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27/03/2012 | FRANCE | N°10MA02840

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 27 mars 2012, 10MA02840


Vu la requête enregistrée le 22 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA02840, présentée pour l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE, représentée par son président en exercice, dont le siège social est sis Foyer Alexandrine Popineau, Promenade Pierre Blancard à Aubagne (13400), par la SELARL d'avocats Perie-Imbert-Olmer ;

L'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703777 du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. A, la décisi

on en date du 4 avril 2007 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi...

Vu la requête enregistrée le 22 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA02840, présentée pour l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE, représentée par son président en exercice, dont le siège social est sis Foyer Alexandrine Popineau, Promenade Pierre Blancard à Aubagne (13400), par la SELARL d'avocats Perie-Imbert-Olmer ;

L'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703777 du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. A, la décision en date du 4 avril 2007 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2006 refusant l'autorisation de licenciement de l'intéressé et, d'autre part, autorisé son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de M. A une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2012 :

- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Sooben, substituant la SELARL d'avocats Perie-Imbert-Olmer, pour l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE, et de Me Carta pour M. A ;

Considérant que M. A a été embauché en 2002 en qualité d'aide-soignant par l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE ( APF ) au sein de l'établissement du Foyer de vie Popineau géré par cette dernière et accueillant des personnes handicapées moteur ; que, le 10 août 2006, l'APF a saisi l'inspecteur du travail de la 7ème section des Bouches-du-Rhône d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, de ce salarié protégé élu en octobre 2004 en qualité de membre suppléant du comité d'établissement ; que, par une décision du 10 octobre 2006, l'inspecteur du travail, après avoir organisé une enquête contradictoire, a refusé l'autorisation de licenciement sollicitée ; que l'APF a formé devant le ministre du travail un recours hiérarchique par un courrier du 27 novembre 2006, reçu le 4 décembre suivant ; que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, après avoir mené le 6 février 2007 une nouvelle enquête contradictoire a, par une décision du 4 avril 2007, d'une part, annulé la décision de refus de l'inspecteur du travail et, d'autre part, autorisé le licenciement de M. A ; que l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE relève appel du jugement n° 0703777 du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. A, la décision ministérielle du 4 avril 2007 ; que, dans le cadre de la présente instance, le ministre du travail de l'emploi et de la santé a conclu à l'annulation de ce même jugement ;

Sur la légalité de la décision ministérielle du 4 avril 2007 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours du ministre ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement était motivée par le fait que M. A s'était rendu coupable, d'une part, de retards répétés sans justification, d'autre part, de dénigrements et accusations non fondés à l'encontre de la direction devant des membres du personnel et des résidents, et enfin de pressions et manipulations exercées sur certains membres du personnel et résidents ; que, pour autoriser, par la décision contestée du 4 avril 2007, le licenciement de M. A, le ministre a considéré, d'une part, que seul le troisième grief, tiré de l'existence de pressions, voire de harcèlement, sur une résidente, en vue de faire établir par cette dernière une attestation critiquant l'attitude de la direction de l'APF du fait de l'absence d'accompagnement de cette résidente jusqu'à l'aéroport dans le cadre d'un voyage personnel, constituait une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier le licenciement de M. A et, d'autre part, qu'il n'était pas établi que ce licenciement était en lien avec le mandat détenu par ce dernier ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 436-1 du code du travail, alors en vigueur, relatif aux conditions de licenciement des représentants du personnel : " Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical prévu à l'article L. 433-1 est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. " ; qu'aux termes de l'article R. 436-4 du même code, désormais repris à l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. " ;

Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes et qu'il implique, en outre, que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations ; que, toutefois, lorsque l'accès à ces témoignages et attestations serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ; que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail impose également à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que, toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont fait valoir, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour autoriser le licenciement de M. A, le ministre du travail a exclusivement retenu le grief invoqué par l'employeur, tiré des pressions qui auraient été exercées par M. A sur une résidente afin que cette dernière établisse une attestation critique à l'égard de la direction de l'association et que le ministre, pour considérer que ces faits étaient matériellement établis, a pris en compte, d'une part, le témoignage de la résidente concernée retranscrit, sur un document non daté, par le responsable du secteur des personnes handicapées et la présidente de l'association et, d'autre part, un document, qualifié d'attestation, postérieur à la décision de l'inspecteur du travail mais antérieur à la décision ministérielle, retraçant les déclarations de la résidente, signé le 31 octobre 2006 par un orthophoniste et le 9 novembre 2006 par un médecin généraliste, en qualité de témoins ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'APF, le ministre n'a pas pris en compte également le comportement général du salarié mais a fondé sa décision sur les deux documents précités ; qu'il n'est pas contesté que les deux documents en cause n'ont pas été communiqués à M. A ; que si, comme le fait valoir l'APF, et ainsi que l'a d'ailleurs estimé le Tribunal administratif, l'autorité administrative pouvait légalement, en l'espèce, se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de la teneur de ces documents dans la mesure où, compte tenu de la fragilité de la résidente concernée, l'accès par le salarié protégé aux déclarations et témoignages de cette dernière pouvait être de nature à lui porter préjudice, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail ou le ministre auraient porté à la connaissance du salarié protégé la teneur de ces documents, alors que M. A a affirmé tant en première instance qu'en appel n'avoir été informé ni de l'existence de ces documents ni de leur teneur ; qu'en particulier, il n'est pas établi que, comme le soutient l'APF, le ministre aurait, au cours de l'enquête contradictoire qu'il a lui-même organisée, informé M. A de façon circonstanciée de la teneur des documents en cause ; qu'il résulte, en outre, de l'examen du procès-verbal de la réunion du 9 août 2006 du comité d'établissement que seuls les faits qui étaient reprochés à M. A ont été portés à la connaissance de ce dernier et non la teneur des documents en cause ; que, par ailleurs, si l'APF fait valoir que M. A avait connaissance de ces documents puisqu'il les a produits devant le Tribunal administratif, il ressort des pièces du dossier, notamment des justificatifs produits par M. A devant la Cour, que les documents en litige n'ont été communiqués par le ministre du travail à l'intéressé qu'à la suite d'une demande en ce sens effectuée au cours de l'instance devant le Tribunal administratif ; qu'enfin, dès lors que le caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail impose à l'administration non seulement d'informer le salarié des agissements qui lui sont reprochés mais également, dans les limites ci-dessus précisées, de la teneur des témoignages et attestations recueillis par l'inspecteur du travail et qu'en l'espèce une telle information n'a pas été donnée à M. A, l'APF ne peut utilement faire valoir que les droits de la défense n'ont pas été méconnus au motif que M. A aurait été clairement informé des raisons pour lesquelles une autorisation de licenciement était sollicitée, tant lors de la séance du comité d'établissement que par l'inspecteur du travail et le ministre ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges, qui n'ont pas commis ce faisant d'erreur d'appréciation, ont estimé que la décision ministérielle du 4 avril 2007 était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions précitées de l'article R. 436-4 du code du travail ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE et le ministre du travail, de l'emploi et de la santé ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 mai 2010, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 4 avril 2007 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2006 refusant l'autorisation de licenciement de M. A et, d'autre part, autorisé son licenciement ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE et de l'Etat, pour chacun d'entre eux, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE et le recours du ministre du travail, de l'emploi et de la santé sont rejetés.

Article 2 : L'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE et l'Etat (ministère du travail, de l'emploi et de la santé) verseront, chacun, à M. A une somme de 1 000 (mille) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE, à M. Mohammed A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA02840
Date de la décision : 27/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Modalités d'instruction de la demande. Enquête contradictoire.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL PERIE - IMBERT - OLMER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-03-27;10ma02840 ?
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