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10/11/2011 | FRANCE | N°11MA00454

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 10 novembre 2011, 11MA00454


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 4 février 2011 sous le n° 11MA00454, présentée pour M. Mohamed A, domicilié à Ksar Souk (Maroc), par Me Quintard, avocat ; M. A demande au président de la cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 1100175 en date du 21 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2011 par lequel le préfet du Gard a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°/ d'annuler ledit a

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3°/ de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 4 février 2011 sous le n° 11MA00454, présentée pour M. Mohamed A, domicilié à Ksar Souk (Maroc), par Me Quintard, avocat ; M. A demande au président de la cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 1100175 en date du 21 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2011 par lequel le préfet du Gard a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°/ d'annuler ledit arrêté ;

3°/ de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive européenne 2008/115 CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision, en date du 1er septembre 2011, par laquelle le président de la cour a désigné Mme Lefebvre-Soppelsa pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience publique ;

Après avoir, en séance publique le 11 octobre 2011 à 14h00, présenté son rapport et entendu les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

Considérant que M. Mohamed A interjette appel du jugement en date du 21 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2011 du préfet du Gard décidant sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2011 décidant la reconduite à la frontière de M. A :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;

Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 de la directive susvisée du 16 décembre 2008, relative au départ volontaire : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; que le 7) de l'article 3 de la même directive définit ce risque de fuite comme le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ;

Considérant, que la transposition en droit interne des directives, qui est une obligation résultant du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, revêt, en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut en conséquence demander l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives ; qu'en outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ;

Considérant, ainsi que l'a indiqué l'avis du Conseil d'Etat rendu le 21 mars 2011, que les articles 7 et 8 de la directive énoncent des obligations en des termes non équivoques, qui ne sont assorties d'aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à l'intervention d'aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des États membres ; qu'il s'ensuit que ces articles, en particulier en ce que l'article 7 prévoit que doit être laissé un délai approprié pour permettre à un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement de quitter volontairement le territoire national, sont susceptibles d'être directement invoqués et de faire ainsi l'objet d'une application directe à leur bénéfice ; qu'en revanche, aussi longtemps que n'ont pas été fixés, conformément à ce que prévoient les dispositions du 7) de l'article 3 de la directive, les critères objectifs sur la base desquels doit être appréciée l'existence d'un risque de fuite , la faculté prévue par le paragraphe 4 de l'article 7 dans une telle hypothèse de fixer un délai inférieur à sept jours ou de ne pas accorder de délai de départ volontaire n'est pas, en l'absence de transposition, susceptible d'être mise en oeuvre directement par les autorités administratives ;

Considérant que les dispositions de l'article 7, paragraphe 4 de la directive précitée ne font pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et égal ou supérieur à sept jours ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain, est entré régulièrement sur le territoire national, où il s'est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il a fait l'objet, le 18 janvier 2011, d'un arrêté pris par le préfet du Gard ordonnant sa reconduite à la frontière, sur le fondement des dispositions susvisées du 2° de l'article L.511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que toutefois, l'administration était tenue, ainsi qu'il a été dit précédemment, en application des dispositions précitées de l'article 7 de la directive susvisée, d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire ; que l'arrêté portant reconduite à la frontière de M. A ne comporte cependant aucun délai de départ volontaire ; que si le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a considéré que le préfet du Gard pouvait ordonner la reconduite à la frontière de l'intéressé dès lors qu'il existait des raisons de penser que M. A cherche à prendre la fuite , au sens des dispositions combinées de l'article 7 paragraphe 4 et de l'article 3 paragraphe 7 de la directive européenne précitée, une telle circonstance ne permettait pas au représentant de l'Etat de se soustraire à son obligation d'accorder à M. A un délai de départ volontaire, dès lors que, comme il vient d'être dit, les critères objectifs sur la base desquels doit être appréciée l'existence d'un tel risque n'étaient pas, à la date de la mesure litigieuse, définis par une disposition législative nationale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. Mohamed A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2011 par lequel le préfet du Gard a décidé sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°11000175 en date du 21 janvier 2011 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 18 janvier 2011 par lequel le préfet du Gard a décidé la reconduite à la frontière de M. Mohamed A est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

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N°11MA00454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 11MA00454
Date de la décision : 10/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : QUINTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-11-10;11ma00454 ?
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