Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2009, présentée pour M. Jean-Claude A, domicilié ... par Me Ascencio ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701165 du 19 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 2003 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition précitée et subsidiairement d'en décider la réduction ;
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3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2012 :
- le rapport de M. Lemaitre, président-rapporteur ;
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
Considérant que M. A, qui exerce la profession de médecin gastro-entérologue, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ; que dans le cadre d'un contrat verbal à durée indéterminée, il a été autorisé à pratiquer sa discipline au sein de la clinique Monticelli, située 88 rue du Commandant Rolland à Marseille (8ème arrondissement), en utilisant ses locaux et son matériel et en disposant de son personnel ; que cet accord a été rompu, en 1996, à l'initiative de la clinique ; que par un jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 28 mars 2002, la clinique Monticelli a été condamnée à lui verser une indemnité de 36 587, 76 euros ; que cette somme, perçue au cours de l'année 2003, a été regardée par l'administration, après déduction des frais d'avocat, comme correspondant à une recette professionnelle passible de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que selon la proposition de rectification du 30 novembre 2005, le montant de l'indemnité imposée représente 32 320 euros ; que par le jugement attaqué du 19 janvier 2009, le tribunal administratif de Marseille a confirmé le bien-fondé de cette imposition en rejetant la demande à fin de décharge présentée devant lui par M. A ; que celui-ci relève appel de ce jugement en demandant la décharge, et à défaut la réduction, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui a été assignée, au titre de l'année 2003, à raison de l'indemnité que lui a versée la clinique Monticelli ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant en premier lieu, que M. A soutient que la procédure d'imposition est irrégulière en raison du défaut de saisine de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que les dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales et la doctrine tirée de l'instruction administrative 13 M 1-05 n°14 du 18 avril 2005, ont été méconnues dès lors que ladite commission est compétente pour apprécier les faits qui participent à la qualification juridique d'une opération ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 2004 n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 qui est applicable en l'espèce : " La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant (...) du bénéfice non commercial " ; que l'avis de la commission départementale prévu par ces dispositions ne peut porter que sur des questions de fait ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le désaccord entre M. A et l'administration fiscale portait sur la question de savoir si l'indemnité forfaitaire, qui lui a été versée par la clinique Monticelli, était destinée à réparer un préjudice ne revêtant pas le caractère d'un revenu imposable ou s'il s'agissait d'un revenu professionnel relevant de l'impôt sur le revenu ; qu'un tel litige, même s'il nécessitait l'examen de circonstances de fait, portait en réalité sur la qualification juridique à donner à l'indemnité versée ; qu'il s'agissait ainsi d'une question de droit échappant à la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que si le requérant entend se prévaloir de la doctrine tirée de l'instruction administrative 13 M 1-05 n°14 du 18 avril 2005, celle-ci est relative à la procédure d'imposition, et ne constitue pas à ce titre une interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'au surplus, cette doctrine ne saurait être utilement invoquée dès lors qu'elle est postérieure à l'année en litige ; que par suite, le moyen tiré d'une irrégularité de procédure en raison du défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit être écarté ;
Considérant en deuxième lieu, que si le requérant soutient, sans autre précision, que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des citoyens aurait été selon lui méconnu, en tout état de cause, des conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des majorations de retard dont ils sont assortis, ne constituent ni une contestation sur des droits et obligations de caractère civil, ni une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que par suite, M. A ne saurait utilement prétendre que les stipulations dudit article auraient été méconnues ;
Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables " ; que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, prévoit qu'une vérification repose avant tout sur un dialogue avec le vérificateur qui repose pour l'essentiel sur un débat oral qui se déroule sur le lieu du contrôle ; que si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée ; que, dans cette hypothèse, il appartient au requérant d'apporter la preuve que l'entreprise a été privée des garanties ayant pour objet d'assurer aux contribuables la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
