Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 novembre 2009 sous le n° 09MA04011, présentée par Me Bonnet, avocat, pour M. Claude A, demeurant ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704165 du 22 septembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant :
- à la condamnation du centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 17 avril 2003 du président dudit centre le dessaisissant de ses fonctions de
chef-cuisinier, la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice résultant de l'inexécution du jugement rendu par le tribunal de céans le 11 avril 2007, ainsi que la somme de 9 197,49 euros au titre de la prime de répartition qui lui est due pour la période du mois de mai 2003 au mois d'avril 2007 ;
- à la condamnation dudit centre communal à lui verser la somme de 189,90 euros par mois à titre d'astreinte à compter du mois de mai 2007 jusqu'à la date du jugement à intervenir, ou jusqu'à la date de sa réintégration effective dans les fonctions de cuisinier,
- à ce que soit mise à la charge dudit centre communal la somme de 1 525 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner le centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone à lui verser les sommes :
- de 9 197,49 euros au titre de la prime par répartition de l'enveloppe complémentaire de 198,90 euros due sur la période courant de mai 2003 à avril 2007,
- de 5 000 euros au titre du préjudice moral résultant de l'illégalité de la décision du 17 avril 2003 le dessaisissant de ses fonctions de chef-cuisinier,
- de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du 17 avril 2003 le dessaisissant de ses fonctions de chef-cuisinier,
- de 3 000 euros au titre de son préjudice résultant de l'inexécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 11 avril 2007 ;
3°) à la condamnation dudit centre communal à lui verser la somme de 189,90 euros par mois, à titre d'astreinte, à compter du mois de mai 2007 jusqu'à la date de la décision à intervenir, ou jusqu'à la date de sa réintégration effective dans les fonctions de cuisinier ;
4°) de mettre la charge dudit centre communal la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel ;
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Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 88-552 du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux des services techniques ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2011 :
- le rapport de M. Brossier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;
Considérant que M. A, embauché comme contractuel au centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone le 22 mars 2001 et affecté comme chef de la cuisine de la MAPAD, a été nommé en qualité d'agent d'entretien stagiaire à partir du 1er mai 2001, pour une durée d'un an et pour exercer les mêmes fonctions ; que par arrêté du 4 mai 2001 a été accordée à l'intéressé une prime de responsabilité ; que par arrêté du 28 mai 2001 a été accordée en outre à l'intéressé une prime de répartition de l'enveloppe complémentaire par grade d'un montant de 189,90 euros ; que le 30 avril 2002, le président du centre communal d'action sociale a décidé de le titulariser ; que le 17 avril 2003, la même autorité a décidé de le dessaisir de ses fonctions de chef de la cuisine de la maison de retraite ; que par un premier jugement n° 0303083 du 11 avril 2007 devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a annulé pour excès de pouvoir cette décision au motif que l'intéressé n'avait pas été mis à même présenter ses observations avant que ne soit prise de cette décision lui faisant grief et qui a été prise en considération de sa personne ; que par le second jugement attaqué devant la Cour, le tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires de l'intéressé tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone à réparer les conséquences dommageables, d'une part, de l'illégalité tant externe qu'interne de ladite décision du 17 avril 2003, d'autre part, de l'absence d'exécution de la part du centre dudit jugement n° 0303083 du 11 avril 2007 ; qu'en outre, l'appelant doit être regardé comme demandant la condamnation dudit centre communal à lui verser la somme de 189,90 euros par mois, à compter du mois de mai 2007, mois de notification du premier jugement définitif du tribunal, jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir ou jusqu'à la date de sa réintégration effective dans les fonctions de cuisinier ;
Sur la demande indemnitaire fondée sur la faute alléguée de l'avoir écarté de sa chefferie de cuisine :
