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25/10/2011 | FRANCE | N°08MA00509

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 25 octobre 2011, 08MA00509


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008, présentée pour M. Patrick A, demeurant ... par Me Ciaudo ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402545 du 10 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998 et 1999 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une

somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008, présentée pour M. Patrick A, demeurant ... par Me Ciaudo ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402545 du 10 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998 et 1999 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2011,

- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

Considérant que M. A, qui a exercé la profession de chirurgien-dentiste à la Martinique puis à Cannes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les années 1998 et 1999 et au terme de laquelle il a été assujetti à des compléments d'impôt sur le revenu procédant d'une reconstitution de ses recettes professionnelles, d'une réintégration dans ses bénéfices non commerciaux de dépenses ne répondant pas aux conditions de déductibilité et de la taxation de la plus-value réalisée lors de la cession, le 10 février 1999, de sa clientèle antillaise ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 92-1476 du 31 décembre 1992 : Au cours de la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, l'administration peut examiner des opérations figurant sur des comptes financiers utilisés à la fois à titre privé et professionnel... Au cours de la procédure de vérification de comptabilité, l'administration peut procéder aux mêmes examen et demandes, sans que ceux-ci constituent le début d'une procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle. L'administration peut tenir compte dans chacune de ces procédures, des constatations résultant de l'examen des comptes ou des réponses aux demandes d'éclaircissements et de justifications, et faites dans le cadre de l'autre procédure conformément aux seules règles applicables à cette dernière. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'épouse du requérant a remis au vérificateur les relevés de comptes bancaires demandés par lettre du 13 mars 2001, au nombre desquels figuraient ceux relatifs à un compte joint ouvert auprès de la banque Barclays et dont M. A était co-titulaire avec son épouse ; que ce compte, sur lequel le requérant ne conteste pas avoir porté une part significative de ses recettes professionnelles, avait la nature d'un compte utilisé à la fois pour des opérations personnelles et professionnelles ; que son examen ne caractérisant pas, conformément aux dispositions de l'article L. 47 B du livre des procédures fiscales, l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable, le service n'était pas tenu d'adresser au foyer fiscal l'avis prévu par l'article L. 47 en matière d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ;

En ce qui concerne le grief tiré de la violation du secret médical :

Considérant qu'aux termes de l'article 226-13 du code pénal applicable à compter du 1er mars 1994 : La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende. ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 99 du code général des impôts : Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée ou qui désirent être imposés d'après ce régime sont tenus d'avoir un livre journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles...; qu'aux termes de l'article 1649 quater G du même code dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, tirée de la loi 82-1126 du 29 décembre 1982 : Les documents tenus par les adhérents des associations définies à l'article 1649 quater F en application de l'article 99 ou 101 bis doivent être établis conformément à l'un des plans comptables professionnels agréés par le ministre de l'économie et des finances. Les documents comptables mentionnés au premier alinéa comportent, quelle que soit la profession exercée par l'adhérent, l'identité du client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires. ;

Considérant que s'il n'appartient qu'au juge répressif de sanctionner les infractions aux dispositions de l'article 226-13 du code pénal, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'un contribuable astreint au secret professionnel conteste, devant lui, la régularité de la procédure d'imposition suivie à son égard, au motif que celle-ci aurait porté atteinte à ce secret, d'examiner le bien-fondé d'un tel moyen ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et des termes de la notification de redressements du 15 mai 2001 que le vérificateur a procédé au rapprochement entre les relevés bancaires produits, le journal des recettes et les déclarations de résultats de M. A des deux années 1998 et 1999, constatant ainsi des omissions de recettes ;

Considérant que M. A, adhérent à une association de gestion agréée (AGA) pour l'année 1998, était tenu, en application des dispositions susvisées de l'article 1649 quater G du code, d'établir ses documents comptables, notamment son livre de recettes dépenses, en y mentionnant l'identité du client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires ;

Considérant qu'il ne saurait être dérogé au secret médical en dehors des cas prévus par la loi ou sur le fondement de dispositions réglementaires qui sont la conséquence nécessaire d'une loi ; que les dispositions précitées de l'article 1649 quater G, en imposant que les documents comptables tenus par les adhérents des associations de gestion agréée mentionnent, quelle que soit la profession exercée par l'adhérent, l'identité du client, ont entendu limiter le secret professionnel dont pouvaient notamment se prévaloir les professions médicales, afin de faciliter le contrôle de leurs revenus dans le cadre de la procédure d'imposition ; qu'il résulte nécessairement de ces dispositions que les agents vérificateurs ont accès à ces documents ; que la circonstance que l'administration fiscale accède, dans le cadre de son droit de communication, à un document, comptable ou non, fournissant des renseignements sur le paiement des actes effectués par un médecin sur des patients nommément désignés n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la vérification en vue de laquelle le droit de communication a été exercé, sous réserve toutefois que ce document ne comporte aucune indication, même sommaire ou codée, concernant la nature des prestations médicales fournies aux patients ; qu'il est constant en l'espèce que les documents consultés, bordereaux de chèques et journal des recettes, ne comportaient aucune indication sur la nature des soins dispensés ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation du secret médical ne peut être que rejeté ;

