalisation des intérêts au taux légal dans leur requête introductive de première instance, en application de l'article 1154 du code civil, ceux-ci porteront eux-mêmes intérêts à l'issue d'une période d'un an échue à compter de la date d'enregistrement de leur requête introductive de première instance, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ministre de l'éducation nationale) la somme de 1.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, montant qui est réclamé par les consorts A en remboursement de leurs frais exposés et non compris les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A une indemnité de 40.000 euros (quarante mille euros).
Article 3 : Cette somme de 40.000 euros (quarante mille euros) portera intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2008. Les intérêts porteront intérêts au 27 juin 2009 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à M. A une indemnité de 10.000 euros (dix mille euros).
Article 5 : Cette somme de 10.000 euros (dix mille euros) portera intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2008. Les intérêts porteront intérêts au 30 juin 2009 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 6 : L'Etat est condamné à verser à Mlle A une indemnité de 10.000 euros (dix mille euros).
Article 7 : Cette somme de 10.000 euros (dix mille euros) portera intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2008. Les intérêts porteront intérêts au 30 juin 2009 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 8 : L'Etat versera aux consorts A la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 9 : Le surplus des conclusions de la requête n° 10MA00469 des consorts A est rejeté.
Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Annick A, à M. Guy A, à leur fille mineure Olivia A et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
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N° 10MA004692