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03/10/2011 | FRANCE | N°09MA04739

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 03 octobre 2011, 09MA04739


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 24 décembre 2009 et régularisée le 28 décembre 2009, présentée pour Mme Eliane A demeurant ..., par Me Tardivel, avocat ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803085 du 5 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron à réparer les préjudices résultant de l'absence de sa mère ;

2°) de condamner le centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron à lui verser la somme de 94 250 euros

augmentée des intérêts à compter du 12 juin 2008 en réparation de son préjudice ré...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 24 décembre 2009 et régularisée le 28 décembre 2009, présentée pour Mme Eliane A demeurant ..., par Me Tardivel, avocat ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803085 du 5 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron à réparer les préjudices résultant de l'absence de sa mère ;

2°) de condamner le centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron à lui verser la somme de 94 250 euros augmentée des intérêts à compter du 12 juin 2008 en réparation de son préjudice résultant pour elle de l'absence de sa mère ainsi que la somme de 10 000 euros augmentée des intérêts à compter de la même date en réparation des préjudices et de l'absence en sa qualité d'héritière de sa mère disparue ;

3°) de dire que les intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron, outre les dépens, la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de la santé publique et de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que la décision paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,

- et les observations de Me Blanc du Cabinet Blanc Tardivel pour Mme A et de Me Garreau du Cabinet Scheuer Vernhet pour le centre hospitalier Le Mas Careiron ;

Considérant que Mme B, qui était hospitalisée depuis le 20 juillet 1981 au sein de l'unité de Prime-Combe du centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron à Uzès, a disparu dans la journée du 15 septembre 1981 ; que l'enquête concernant sa disparition, effectuée par les services de gendarmerie de Nîmes, n'a pas permis de la retrouver ; qu'une ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de Le Vigan en date du 8 septembre 1995 a déclaré Mme B présumée absente ; que, par jugement du 4 juillet 2007, le tribunal de grande instance de Nîmes a déclaré Mme B absente ; que Mme A, fille de Mme B, ayant recherché la responsabilité du centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron auquel elle impute la disparition de sa mère, relève appel du jugement du 5 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron à réparer les préjudices résultant de la disparition de sa mère ;

Sur les conclusions incidentes principales présentées par le centre hospitalier :

Considérant que l'intérêt à faire appel d'un jugement s'apprécie par rapport à son dispositif et non à ses motifs ; qu'il suit de là que les conclusions incidentes, présentées à titre principal, par le centre hospitalier psychiatrique tendant à ce que la Cour réforme le jugement critiqué et rejette la requête de Mme A après avoir fait droit à l'exception de prescription quadriennale qu'il a opposé alors que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire présentée par cette dernière après avoir constaté l'absence de défaut de surveillance et l'absence de faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier en lui donnant ainsi satisfaction ne sont pas, quels que soient les motifs de ce jugement, recevables ;

Sur les conclusions présentées par Mme A :

En ce qui concerne la prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même, soit par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ; que, en matière de responsabilité médicale, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a substitué une prescription décennale à la prescription quadriennale ; que son article 101 rend le nouveau délai de prescription immédiatement applicable ; qu'en l'absence de dispositions le prévoyant expressément, il n'a pas eu pour effet de relever de la prescription les créances qui étaient prescrites en application de la loi susvisée du 31 décembre 1968 à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ;

Considérant que Mme A n'a pu connaître dans toute son étendue les préjudices dont elle entend demander réparation au centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron avant l'intervention du jugement en date du 4 juillet 2007 par lequel le tribunal de grande instance de Nîmes a déclaré l'absence de sa mère, Mme B présumée absente, disparue le 15 septembre 1981 alors qu'elle était hospitalisée dans ledit établissement hospitalier ; que le délai de prescription n'était donc pas expiré lorsque Mme A a adressé, le 6 juin 2008, une demande d'indemnité au centre hospitalier psychiatrique que ce dernier a réceptionnée le 12 juin suivant ; que le centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron n'est, par suite, pas fondé à opposer la prescription quadriennale aux conclusions de Mme A ;