Considérant que M. A soutient que le vérificateur ne s'étant rendu que deux fois, non pas dans l'entreprise mais à son domicile, et l'entrevue n'ayant duré à chaque fois que deux heures, le débat oral et contradictoire aurait été selon lui insuffisant au regard de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; qu'en l'espèce, l'administration a procédé à la vérification de la comptabilité du requérant à l'adresse de son domicile, où le requérant exerce sa profession ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis de vérification de comptabilité du 25 octobre 2005 avait précisé à M. A que le vérificateur se rendrait à son bureau ; que ce dernier ne s'y est pas opposé de quelque manière que ce soit ; que dans ces circonstances, il appartient au requérant, qui entend se prévaloir d'une insuffisance du débat contradictoire, d'apporter la preuve que les deux entrevues avec le vérificateur pour dialoguer sur le redressement litigieux, qui est de portée limitée, auraient été insuffisantes ; qu'en l'absence d'une telle preuve, ce moyen doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 93-1 du code général des impôts : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent de recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert de clientèle " ; qu'aux termes de l'article 93 quater de ce code : " Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies " ; qu'aux termes de l'article 39 duodecies du même code : " (...) 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a) Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans (...) b) Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt (...) 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. " ;
Considérant que pour soutenir que l'indemnisation litigieuse n'est pas imposable, M. A fait valoir, à titre principal, que le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 28 mars 2002, qui a statué sur le litige l'opposant à la clinique Monticelli, n'a pas entendu indemniser une perte de recettes professionnelles, mais qu'il a réparé un préjudice moral résultant d'une perte de chance d'exercer sa profession dans les locaux de la clinique Monticelli et de son droit de soigner les patients de cet établissement ; que subsidiairement, il fait valoir que le droit d'utiliser les locaux, le matériel et le personnel de la clinique et la possibilité de soigner les patients de l'établissement présentait le caractère d'un actif professionnel devant être imposé selon le régime des plus-values à long terme et non dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
Considérant qu'il ressort des termes du jugement précité que les seize praticiens qui ont assigné la clinique Monticelli devant le tribunal de grande instance de Marseille, intervenaient ponctuellement dans cette clinique et qu'ils partageaient leur activité entre différents établissements de soins et cabinets en ville ; que ce jugement se réfère au rapport d'expertise déposé le 9 juillet 1977 pour souligner que " les demandeurs exerçaient à titre libéral en ville et que la plupart d'entre eux disposaient de lits dans un autre établissement de soins marseillais, ce dernier élément expliquant sans soute la faiblesse du taux d'occupation des lits d'hospitalisation au sein de la clinique avant la rupture du contrat " ; que ce jugement condamne la clinique Monticelli à indemniser chacun des praticiens au seul motif que la résiliation du contrat verbal est intervenue en l'absence d'un délai de préavis suffisant ; que cette indemnité, qui n'entre pas au nombre de celles reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle, puisque l'intéressé n'est contraint ni de cesser l'exercice de sa profession ni de renoncer à tout ou partie de sa clientèle qu'il est en mesure de conserver et de transférer à son cabinet ou dans un autre établissement, a pour contrepartie l'obligation de quitter les lieux et doit être regardée comme compensant principalement le préjudice qu'il a subi dans l'organisation de sa profession libérale, à raison des frais, des pertes temporaires de recettes professionnelles et des troubles dans l'exercice de celle-ci qui ont été causés par ce transfert partiel de son activité ; que le motif tiré de l'insuffisance du délai de préavis, qui a été retenu par le jugement du tribunal de grande instance de Marseille précité, n'exclut pas toutefois un dédommagement au titre du préjudice moral ; qu'il sera dès lors fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce, en fixant à 80 % la part de l'indemnisation présentant un caractère imposable et à 20 % celle correspondant à la réparation d'un préjudice moral ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A, qui ne peut utilement soutenir, à titre subsidiaire, que ce transfert partiel d'activité constituerait la perte d'un élément d'actif professionnel, est seulement fondé à demander la réduction du montant de l'indemnité imposable à hauteur de 20 % soit 6 464 euros (32 320 euros X 0, 20) ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie essentiellement perdante, la somme que M. TRONCONIréclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. Jean-Claude A au titre de l'année 2003 est réduite d'une somme de 6 464 euros.
Article 2 : M. Jean-Claude A est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu correspondant à la réduction de base mentionnée à l'article 1er ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Article 3 : Le jugement n° 0701165 du 19 janvier 2009 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Jean-Claude A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude A et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal sud-est.
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N° 09MA00995