Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 2 février 2010, sous le 10MA00428, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES, (13103), par la SCP d'avocats Bouty et associés ;
La COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901077 du 22 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, sur demande de M. A, la décision verbale du maire de la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES autorisant M. B à réaliser une fresque dans la chapelle Notre-Dame-du-Château ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal et de le condamner à verser une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la requête de première instance était tardive ; que les travaux en cause sont des travaux d'entretien qui pouvaient être effectués par la commune sans l'accord de M. A; qu'au demeurant, celui-ci a donné son accord verbal ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2010, présenté pour M. A, par Me Courant, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la requête de première instance n'était pas tardive, dès lors que la théorie de la connaissance acquise ne peut s'appliquer au cas particulier en l'absence d'introduction d'un recours gracieux ou contentieux préalable ; que l'invocation par voie d'exception de l'illégalité de la dite décision devant le juge pénal ne ressortit pas d'avantage de la théorie de la connaissance acquise, ni la présentation d'un avant-projet ni la découverte de la dite fresque en 2005 ; que le maire n'avait pas compétence pour prendre la décision en litige ; que la réalisation de la fresque en cause ne relève pas des travaux d'entretien, mais de travaux de décoration qui ne pouvaient être entrepris qu'avec l'autorisation du desservant de l'église ; que la décision en cause est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la destination du lieu de culte ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 modifiée notamment par la loi du 13 avril 1908 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2011 :
- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Bouty pour la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES et de M. B ;
Considérant que M. B, artiste peintre, a, au cours de l'année 2005, réalisé, après avoir obtenu l'autorisation verbale du maire de la commune de SAINT-ETIENNE-DU-GRES, une fresque dans la chapelle de Notre-Dame-du-Château située sur le territoire de ladite commune représentant les quatre évangélistes sous les traits d'un ange, d'un aigle, d'un lion et d'un taureau ; que M. A, prêtre de l'église de Tarascon-sur-Rhône officiant également à la chapelle de Notre-Dame-du-Château, a été condamné par le tribunal correctionnel le 16 novembre 2007 pour avoir détruit ladite fresque ; que la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES fait appel du jugement en date du 22 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif a à la demande de M. A, annulé cette autorisation verbale ;
Sur la recevabilité de la requête de première instance :
Considérant que ni le fait que M. A aurait été au courant de l'autorisation donnée par le maire à M. B avant même l'exécution des travaux puisqu'un dessin lui a été présenté dès le mois de juin 2005, ni la circonstance que cette décision est devenue publique du fait de la forte médiatisation du procès correctionnel qui s'est tenu en novembre 2007 ni même encore la circonstance que le requérant a invoqué au cours de ce procès l'illégalité de la décision litigieuse et qu'il ait indiqué qu'il n'entendait pas introduire un recours contre la décision en litige motif pris de la longueur de la procédure, n'ont été de nature à faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre de cette décision ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES tirée de la tardiveté de la requête ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ; que l'article 2 de cette loi dispose : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. ; qu'aux termes de l'article 13 de la même loi : Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s'il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (...). L'Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions combinées des lois susvisées du 9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907, en l'absence d'associations cultuelles et d'actes administratifs attribuant la jouissance des églises et des meubles les garnissant, ces biens sont laissés à la disposition des fidèles et des desservants ; que leur occupation doit avoir lieu conformément aux règles d'organisation générale du culte et que les ministres du culte occupant les édifices sont chargés d'en régler l'usage de manière à assurer aux fidèles la pratique de leur religion ;
Considérant que la chapelle de Notre-Dame-du-Château figure au nombre des édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat qui, par l'effet de la modification apportée à l'article 9 de cette loi par la loi du 13 avril 1908, sont devenus la propriété de la commune ; que cette chapelle n'a fait l'objet d'aucune désaffectation effectuée dans les conditions prescrites par l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 ou le décret susvisé du 17 mars 1970 ;
Considérant qu'il est constant que la réalisation de la fresque n'avait pas le caractère de travaux nécessaires à la conservation et à l'entretien de l'édifice, contrairement à ce que persiste à soutenir en appel la commune, mais une oeuvre décorative, laquelle relevait de la seule compétence du ministre du culte en charge de la garde et de la police de ladite chapelle ; que l'attestation du maire adjoint de la commune, selon laquelle il avait demandé à M. B de réaliser une fresque en la chapelle de Notre-Dame-du-Château et en avait averti, par courtoisie, le curé de la paroisse, lequel avait vu le projet du symbole des évangélistes sur lequel il avait demandé une légère modification, ne suffit pas à établir que l'intéressé aurait eu une connaissance exacte du contenu de la fresque en cause et à fortiori qu'il aurait donné son accord à sa réalisation ; que, faute d'un tel accord, c'est donc à bon droit que le tribunal a annulé la décision en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 22 décembre 2009, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er: La requête de la commune de SAINT-ETIENNE-DU-GRES est rejetée.
Article 2 : La commune de SAINT-ETIENNE-DU-GRES est condamnée à verser une somme de 1 500 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES, à M. A et à M. B.
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N° 10MA00428 2
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