Considérant, en premier lieu, que la partie intimée doit être regardée comme opposant l'autorité de la chose déjà jugée en matière indemnitaire le 11 avril 2007 par le tribunal dans le précédent litige n° 0303083 ; qu'il ressort des termes de ce jugement définitif que le tribunal avait alors estimé que la décision attaquée est justifiée par l'intérêt du service et que dans ces conditions, les conclusions indemnitaires de la requête, qui d'ailleurs ne sont pas suffisamment précises pour permettre au tribunal d'en apprécier la portée, doivent être rejetées ; qu'il ressort toutefois des visas du même jugement que le tribunal a analysé lesdites conclusions indemnitaires de M. A comme tendant seulement à condamner le centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone à assortir les sommes dues consécutivement à la reconstitution de ses droits des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2004 ; qu'ainsi, ces conclusions indemnitaires de la précédente instance ne tendaient à aucune condamnation du centre communal d'action sociale à verser une indemnité en principal ; que dans ces conditions, en l'absence d'identité d'objet de la demande, l'autorité de la chose jugée par le premier jugement ne peut être opposée dans le présent litige, nonobstant l'identité des parties et des causes ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la décision du 17 avril 2003 a été prise aux motifs, d'une part, de la situation financière du centre et de la réorganisation nécessaire de ce service, d'autre part, de l'inaptitude professionnelle de l'appelant à exercer les fonctions de chef-cuisinier ; que si l'intérêt du service consistant à réorganiser le fonctionnement de la cuisine n'est pas sérieusement contesté par l'appelant, en revanche, ce dernier est fondé à soutenir que ne sont pas établis par les éléments versés au dossier les griefs à caractère personnel émis à son encontre, tirés de sa mauvaise gestion des commandes et des stocks et plus généralement de la mauvaise qualité de la prestation servie ; qu'en effet, peu de temps après sa titularisation du 30 avril 2002 démontrant la satisfaction de son employeur, terme explicitement mentionné dans un courrier du président du centre d'avril 2002, l'intéressé a été placé le 25 juin 2002 en congé de maladie pour accident de service pour ne reprendre son travail qu'à la fin du mois de mars 2003 et qu'en conséquence, le nouveau directeur de la maison de retraite nommé en juillet 2002, qui n'a vu travailler l'intéressé que quelques semaines avant que ne soit prise la décision en litige du 17 avril 2003, n'a pu être en mesure de juger son aptitude professionnelle sur une période aussi courte ; que notamment, le grief tiré de ce que l'intéressé serait, subitement, à l'origine de graves dysfonctionnements dans la gestion de la cuisine est sérieusement contesté par l'intéressé, compte tenu notamment du contenu d'audits de ladite cuisine réalisés par des intervenants extérieurs et eu égard à l'expérience antérieure de l'intéressé comme professionnel de la restauration dans le secteur privé, ayant été embauché comme responsable à plusieurs reprises et par plusieurs employeurs différents ; qu'en outre, une attestation versée au dossier démontre que le nouveau directeur avait fait courir à l'encontre de l'intéressé, lors de la reprise de son travail en mars 2003, des rumeurs injustifiées sur son caractère, alors même qu'il ne l'avait jamais vu travailler ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il en résulte que, dès lors que la décision du 17 avril 2003 était fondée sur l'intérêt non sérieusement contesté du service tiré de la réorganisation de la cuisine voulue par le nouveau directeur, l'appelant n'est pas fondé à demander réparation, du fait du dessaisissement de ses fonctions de chef de la cuisine, de ses troubles dans les conditions d'existence ou d'un préjudice financier ; qu'il n'est pas fondé en particulier à réclamer la prime par répartition qui lui serait due, à partir du mois de mai 2003 jusqu'à la date de sa réaffectation effective comme chef-cuisinier ;
Considérant toutefois, et en quatrième lieu, que la décision du 17 avril 2003 était motivée également par l'inaptitude professionnelle de l'intéressé à exercer les fonctions de
