La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2011 | FRANCE | N°08MA01656

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2011, 08MA01656


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 mars 2008, sous le n° 08MA01656, présentée pour la SOCIETE CRYSTAL, dont le siège est 28 rue Kléber, BP 93, 92322 Châtillon, pat la SCP Godart et associés, avocat ;

La SOCIETE CRYSTAL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303291en date du 1er février 2008 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Nice lui verse la somme de 244 977,46 euros hors taxes, assortie des intérêts à compter

du 23 janvier 2001, en réparation des préjudices subis dans le cadre des marc...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 mars 2008, sous le n° 08MA01656, présentée pour la SOCIETE CRYSTAL, dont le siège est 28 rue Kléber, BP 93, 92322 Châtillon, pat la SCP Godart et associés, avocat ;

La SOCIETE CRYSTAL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303291en date du 1er février 2008 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Nice lui verse la somme de 244 977,46 euros hors taxes, assortie des intérêts à compter du 23 janvier 2001, en réparation des préjudices subis dans le cadre des marchés conclus pour les travaux d'aménagement et de construction des bâtiments A,B et H ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice à lui verser ladite somme augmentée à compter du 23 janvier 2001 des intérêts, eux-mêmes capitalisés et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2011 :

- le rapport de Mme Markarian, rapporteur ;

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

-et les observations de Me Sécher, avocat, représentant le CHU de Nice ;

Considérant que dans le cadre de la restructuration de l'hôpital Pasteur, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice a confié à la SOCIETE CRYSTAL, par deux marchés conclus le 26 août 1997, le lot n° 8 plomberie-sanitaires d'un montant de 2 056 752 F hors taxes et le lot n° 10 équipements thermiques-désenfumage d'un montant de 4 686 372 F hors taxes ; que les travaux ont été retardés en raison de la découverte d'amiante, de travaux modificatifs, qui ont donné lieu à deux avenants, et ont été réduits s'agissant du bâtiment B, le montant respectif des marchés s'élevant en définitive à 2 186 630,10 F hors taxes pour le lot n° 8 et à 3 823 072,86 F hors taxes pour le lot n°10 ; que la SOCIETE CRYSTAL après avoir adressé un mémoire en réclamation, puis émis des réserves sur le décompte général qui lui avait été adressé, a saisi le tribunal administratif de Nice le 9 juillet 2003 afin qu'il condamne le CHU de Nice à lui verser la somme totale de 244 977,46 euros hors taxes, assortie du paiement des intérêts à compter du 23 janvier 2001 ; que par un jugement en date du 1er février 2008, dont la SOCIETE CRYSTAL relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué du Tribunal administratif de Nice en date du 1er février 2008 :

Considérant que le Tribunal administratif de Nice, qui dirige seul l'instruction, n'était pas tenu de répondre aux conclusions de la requérante tendant à la désignation d'un expert ; que le moyen tiré de ce que le tribunal, qui a visé ces conclusions présentées à l'appui du mémoire enregistré au greffe le 19 décembre 2007, aurait omis de statuer sur lesdites conclusions, doit, par suite, être écarté ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les travaux du bâtiment A :

