Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 février 2009 sous le n° 09MA00735, présentée par Me Ferraiuolo, avocat, pour M. Colette A, demeurant ...) ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700846 rendu le 18 décembre 2008 par le tribunal administratif de Nîmes, notifié le 29 décembre 2008, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant :
- à l'annulation de la décision implicite de son employeur France Télécom rejetant sa demande d'intégration au grade de responsable/expert,
- à ce qu'il soit enjoint à cette société de l'intégrer audit grade,
- à la condamnation de France Télécom à lui verser une indemnité de 150 000 euros, ensemble la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2°) d'annuler la décision implicite susmentionnée ;
3°) d'enjoindre à la société France Télécom de l'intégrer audit grade de responsable expert, sous astreinte financière de 200 euros par jour de retard ;
4°) d'ordonner une mesure d'expertise ;
5°) de condamner France Télécom à lui verser une indemnité de 150 000 euros ;
6°) de mettre à la charge de France Télécom la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de
La Poste et à France Télécom ;
Vu le décret n° 2004-768 du 29 juillet 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des cadres de France Télécom ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :
- le rapport de M. Brossier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,
- et les observations de Me Plantavin, du cabinet d'avocats Lemaire, pour Mme A, de Me Aiache-Tirat pour France Télécom et de Me Breuillot pour l'association Harcèlement moral au travail Stop ;
Sur l'intervention de l'association Harcèlement moral au travail Stop :
Considérant, d'une part, que le 18 avril 2007, l'association Harcèlement moral au travail Stop, représentée par sa présidente en exercice habilitée par délibération de son assemblée générale, a produit devant le tribunal un mémoire en intervention tendant à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A ; que par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal a admis cette intervention contre la décision implicite de la société France Télécom refusant l'intégration de Mme A au grade de responsable expert, mais n'a pas admis le surplus de l'intervention au motif que, si l'association avait intérêt à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision susmentionnée, elle ne se prévalait pas d'un droit auquel le jugement à rendre était susceptible de préjudicier, en ce qui concerne la demande indemnitaire de
Mme A ; que cette admission partielle de son intervention lui a été notifiée par l'article 4 du jugement attaqué ;
Considérant, d'autre part, que cette association a renouvelé devant la Cour, par mémoire du 27 octobre 2011, ses conclusions tendant à ce que son intervention volontaire soit déclarée recevable et fondée et à ce qu'il soit fait droit à toutes les conclusions de Mme A, en réclamant en outre la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que si l'association Harcèlement moral au travail Stop soutient que le tribunal a estimé à tort que son intervention ne pouvait pas être admise dans le cadre du litige indemnitaire de Mme A, elle ne conclut toutefois pas à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué lequel, n'ayant été attaqué par ailleurs ni par Mme A, ni par France Télécom, demeure dans l'ordonnancement juridique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Harcèlement moral au travail Stop est devenue partie au litige en excès de pouvoir introduit par Mme A et que l'admission de son intervention réitérée dans le litige indemnitaire introduit par Mme A ne peut qu'être refusée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de Mme A et de l'association Harcèlement moral au travail Stop :
Considérant que Mme A, agent titulaire de France Télécom recrutée au grade d'agent d'exploitation, affectée aux fonctions d'agent d'accueil à l'agence de Carpentras, a été titularisée par promotion interne, à compter du 1er février 2001, dans le garde d'agent de maîtrise (niveau II-3), après une année de stage, et affectée aux fonctions de moniteur commercial ; qu'après plusieurs candidatures pour accéder à des fonctions supérieures dans le domaine de l'expertise-vente, elle a demandé à son employeur, par courrier du 23 novembre 2006 reçu le 1er décembre 2006, de la nommer aux fonctions de responsable-expert avec intégration conséquente dans le grade de reclassification correspondant de niveau III-2 ; qu'elle n'a obtenu aucune réponse ; qu'elle demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision implicite de rejet ensemble, par voie de conséquence et par injonction, sa nomination à ces fonctions et son intégration dans ledit grade de reclassification correspondant ;
Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande au motif que la requérante, qui ne saurait ignorer la règle statutaire de la distinction du grade et de l'emploi des fonctionnaires, ne justifie pas en quoi la société
France Télécom, en rejetant sa demande de nomination au grade de cadre de premier niveau de
France Télécom, aurait méconnu les dispositions statutaires prévues par l'article 4 du décret n° 2004-768 du 29 juillet 2004, relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des cadres de France Télécom ;
Considérant qu'aux termes de cet article 4: Les cadres de premier niveau de
France Télécom sont recrutés dans les conditions suivantes : 1° Un premier concours interne est réservé : a) Aux cadres d'exploitation et agents de maîtrise de France Télécom ayant respectivement atteint le 5e échelon ou le 4e échelon de leur grade et justifiant d'au moins trois années de services effectifs à France Télécom ; b) Aux fonctionnaires de France Télécom titulaires des grades de contrôleur divisionnaire, de chef technicien, de chef dessinateur, de chef de travaux du service automobile, de chef de district, de chef de secteur ou de chef d'établissement de 3e classe justifiant d'au moins trois années de services effectifs dans leur grade. 2° Un second concours interne est réservé aux fonctionnaires de France Télécom titulaires d'un grade autre que ceux mentionnés au 1° et justifiant d'au moins quatre années de services effectifs à France Télécom. 3° Dans la limite d'un sixième du nombre des nominations intervenues par la voie des concours prévus aux 1° et 2°, un examen professionnel est réservé aux fonctionnaires de France Télécom justifiant d'au moins huit ans de services effectifs à
France Télécom. Les conditions d'ancienneté de services exigées au présent article sont appréciées à la date de clôture des inscriptions. La répartition des places entre les deux concours mentionnés aux 1° et 2° est fixée par décision du président de France Télécom. Les places mises aux concours qui n'auraient pas été pourvues par la nomination des candidats à l'un de ces concours peuvent être attribuées aux candidats à l'autre concours. Les cadres de premier niveau recrutés en application du présent article sont titularisés dès leur nomination dans ce grade. ;
Considérant que devant la Cour, Mme A n'apporte toujours aucune précision d'ordre statutaire, basée notamment sur le statut du grade qu'elle détenait, sur le statut du grade supérieur auquel elle prétendait, et sur les voies de promotion statutaires possibles entre ces grades, de nature à mettre le juge à même de statuer sur le bien-fondé de ses conclusions en excès de pouvoir susmentionnées ; que l'association Harcèlement moral au travail Stop n'apporte non plus aucune précision d'ordre statutaire ; qu'il ressort au demeurant des écritures mêmes de Mme A que l'illégalité alléguée du refus de la promouvoir comme responsable expert doit être regardée à titre principal comme un argument, soulevé parmi d'autres, à l'appui de ses conclusions indemnitaires afin de démontrer des carences de
France Télécom dans la gestion de sa carrière, notamment des faits de harcèlement moral ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni Mme A, ni l'association Harcèlement moral au travail Stop ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet attaquée, ensemble et par voie de conséquence les conclusions subséquentes à fin d'injonction ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation de Mme A :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, issu de l'article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel... ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;
Considérant, d'autre part, qu'indépendamment des dispositions précités issues de la loi du 17 janvier 2002 introduisant la qualification de harcèlement moral dans le statut de la fonction publique et prohibant un tel harcèlement, un comportement vexatoire de l'administration à l'encontre d'un agent sur une longue durée constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
En ce qui concerne les faits dénoncés en 1997, 1998 et 1999 émanant de M. S. :
