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20/12/2011 | FRANCE | N°10MA00435

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2011, 10MA00435


Vu la requête, enregistrée le 2 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA00435, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par Me Ottan, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901116 du 3 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2009 par laquelle la directrice adjointe du travail de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Gard a autorisé Maître Marc André,

en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Etabli...

Vu la requête, enregistrée le 2 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA00435, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par Me Ottan, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901116 du 3 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2009 par laquelle la directrice adjointe du travail de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Gard a autorisé Maître Marc André, en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Etablissements Bonny, à le licencier pour motif économique ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2011 de la présidente de la Cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de Mme Isabelle Buccafurri, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 7ème Chambre ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2011 :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant que, par jugement du 3 décembre 2009, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2009 par laquelle la directrice adjointe du travail de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Gard a autorisé Me Marc André, en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Etablissements Bonny, à le licencier ; que M. A relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de la décision du 9 mars 2009 :

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; que, au cas où la cessation totale de l'activité est prononcée à la suite d'une mise en liquidation des biens sans autorisation de poursuite d'activité, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant au ministre, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier si la possibilité d'assurer le cas échéant le reclassement du salarié dans les sociétés du groupe auquel appartient la société, dont la cessation totale d'activité a été prononcée, a été examinée ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 3253-6 du code du travail : Tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'aux termes de l'article L. 3253-8 de ce code : L'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre : (...) 2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant : (...) c) Dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ; qu'aux termes de l'article L. 3253-9 du même code : Sont également couvertes les créances résultant du licenciement des salariés bénéficiaires d'une protection particulière relative au licenciement dès lors que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, a manifesté, au cours des périodes mentionnées au 2° de l'article L. 3253-8, son intention de rompre le contrat de travail ;

Considérant que, par jugement du 3 février 2009, le Tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de la société Etablissements Bonny, spécialisée dans l'abattage et le négoce de volaille ; que, par courrier du 24 février 2009, Me André, mandataire judiciaire à la liquidation, a demandé à l'inspection du travail du Gard l'autorisation de licencier pour motif économique M. A, responsable administratif et financier adjoint et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que, par la décision contestée, l'autorisation a été accordée au regard de la cessation totale de l'activité de l'entreprise, la demande n'ayant pas de lien avec le mandat représentatif exercé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Etablissements Bonny appartient au groupe Gastronome, lui même détenu par le groupe Terrena ; que le liquidateur judiciaire a, dès l'intervention du jugement du tribunal de commerce, sollicité ces groupes en vue de connaître les possibilités de reclassement existantes, sur la base des profils d'emploi de l'entreprise, et établi une liste de cent quarante deux postes au sein des filiales des deux groupes Gastronome et Terrana, présentée au comité d'entreprise le 10 février 2009 ; que cette liste, alors même qu'elle est détaillée et qu'elle est accompagnée de mesures d'aide à la mobilité, ne concerne que des emplois disponibles auxquels l'ensemble des salariés licenciés pouvait faire acte de candidature, certains ne correspondant manifestement pas à la qualification de M. A ; qu'aucun examen individualisé des possibilités de reclassement de ce dernier n'a été effectué ; que, si la procédure doit nécessairement être conduite assez rapidement, le délai de quinze jours suivant le jugement de liquidation, prévu par l'article L. 3253-8 du code du travail pour l'assurance des créances résultant de la rupture des contrats de travail, ne fait pas obstacle au respect intégral de l'obligation de reclassement d'un salarié protégé dès lors qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 3253-9 du même code que seule l'intention de licencier un tel salarié doit être manifestée dans les quinze jours et non pas que l'ensemble de la procédure doit être menée à son terme dans ce délai ; que, dans ces conditions, Me André ne peut être regardé comme ayant procédé à une recherche suffisante en vue du reclassement de M. A et, par suite, comme ayant exécuté son obligation en la matière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par suite, il est fondé à demander l'annulation dudit jugement et de la décision contestée du 9 mars 2009 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Me André demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 200 euros au titre des mêmes frais ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 3 décembre 2009 et la décision du 9 mars 2009 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 200 (deux cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de Me André tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Emmanuel A, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à Maître André.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00435
Date de la décision : 20/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : OTTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-12-20;10ma00435 ?
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