chef-cuisinier ; que non seulement l'intéressé n'a pas été à même de se défendre sur ce point, comme l'a souligné le tribunal administratif de Montpellier qui a annulé à cet égard pour vice de procédure la décision du 17 avril 2003 par jugement définitif, mais qu'au surplus et ainsi qu'il a été dit, les griefs à caractère personnel reprochés à l'intéressé ne sont pas établis ; que dans ces conditions, l'appelant est fondé à réclamer une indemnisation dès lors, d'une part, que la particulière dureté des termes de la décision du 17 avril 2003 a porté atteinte à sa réputation de professionnel de la restauration, d'autre part, que la violation de ses droits de la défense présente un lien suffisamment direct avec son préjudice moral ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en allouant à l'intéressé la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;
Sur la demande indemnitaire fondée sur la faute alléguée de n'avoir pas exécuté le jugement définitif n° 0303083 du 11 avril 2007 :
Considérant que M. A avait alors formulé devant le tribunal, dans cette instance n° 0303083, des conclusions analysées comme tendant à ce que le tribunal enjoigne au centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone de le réintégrer dans ses fonctions et attributions avant son arrêt de travail du 25 juin 2002 ; que dans le corpus de son jugement définitif, à la suite du considérant relatif à l'annulation pour vice de procédure de la décision du 17 avril 2003 dessaisissant l'intéressé de ses fonctions de chef-cuisinier, le tribunal avait estimé dans ses motifs que l'annulation par le présent jugement de la décision attaquée implique nécessairement la réintégration juridique de l'intéressé dans son emploi, ou à défaut, dans un emploi équivalent, à la date d'effet de la mesure d'éviction annulée ; que toutefois, le dispositif dudit jugement définitif ne comportait aucune mesure d'exécution prescrite ;
Considérant, d'une part, qu'un jugement qui annule pour excès de pouvoir une décision administrative, emporte pour l'administration concernée l'obligation de prendre les mesures d'exécution adéquates, sans qu'il ne soit nécessaire à cet égard que ledit jugement comporte, dans son dispositif, une injonction précisant à l'administration qu'elle doit nécessairement prendre telle ou telle mesure d'exécution ;
Considérant, d'autre part, que l'annulation, même pour vice de procédure, de la décision dessaisissant l'appelant de ses fonctions de chef-cuisinier, implique nécessairement la réintégration de ce dernier dans lesdites fonctions de chef-cuisinier, dès lors que l'exécution d'un jugement annulant la décision par laquelle un fonctionnaire a été déchargé de ses fonctions comporte nécessairement l'obligation de remettre ledit fonctionnaire en possession du poste même dont il a été illégalement privé, à l'exclusion de tout autre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartenait au centre communal d'action sociale de réintégrer l'intéressé sur son poste de chef-cuisinier, à l'exclusion de tout autre, en exécution du jugement définitif du 17 avril 2003 qui avait annulé pour excès de pouvoir la décision dessaisissant l'appelant de ses fonctions de chef-cuisinier, nonobstant la circonstance que le dispositif de ce jugement ait omis de statuer sur les conclusions à fin d'injonction formulées alors par M. A ; que, dans ces conditions, l'appelant est fondé à soutenir que le centre communal d'action sociale employeur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en n'exécutant pas dans un délai raisonnable ledit jugement du 17 avril 2003 ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant le centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone à verser à M. A une indemnité de 3 000 euros au titre de son préjudice moral résultant de l'exécution tardive d'une décision de justice ;
Considérant qu'il résulte tout de ce qui précède que M. A est fondé à réclamer la somme totale de 8 000 euros au titre du préjudice moral et qu'il y a lieu pour la Cour de réformer le jugement attaqué en ce sens ; que le surplus des conclusions indemnitaires de l'appelant doit être en revanche rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la partie intimée la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'appelant et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone est condamné à verser à M. A une indemnité de 8 000 (huit mille) euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions indemnitaires de M. A est rejeté.
Article 3 : Le jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone versera à M. A la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Claude A, au centre communal d'action sociale de Villeneuve-lès-Maguelone et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N° 09MA04011 2