Considérant que Mme A, qui était affectée à l'agence France Télécom de Carpentras depuis 1985, dénonce le comportement du chef de cette agence, M. S., qui serait constitutif selon elle d'un harcèlement moral ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée a effectivement rencontré avec ce supérieur des difficultés relationnelles sérieuses dès la nomination de ce dernier, qui se sont aggravées au cours de l'année 1997 ; qu'elle a dénoncé rapidement l'attitude de ce supérieur dans ses feuilles de notation, en indiquant lors de son entretien d'évaluation du 23 juin 1997 que l'amélioration de la communication au sein de l'agence ne dépendait pas d'elle et en faisant explicitement état de la part de M. S, lors de son entretien d'évaluation du 18 mai 1998, de harcèlement mental, insultes, mensonges (...) acharnement à vouloir l'isoler du groupe ; que le 6 septembre 2003, Mme A a porté plainte contre M. S. pour harcèlement moral en indiquant que ce dernier l'avait harcelée moralement à compter de l'année 1997 et continuait à la harceler à distance ; que les enquêteurs de police judiciaire, diligentés à la suite du dépôt de plainte, ont interrogé les deux parties en cause, ainsi que des agents de France Télécom et deux médecins traitant Mme A ; qu'il ressort de cette enquête que Mme A décrit avoir subi au quotidien de la part de M. S. des brimades et attitudes vexatoires, qu'elle détaille de façon précise, qui sont corroborées par l'interrogatoire d'autres personnels de l'agence, et au sujet desquelles les médecins traitants indiquent qu'ils avaient déjà été alertés par les propos fiables de l'intéressée, alors que l'enquêteur ayant interrogé M. S. sur les faits reprochés mentionne que ce dernier contournait les questions posées ; qu'au vu de ce rapport d'enquête préliminaire et compte tenu de ces indices qu'il a estimés graves et concordants et de nature à faire présumer la réalité de faits de harcèlement moral, le procureur de la République de Carpentras a décidé de prolonger la garde à vue de M. S. pour les besoins de l'enquête ; que les expertises psychiatriques diligentées ont révélé, s'agissant de Mme A, qu'aucune pathologie ne permettait d'envisager la remise en cause de la crédibilité de ses propos, s'agissant de M. S., que ce dernier a opéré un renversement projectif lors de l'entretien médical en présentant Mme A sous des traits négatifs ; que le Procureur de la République a finalement décidé de renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel de Carpentras ; que l'ensemble des circonstances susmentionnées sont de nature à laisser présumer sérieusement que M. S. a eu à l'encontre de Mme A, en 1997 et 1998, un comportement qui, s'il concerne des faits antérieurs à la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 susvisée introduisant dans le statut de la fonction publique la qualification d'harcèlement moral, peut être regardé en tout état de cause comme humiliant et vexatoire ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique ; que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il résulte de l'instruction que par jugement du 16 décembre 2004, le tribunal correctionnel de Carpentras a déclarée l'action pénale de Mme A prescrite au motif que les derniers contacts professionnels entre la plaignante et M. S. remontaient à l'année 1999 ; que ce jugement, qui ne présente dans le présent litige aucune autorité de la chose jugée, ne permet pas de contester sérieusement la réalité des faits vexatoires ou humiliants subis par Mme A en 1997 et 1998 ; que si par ailleurs, ce même jugement a relaxé M. S. des faits de harcèlement moral dans le procès pénal initié par une collègue de travail de Mme A, Mme B, aucune autorité de la chose jugée ne s'impose non plus dans le présent litige dès lors qu'il s'agit d'une décision de relaxe et, qu'en tout état de cause, il n'y a pas identité des parties ; que la circonstance susmentionnée que le procès pénal introduit parallèlement par Mme B n'ait pas donné lieu à condamnation pénale ne permet pas, à elle seule, de contester sérieusement la réalité des faits vexatoires ou humiliants subis par Mme A en 1997 et 1998 ; qu'il résulte de l'instruction qu'aucun autre élément versé au dossier par France Télécom ne permet de renverser sérieusement la présomption susmentionnée concernant la réalité des agissements commis par M. S. en 1997 et 1998 envers Mme A ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que ce comportement de M. S. a provoqué la mutation en juin 1998, à sa demande, de Mme A sur Avignon par changement d'affectation, afin de lui faire fuir les difficultés qu'elle rencontrait sur Carpentras où elle avait pourtant travaillé sans difficulté particulière depuis 1985 ; qu'il n'est pas contesté que Mme A a continué à avoir des contacts professionnels en 1999 avec M. S., malgré leur éloignement géographique ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'une rencontre entre ces deux personnes a été organisée le 2 avril 1999 afin de