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier Le Mas Careiron :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et notamment de la fiche observation médicale produite par l'appelante que Mme B a fait l'objet, à compter du 29 janvier 1980, de plusieurs périodes d'hospitalisation de courte durée au sein du centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron ; qu'elle a été admise pour la première fois au sein de cette unité psychiatrique le 29 janvier 1980 en raison d'un alcoolisme chronique et d'un état régressif pseudo-démentiel ; qu'elle a quitté cet établissement de soins le 9 février suivant après avoir été en permission le week-end précédent pour être à nouveau admise le 11 février suivant ; qu'après une autorisation de permission accordée pour le week-end du 16 février 1980, elle a réintégré ledit centre le 18 février pour le quitter le 1er mars suivant pour le domicile de ses parents avec une prescription médicamenteuse ; que lors des visites effectuées au domicile familial les 11 mars, 4 avril et 14 mai 1980, avaient été relevé, dans un premier temps, l'existence de bonnes relations entre l'intéressée et ses parents même si cette dernière avait émis le souhait de retourner vivre avec son compagnon en Suisse, et dans un second temps, le caractère préoccupant de l'état de santé de Mme B, les parents de celle-ci craignant une tentative de suicide de leur fille ; qu'il résulte également des pièces soumises au juge que Mme B a été hospitalisée dans l'Ain au mois d'octobre 1980 tout en bénéficiant de permissions de sortie les fins de semaine chez son ami en Suisse ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction que Mme B a été à nouveau admise au centre hospitalier psychiatrique Le Mas Careiron à compter du mois de juillet 1981 où, malgré la persistance d'une polynévrite des membres inférieurs d'origine alcoolique, avait été constaté au cours de son séjour une amélioration de son état psychique du fait de la disparition des fausses reconnaissances, de la tenue de propos beaucoup plus cohérents et surtout de la reprise d'une autonomie ; que, nonobstant la double circonstance que trente séances de rééducation ont été prescrites à Mme B en août 1981 et que l'un des médecins du centre hospitalier de Thonon-les-Bains qui avait assuré son suivi psychiatrique en 1979 a, dans un courrier daté du 24 juillet 1981, estimé que la gravité de son handicap imposait le recours à un hébergement en permanence dans un établissement quel qu'il soit : hôpital psychiatrique, M.A.S., hospice ou appartement appelé sans doute par anti-phrase thérapeutique alors qu'il ne ressort pas du dossier que ce praticien a revu l'intéressée en consultation, Mme A n'apporte pas la preuve que l'état de santé de sa mère nécessitait, à la date de sa disparition, une prise en charge plus accrue que celle dont elle a bénéficié en milieu ouvert au centre hospitalier Le Mas Careiron ; qu'en n'organisant pas une surveillance particulière autour de Mme B dont il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle a manifesté dans les jours qui ont précédé sa disparition des signes inquiétants d'agitation ou un désir répété de quitter l'établissement de soins, le centre hospitalier n'a pas commis de faute ;

Considérant, d'autre part, que Mme A, qui soutient que la disparition de sa mère révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service du centre hospitalier, n'apporte pas au soutien de son moyen les éléments permettant d'en apprécier le bien fondé ; qu'en l'absence d'un régime de présomption de faute applicable au cas d'espèce, aucun dysfonctionnement dans le service ne peut être relevé pour retenir la faute du centre hospitalier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens ;

Considérant que la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par chacune des parties à l'instance sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier Le Mas Careiron, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer quelque somme que ce soit à Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A quelque somme que ce soit à verser au centre hospitalier Le Mas Careiron au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées à titre principal et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le centre hospitalier Le Mas Careiron sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Eliane A et au centre hospitalier Le Mas Careiron.

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