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08/12/2011 | FRANCE | N°11MA02235

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 08 décembre 2011, 11MA02235


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 10 juin 2011, sous le n° 11MA2235, présentée pour M. Jaafar A, demeurant chez Mlle Priscillya B, ..., par Me Si Mohamed Dumon, avocat ; M. Jaafar A demande au président de la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103370 du 13 mai 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 mai 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière ;


2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-R...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 10 juin 2011, sous le n° 11MA2235, présentée pour M. Jaafar A, demeurant chez Mlle Priscillya B, ..., par Me Si Mohamed Dumon, avocat ; M. Jaafar A demande au président de la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103370 du 13 mai 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 mai 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale , ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision, en date du 1er septembre 2011, par laquelle le président de la cour a désigné Mme Lefebvre-Soppelsa pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience publique ;

Après avoir, en séance publique le 24 novembre 2011, présenté son rapport et entendu les conclusions de Mme Fédi, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou dans les sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du Tribunal administratif. Le président ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine (...) ;

Considérant, que M. Jaafar A soutient, sans autre précision, que le délai de huit jours qui lui a été imparti par l'arrêté contesté pour quitter volontairement le territoire français, ne lui a pas permis de disposer du temps nécessaire et des conditions adéquates pour préparer utilement sa défense devant le premier juge ; qu'il en conclut que son droit à un procès équitable a été méconnu ; que, toutefois, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. Jaafar A a pu bénéficier de toutes les garanties procédurales prévues par les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que M. Jaafar A, ressortissant libanais, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1103370 du 13 mai 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 mai 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué mentionne les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi, en tout état de cause, suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. / (...) / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. / (...) / II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...). ; que M. Jaafar A ne peut utilement soutenir qu'en lui accordant un délai de huit jours pour quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 I alinéa 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'obligation de quitter le territoire français, en prenant à son encontre l'arrêté en litige ordonnant sa reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 II 1°) du même code ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ; que M. Jaafar A est père d'un enfant français, né le 19 août 2010 ; que le 20 avril 2010, il a fait un acte de pré-reconnaissance de cet enfant et qu'il l'a reconnu le 20 août 2010 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et même si, pour les besoins de la présente procédure, il est domicilié chez son ex-compagne, Mlle Priscillya B, que M. Jaafar A est séparé de celle-ci et que c'est cette dernière qui a dénoncé sa situation irrégulière aux services de police après avoir porté plainte contre lui pour des violences volontaires ; que, lors de son audition par les services de police le 9 mai 2011 suite à son interpellation, M. Jaafat A a déclaré avoir un enfant et que plus aucun n'est à sa charge ; qu'en outre, s'il déclare dans sa requête vouloir saisir le juge aux affaires familiales afin d'obtenir un droit de visite, il ne produit aucune pièce attestant qu'il a entrepris une telle démarche ; qu'enfin, si M. Jaafar A, qui se déclare sans aucune activité professionnelle et sans domicile fixe, produit des mandats cash d'un montant de 25 euros établis en janvier, mars, mai et juin 2011 à l'ordre de son ex-compagne, une facture pour l'achat de vêtements pour un enfant, ainsi qu'une attestation de l'un de ses amis affirmant qu'il se comporte comme un père et il y était présent avec sa famille comme tout père , ces éléments ne sont pas suffisants pour établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils au sens des dispositions précitées des articles L. 511-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 371-2 du code civil ; que M. Jaafar A n'est dès lors pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; que M. Jaafar A, né le 1er février 1972, entré selon ses déclarations en France le 26 octobre 2008, ne justifie pas être dépourvu d'attaches au Liban où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans ; que par ailleurs, ainsi qu'il a déjà été dit, il est séparé de la mère de son enfant et ne justifiait pas, à la date de l'arrêté contesté, qu'il contribuait effectivement à l'éducation et à l'entretien de cet enfant ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions et à la durée de sa présence en France, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme ayant été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 : 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ; qu'aux termes de l'article 9 de la même convention : 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt, supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant. / 2. Dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues. / 3. Les Etats parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. / 4. Lorsque la séparation résulte de mesures prises par un Etat partie, telles que la détention, l'emprisonnement, l'exil, l'expulsion ou la mort (y compris la mort, quelle qu'en soit la cause, survenue en cours de détention) des deux parents ou de l'un d'eux, ou de l'enfant, l'Etat partie donne sur demande aux parents, à l'enfant ou, s'il y a lieu, à un autre membre de la famille les renseignements essentiels sur le lieu où se trouvent le membre ou les membres de la famille, à moins que la divulgation de ces renseignements ne soit préjudiciable au bien-être de l'enfant. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas en elle-même de conséquences fâcheuses pour la personne ou les personnes intéressées. ; que, d'une part, et ainsi qu'il a été déjà dit, M. Jaafar A n'établit pas, à la date de l'arrêté en litige, la réalité des liens affectifs qu'il aurait noués avec son enfant alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il ne vit pas avec celui-ci, qu'il est sans emploi, sans domicile fixe et sans ressources et, en outre qu'il se trouve dans une situation conflictuelle avec la mère de celui-ci ; que, par suite, cet arrêté ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ; que, d'autre part, les stipulations de l'article 9 de cette même convention créent seulement des obligations entre Etats, sans ouvrir de droits aux intéressés ; que, par suite, M. Jaafar A ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2011 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Jaafar A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 mai 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation présentées par M. Jaafar A, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées à cette fin par le requérant ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Jaafar A la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 11MA02235 de M. Jaafar A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jaafar A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

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N° 11MA02235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 11MA02235
Date de la décision : 08/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SI-MOHAMED DUMON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-12-08;11ma02235 ?
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