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20/12/2011 | FRANCE | N°07MA01441

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2011, 07MA01441


Vu, I, sous le n° 07MA01441, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 24 avril 2007, présentée pour M. René A, demeurant ..., par Me Bonnefoy-Claudet, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0400735 du tribunal administratif de Marseille en date du 22 février 2007 en tant qu'il a limité à la somme de 20.000 euros l'indemnité allouée en réparation des préjudices subis ;

2°) de condamner la commune de la Ciotat à lui payer, en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des décisions illégales et du comportement fautif de l'

administration pendant plusieurs années, la somme de 156.888 euros augmentée des i...

Vu, I, sous le n° 07MA01441, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 24 avril 2007, présentée pour M. René A, demeurant ..., par Me Bonnefoy-Claudet, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0400735 du tribunal administratif de Marseille en date du 22 février 2007 en tant qu'il a limité à la somme de 20.000 euros l'indemnité allouée en réparation des préjudices subis ;

2°) de condamner la commune de la Ciotat à lui payer, en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des décisions illégales et du comportement fautif de l'administration pendant plusieurs années, la somme de 156.888 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2003, date de réception de la demande préalable, eux-mêmes capitalisés à la date du 30 janvier 2005, ainsi qu'à chaque échéance ultérieure ;

3°) de condamner la commune de la Ciotat à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, II, sous le n° 07MA01401, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 23 avril 2007, présentée pour la COMMUNE DE LA CIOTAT, représenté par son maire en exercice, par Me Vier, avocat ; LA COMMUNE DE LA CIOTAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400735 du 22 février 2007 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à M. René B la somme de 20.000 euros au titre des préjudices subis par ce dernier du fait des décisions illégales prises à son égard, avec intérêts au taux légal à compter de la décision de réception de sa demande préalable et capitalisation des intérêts à compter du 30 janvier 2005 ;

2°) de rejeter la requête de M. B ;

3°) de condamner M. B à lui verser la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 88-547 du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emploi des agents de maîtrise territoriaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

- les observations de Me Bonnefoy-Claudet, pour M. A,

- et les observations de Me Gargam, de la SCP d'avocats Vier Matuchansky et Vexliard, pour la COMMUNE DE LA CIOTAT ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes n° 07MA01441 de M. A et n° 07MA01401 de la COMMUNE DE LA CIOTAT sont dirigées contre le même jugement n° 0400735 du tribunal administratif de Marseille, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur l'exposé du litige :

Considérant que M. A, recruté par la COMMUNE DE LA CIOTAT en décembre 1973, a été nommé au grade d'agent de maîtrise territorial le 1er janvier 1990 et promu, le 5 décembre 1996, au 11ème échelon de ce grade ; qu'il a obtenu des juridictions administratives l'annulation de ses notations établies pour les années 1996 à 2002, à l'exception de l'année 2001, du changement d'affectation dont il avait été l'objet en août 1998, du refus opposé par la commune le 11 juin 2003 de le réaffecter dans ses précédentes fonctions, ainsi que du tableau d'avancement au grade d'agent de maîtrise qualifié pour l'année 2003 ; que par la requête n° 07MA001441, M. A demande la réformation du jugement n° 0400735 du tribunal administratif de Marseille en date du 22 février 2007 en tant qu'il limite à la somme de 20.000 euros la réparation du préjudice de carrière et du préjudice moral résultant de ces diverses illégalités ; que par la requête n° 07MA001401, la COMMUNE DE LA CIOTAT demande la réformation de ce même jugement en soutenant que les préjudices allégués ne sont pas établis ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que la COMMUNE DE LA CIOTAT soutient que le tribunal a insuffisamment motivé sa décision en ne répondant pas au moyen tiré de ce que le maire de la Ciotat avait toute liberté pour promouvoir ou non M. A, ni au moyen pris de ce que l'inscription sur une liste d'aptitude ou sur un tableau d'avancement ne valait pas obligation de nomination ; que ces considérations constituent toutefois des arguments au soutien du moyen relatif à l'absence de préjudice indemnisable, auquel le tribunal a répondu de façon circonstanciée ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Marseille et le Conseil d'Etat ont annulé, par des décisions devenues définitives, les notations chiffrées de M. A établies pour les années 1996 à 2002, à l'exception de 2001 ; que par décision du 7 mai 2009, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi formé par la COMMUNE DE LA CIOTAT à l'encontre du jugement du 22 février 2007 par lequel le tribunal administratif de Marseille avait annulé la décision du 4 août 1998, modifiant l'affectation de M. A, et la décision du 11 juin 2003 refusant de le réintégrer dans son précédent service, en relevant que ces décisions impliquaient une modification substantielle de la situation personnelle de l'agent, de telle sorte que la consultation préalable de la commission administrative paritaire s'imposait ; que par une décision n° 304987 et n° 325246 du 27 avril 2011, le Conseil d'Etat, se prononçant en dernier ressort sur les jugements n° 0202771 et n° 0305176 du tribunal administratif de Marseille en date du 27 novembre 2006, a annulé le tableau d'avancement au grade d'agent de maîtrise qualifié au titre de l'année 2003 mais confirmé la légalité du tableau établi pour 2002 et des listes d'aptitude à l'emploi de contrôleur de travaux pour les années 2002 et 2003 en considérant que la