dépasser leur différentiel relationnel, dont le compte-rendu, tel qu'il ressort d'un courriel du 19 avril 1999, montre que les responsables présents n'ont pas voulu faire de diagnostic sur le sujet et se sont contentés d'envisager un compromis et une démarche de réconciliation en demandant simplement aux parties de s'engager, pour M. S., à respecter la compétence de Mme A, pour Mme A, à respecter les règles de politesse et de hiérarchie, sans que soient traités avec vigueur les faits humiliants et vexatoires dont a été victime Mme A et dont elle ne peut être tenue pour responsable ; qu'il résulte de ce qui précède que le service gérant les ressources humaines des agences en cause, pourtant alerté dès la survenance des faits incriminés, n'a pris aucune mesure adéquate de nature à faire cesser rapidement les agissements de M. S. qui ont déstabilisé Mme A en 1997, 1998 et 1999, et s'est borné à en relativiser la portée sans en faire grief à M. S., alors même que de tels agissements restaient susceptibles d'avoir un impact néfaste sur la santé psychologique des agents travaillant sous ses ordres ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir qu'elle a été victime pendant près de 3 ans de la part de M. S. d'un comportement humiliant et vexatoire contre lequel France Télécom, pourtant alerté, n'a pris aucune mesure adéquate de nature à les faire cesser ; que France Télécom a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il y a lieu pour la Cour dans ces conditions de réformer le jugement attaqué à ce titre et, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme A qu'elle chiffre à une hauteur totale de 150 000 euros, tous chefs de préjudice confondus ;
Considérant, d'une part, que la faute susmentionnée de France Télécom ne présente aucun lien de causalité suffisamment direct et sérieux avec le préjudice financier invoqué par l'appelante, à hauteur de 120 000 euros, du fait de la perte des revenus, incluant avantages et primes, qu'elle estime avoir subi du fait de l'absence d'adéquation entre les fonctions qu'elle a exercées et son grade ;
Considérant, d'autre part, que le solde de 30 000 euros réclamé par Mme A l'a été, soit au titre de son préjudice moral, comme dans son mémoire enregistré en première instance le 12 septembre 2007, soit au titre de ses troubles dans les conditions d'existence, comme dans sa requête introductive de première instance ou sa requête introductive d'appel ; qu'il y a lieu pour la Cour de différencier ces deux chefs de préjudice que les écritures de Mme A confondent ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en lui allouant la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ; que la faute susmentionnée de France Telecom est par ailleurs à l'origine directe et certaine des troubles dans ses conditions d'existence lors des années 1997, 1998 et 1999, que l'appelante établit de façon suffisamment sérieuse, compte tenu du stress qu'elle a alors subi à son travail ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en lui allouant la somme de 10 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence ;
En ce qui concerne la gestion de la carrière de Mme A postérieurement aux faits susmentionnés :
Considérant que l'appelante soutient que son employeur aurait, à la suite de sa mutation sur Avignon en juin 1998, trop fréquemment changé ses affectations et lui aurait donné des responsabilités sans contrepartie statutaire et financière, en lui refusant notamment à tort à cet égard de l'intégrer dans le grade supérieur de reclassification de responsable-expert ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée, à la suite du conflit qu'elle a subi à Carpentras, a été affectée sur un poste de soutien commercial en juin 1998 au département ACP, puis de soutien commercial au département 1014 en février 2000 ; qu'étant auparavant agent de niveau II-2, elle a alors bénéficié d'une promotion au niveau II-3 en étant nommé agent de maîtrise stagiaire à compter du 1er février 2000, puis titularisée dans ce grade à compter du 1er février 2001 ; qu'elle a ensuite été affectée en octobre 2003 sur un poste de responsable de l'écoute client, basé à Avignon avec des déplacements dans la Drôme ; qu'elle a été placé en arrêt maladie à compter du mois de janvier 2005 ;
Considérant, d'une part, qu'il en résulte que l'intéressée n'a pas ainsi été bloquée dans sa carrière et n'a pas subi des contraintes exagérées du fait de cette promotion et des affectations qui l'ont suivie, mais a connu une progression dans l'exercice effectif de ses fonctions, nonobstant la réorganisation des services effectuée en 2001, et sans qu'il puisse être reproché à l'employeur de lui avoir imposé une trop grande mobilité fonctionnelle ou géographique, laquelle est inhérente à toute promotion ;