Sur le bien-fondé des redressements :

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

Considérant qu'en raison de la procédure de redressement contradictoire utilisée, le contribuable ayant, selon les affirmations du service, présenté le 11 juin 2001 des observations en réponse à la notification de redressements du 15 mai 2001, la charge de la preuve du bien-fondé des rappels incombe à l'administration ;

Considérant qu'il est constant que le requérant n'avait pas porté dans ses écritures comptables, l'intégralité des recettes qu'il avait encaissées au cours des années 1998 et 1999 ; que l'administration était dès lors fondée à écarter la comptabilité présentée, qui n'était pas probante, pour reconstituer les recettes professionnelles du contribuable ; que la méthode de reconstitution utilisée par le vérificateur, qui a consisté à rattacher aux recettes de l'activité libérale de M. A, les sommes portées au crédit des comptes bancaires de l'intéressé et dont l'origine professionnelle n'est d'ailleurs pas contestée, est régulière ;

Considérant que si le contribuable fait valoir qu'une même recette aurait été prise en considération deux fois, l'une, au moment de sa comptabilisation et l'autre, au moment de son encaissement, il n'apporte, à l'appui de cette allégation, aucun commencement de preuve ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration établit le bien-fondé des impositions procédant de la reconstitution de ses recettes ;

En ce qui concerne la plus-value de cession :

Considérant que le requérant ne conteste devant le juge de l'impôt, ni le principe d'imposition de la plus-value réalisée au titre de l'année 1999, ni son calcul ;

Sur les pénalités :

Considérant que l'administration a indiqué dans la notification de redressement du 15 mai 2001, les circonstances de fait et de droit motivant l'application de la majoration exclusive de bonne foi aux suppléments de droits assis sur les omissions de recettes et la plus-value de cession de clientèle ;

Considérant que M. A soutient que les pénalités de mauvaise foi ne sont pas fondées, l'administration n'ayant pas démontré l'intention frauduleuse délibérée, alors que le refus de dispense de comptabilisation des recettes au jour le jour, opposé aux dentistes, constitue une discrimination par rapport aux médecins qui, pour leur part, y sont autorisés, discrimination qui ne procède pas d'un but légitime et méconnaît l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que l'article 1 du premier protocole additionnel ; que le médecin n'ayant fait figurer sur ses déclarations de résultats que le montant des honoraires issu des relevés SNIR est fondé à soutenir que ces déclarations ne souffrent d'aucune insuffisance et qu'il n'est donc pas passible des pénalités de l'article 1728 du code général des impôts ; que M. A entend se prévaloir de cette doctrine pour demander la décharge des pénalités de mauvaise foi mais aussi de l'intérêt de retard ;

Considérant que M. A, qui est chirurgien-dentiste, ne peut se prévaloir de la dispense de comptabilisation des recettes conventionnelles proposée aux médecins conventionnés du secteur I ; que le requérant, qui se trouve ainsi dans une situation différente de celle des médecins entrant dans les prévisions de ladite doctrine, du fait qu'une part importante des actes qu'il accomplit en sa qualité de dentiste ne font l'objet d'aucun remboursement par les organismes de sécurité sociale, une telle distinction procédant du but légitime de recueillir la matière imposable, ne peut utilement soutenir que l'administration aurait, en refusant de le faire bénéficier de cette tolérance administrative, méconnu les dispositions combinées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel, qui assurent la protection des droits et libertés reconnus par la convention, notamment le droit au respect de ses biens ; que si le requérant soutient, à juste titre, que ce droit englobe les créances contre l'Etat, il n'établit pas l'existence d'une quelconque créance qu'il détiendrait contre l'Etat, ni la privation d'un droit ou l'imposition d'une charge fiscale supérieure ;

Considérant que les dispositions de l'article 14 sont sans portée dans les rapports institués entre la puissance publique et un contribuable à l'occasion de l'établissement et le recouvrement de l'impôt ;

Considérant que si les intérêts de retard de l'article 1727 du code général des impôts sont l'un des éléments constitutifs des rapports existant entre la puissance publique et les contribuables, ils ne constituent pas une sanction et ne sont pas utilement contestés par M. A ;

Considérant que l'administration, qui se réfère à l'importance et au caractère répétitif des minorations de recettes, à l'absence de comptabilité régulière et probante et au fait que M. A ne pouvait ignorer que les recettes professionnelles qu'il avait encaissées étaient imposables à l'impôt sur le revenu, établit l'absence de bonne foi du contribuable ; que ce dernier ne peut, pour sa part, utilement arguer de son état de santé et de celui de son épouse ainsi que des perturbations découlant de son déménagement en métropole pour expliquer les irrégularités affectant la comptabilisation de ses recettes, lesquelles ont toutes été commises à son profit ; que si l'administration a été déboutée de l'action civile devant le juge pénal, il est rappelé que ce dernier a néanmoins déclaré M. A coupable des faits reprochés au plan fiscal ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est partiellement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

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N° 08MA00509 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00509
Date de la décision : 25/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-05-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux. Personnes, profits, activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Anita HAASSER
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-10-25;08ma00509 ?
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