non-inscription de M. A n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il en résulte que M. A est fondé à soutenir que constituent à son encontre des agissements fautifs de la COMMUNE DE LA CIOTAT l'établissement de notes chiffrées irrégulières pour six années, le changement d'affectation en août 1998, le refus de le réintégrer dans son précédent service et le refus de l'inscrire sur le tableau d'avancement au grade d'agent de maîtrise qualifié au titre de l'année 2003 ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne le préjudice financier :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A peut être regardé comme ayant perdu une chance sérieuse d'être inscrit au tableau d'avancement d'agent de maîtrise qualifié établi le 20 mai 2003, compte tenu de la notation qu'il a obtenue au titre de cette année, qui le décrivait comme un bon collaborateur, son supérieur hiérarchique allant jusqu'à proposer un avancement en qualité de contrôleur des travaux ; que la perte de rémunération supportée par M. A, qui a accédé à ce grade le 1er août 2006, porte sur la période de juin 2003 au 1er août 2006 et se traduit par une perte de 22 points d'indice ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, pour la période considérée, à la somme de 3.000 euros ;

Considérant qu'en revanche, M. A n'apporte d'éléments précis de nature à démontrer qu'il aurait été privé d'une prime informatique de façon irrégulière ; qu'il n'est pas établi que cette prime, dont la commune de la Ciotat soutient au demeurant sans être sérieusement contredite que son versement était subordonné à des critères irréguliers qu'elle s'est ensuite trouvée dans l'obligation de modifier, était liée aux fonctions de chef magasinier, à la gestion du stock de matériel ou à la facturation ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

Considérant que s'il n'est pas établi que les notations illégales dont a fait l'objet M. A aient pu affecter le déroulement de sa carrière, dès lors que l'irrégularité entachant l'instruction municipale en date du 7 mars 1997, qui fixait le nouveau barème de notation, a concerné les notations de l'ensemble des agents communaux, qui ont tous vu leurs notations baisser, il résulte de l'instruction que cette illégalité est à l'origine d'un préjudice moral pour l'intéressé, dont la manière de servir a toujours été satisfaisante, sans que les baisses importantes de notation aient été justifiées par sa manière de servir sur la période en litige, à l'exception de l'année 1999 ; qu'il résulte également de l'instruction que M. A, chargé, jusqu'en août 1998, des achats, des consultations des fournisseurs, du contrôle de la qualité et des quantités de livraisons, ainsi que de fonctions d'encadrement au sein du service des achats, a fait l'objet d'un changement d'affectation et s'est trouvé cantonné à des tâches de suivi des fournitures de bureau et de gestion du parc de photocopieurs ; qu'alors même que ce changement d'affectation a pu être justifié par la réorganisation du service des achats et des marchés publics en une direction de la commande publique confiée à un agent de catégorie A, les circonstances dans lesquelles il est intervenu, de façon précipitée et sans consultation préalable de la commission administrative paritaire, sont à l'origine d'un préjudice moral pour M. A, qui s'est vu confier des taches qui ne correspondaient pas aux aptitudes qu'il avait démontrées jusqu'alors ; que compte tenu par ailleurs du refus persistant de la COMMUNE DE LA CIOTAT d'attribuer à M. A des fonctions correspondant à ses compétences effectives, ainsi que des conditions dans lesquelles elle a fait obstacle à son avancement, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de ce dernier en l'évaluant à la somme de 22.000 euros ;

Considérant que la COMMUNE DE LA CIOTAT doit être ainsi condamnée à verser à M. A une somme totale de 25.000 euros en réparation des divers préjudices nés des décisions irrégulières qu'elle a prises le concernant ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que la somme de 25.000 euros, ainsi allouée, portera intérêts au taux civil légal à compter du 27 novembre 2003, date de réception de la demande préalable par la COMMUNE DE LA CIOTAT ;

Considérant que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 30 janvier 2005, date à laquelle ils ont été demandés, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Considérant qu'il il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de réformer le jugement n° 0400735 du 22 février 2007 en ce qu'il a de contraire au présent arrêt et de rejeter l'appel de la COMMUNE DE LA CIOTAT enregistré sous le n° 07MA01401 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE LA CIOTAT la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par M. A, et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de rejeter les conclusions présentées par la COMMUNE DE LA CIOTAT sur le fondement de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La COMMUNE DE LA CIOTAT est condamnée à payer à M. A la somme de 25.000 euros (vingt cinq mille euros) en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des décisions illégales prises à son encontre. Les intérêts échus le 30 janvier 2005 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : La COMMUNE DE LA CIOTAT versera à M. A la somme de 2.000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées dans l'instance n° 07MA01441 par la COMMUNE DE LA CIOTAT sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La requête susvisée de la COMMUNE DE LA CIOTAT enregistrée sous le n° 07MA01401 est rejetée.

Article 5 : Le jugement n° 0400735 du tribunal administratif de Marseille en date du 22 février 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. René A, à la COMMUNE DE LA CIOTAT et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 07MA01441, 07MA014012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA01441
Date de la décision : 20/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Isabelle HOGEDEZ
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : BONNEFOY CLAUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-12-20;07ma01441 ?
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