Considérant, d'autre part, que l'intéressée fait valoir qu'elle a exercé en réalité des fonctions dotées de responsabilités supérieures à son grade d'agent de maîtrise, qu'elle occupe donc de fait dès l'année 2001 un grade supérieur sans en avoir la rémunération et que ses responsables hiérarchiques directs ont émis en 2002 et 2003 un avis favorable à son accès au grade de reclassification de responsable expert ; que la séparation des grades et des emplois n'interdit toutefois, par principe, la déconnection des grades et des fonctions d'un agent ; que si l'entretien d'évaluation du 14 janvier 2002 indique une manière de servir de Mme A très satisfaisante et fait état du potentiel d'évolution tout à fait envisageable vers un
niveau III-2 dans le domaine de l'expertise vente, l'intéressée ne disposait alors que d'une année d'ancienneté dans son grade d'agent de maîtrise titulaire ; que si, à la suite de son affectation en octobre 2003 sur le poste de responsable de l'écoute client, l'entretien d'évaluation du 19 mars 2004 montre l'investissement permanent de l'intéressée, sa montée en compétence graduelle, son autonomie, et formule un avis favorable à sa candidature sur poste de niveau III-2, aucun élément versé au dossier ne permet d'établir que l'intéressée aurait perdu une chance sérieuse de bénéficier en 2004 d'une telle promotion, alors qu'elle n'a été nommée titulaire au
niveau II-3 qu'en février 2001 ; que l'intéressée a été placée en congé maladie à compter du mois de janvier 2005 ; qu'ainsi qu'il a été dit dans le versant excès de pouvoir du litige, l'appelante n'apporte, à l'appui de son argumentation, aucun élément statutaire permettant de mettre le juge à même d'estimer que la décision implicite née en 2006 lui refusant l'accès au grade de reclassification responsable-expert serait entachée d'illégalité ; qu'enfin, aucun élément versé au dossier ne permet d'établir que ce refus implicite serait constitutif d'une sanction déguisée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que France Télécom aurait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité dans la gestion de sa carrière postérieurement aux années 1997, 1998, et 1999 où se sont produits les faits incriminés à M. S. ; que Mme A n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire sur ce point ;
Sur les intérêts au taux légal :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que France Télécom doit être condamné à verser à Mme A une indemnité totale de 15 000 euros ; qu'en application de
l'article 1153 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du
1er décembre 2006, date de réception de la réclamation préalable de l'intéressée en date du
23 novembre 2006 ; qu'en application de l'article 1154 du code civil, les intérêts porteront intérêts au 28 octobre 2009, date de la première demande du bénéfice de l'anatocisme, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société France Télécom, qui n'est pas la partie perdante dans le litige en excès de pouvoir dans lequel l'intervention de l'association Harcèlement moral au travail Stop a été admise, soit condamnée à payer à cette association la somme réclamée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, par ailleurs, de faire droit, dans les circonstances de l'espèce, aux conclusions de France Télécom tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens, mais qu'il y a lieu, en revanche, dans les mêmes circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de France Télécom la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme A ;
D E C I D E :
Article 1er : La société France Télécom est condamnée à verser à Mme A une indemnité de 15 000 euros (quinze mille euros).
Article 2 : Cette somme de 15 000 euros (quinze mille euros) portera intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2006. Les intérêts porteront intérêts au 28 octobre 2009 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La société France Télécom versera à Mme A la somme de 1 500 euros
(mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel n° 09MA00735 de Mme A est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de l'association Harcèlement moral au travail Stop sont rejetées.
Article 7 : Les conclusions de la société France Télécom tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Colette A, à l'association Harcèlement moral au travail Stop, à la société France Télécom et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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