Considérant que la SOCIETE CRYSTAL demande que le CHU de Nice soit condamné à lui verser la somme totale de 1 042 836,87 F hors taxes, soit 158 979,45 euros ; que la SOCIETE CRYSTAL soutient que l'allongement de la durée du chantier, lié à la découverte d'amiante et à la réalisation de travaux modificatifs, lui a causé un préjudice ; qu'elle demande, d'une part, au titre des frais de structure, pour la période de mars à septembre 1998 puis de janvier à octobre 1999, pour l'encadrement du chantier 259 165,54 F hors taxes, pour le chargé d'affaire 227 777,22 F hors taxes et pour la location d'un bungalow de chantier 24 439 F hors taxes, frais que la requérante majore de 15 % au titre de frais généraux, d'autre part, une somme de 288 252 F hors taxes au titre d'une perte d'exploitation pour non facturation des travaux en 1998, enfin, une somme de 32 688,75 F hors taxes au titre d'une augmentation de 20 % du coût de la main d'oeuvre sur la période allant de mars 1998 à septembre 1998 et 133 775,76 F hors taxes compte tenu de l'importance des travaux modificatifs notifiés tardivement pour la période allant de janvier 1999 à octobre 1999 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'exécution des travaux a subi des retards importants du fait de la découverte d'amiante et de travaux modificatifs importants demandés par le maître d'ouvrage ; que si le délai d'exécution du bâtiment A, fixé d'abord au 20 janvier 1999, a été reporté au 15 juillet 1999 puis au 22 octobre 1999, et a été ainsi prolongé de neuf mois ainsi que le soutient la SOCIETE CRYSTAL, il ne résulte pas toutefois de l'instruction que la découverte d'amiante dès le commencement des travaux en mars 1998 ait donné lieu à un ajournement des travaux ; que la requérante indique elle-même, qu'au 29 mai 1998, tous les travaux possibles avant les opérations de désamiantage avaient été effectués au deuxième étage et au rez-de-chaussée, qu'elle avait poursuivi les travaux de cloisonnements, sanitaires, chauffage, désenfumage du rez-de-jardin jusqu'en juillet 1998, les travaux de désamiantage ayant été exécutés du 9 juillet 1998 au 12 septembre 1998, et que l'ordonnancement du planning initial avait repris le 3 septembre 1998 ; qu'en outre, et alors même qu'ils ont été conclus le 10 août 2001 et que l'entreprise a émis des réserves, les avenants intègrent les travaux modificatifs exécutés par l'entreprise d'un montant de 609 866,86 F pour le lot n° 10 et de 253 859,10 F pour le lot n° 8, soit un total de 863 725,96 F hors taxes ; que ces avenants ont pris en compte l'ensemble des modifications ainsi que la rémunération du titulaire des marchés, comme l'ont relevé les premiers juges ; que par suite le préjudice allégué par la SOCIETE CRYSTAL résultant tant de la présence d'amiante dans les bâtiments que de la commande de travaux supplémentaires n'est pas établi ; qu'il suit de là que la SOCIETE CRYSTAL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice relatif au bâtiment A ;

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice né de l'abandon des travaux de réhabilitation du bâtiment B :

Considérant qu'aux termes de l'article 15-1 du cahier des clauses administratives générales alors applicable : Pour l'application (...) de l'article 16, la masse des travaux s'entend du montant des travaux commandés à l'entreprise, évalués à partir des prix de base (...) / La masse initiale des travaux est la masse des travaux résultant des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus. (...) ; qu'aux termes de l'article 16-1 du même document : Si la diminution de la masse des travaux est supérieure à la diminution limite définie à l'alinéa suivant, l'entrepreneur a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de cette diminution limite. / La diminution limite est fixée : - pour un marché à prix forfaitaires, au vingtième de la masse initiale ; (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maître de l'ouvrage dans l'exercice de son pouvoir de modification unilatérale du contrat a renoncé aux travaux prévus pour le bâtiment B ; que la réduction de la masse des travaux consécutive à cette décision s'élève, d'une part, à 590 802 F hors taxes pour le marché du lot n° 8 d'un montant de 2 186 630 F hors taxes et compte tenu d'une indemnité de 9 500 F hors taxes allouée au titre des études préliminaires et de premiers travaux réalisés par l'entreprise, d'autre part, à 1 946 182 F hors taxes pour le marché du lot n° 10 d'un montant de 3 823 072,86 F hors taxes compte tenu également d'une indemnité d'un montant de 21 119 F hors taxes allouée au titre d'études préliminaires et de premiers travaux ; que l'annulation des travaux du bâtiment B a ainsi conduit à une diminution des marchés des lots n°8 et 10 d'un montant total de 2 536 984 F hors taxes ;

Considérant que cette diminution excède la limite du vingtième de la masse des travaux prévus, telle que définie à l'article 16 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, et égale à 109 331,50 F hors taxes pour le lot n° 8 et 191 153,64 F hors taxes pout le lot n° 10, soit la somme totale de 300 485,14 F hors taxes ; qu'en application des stipulations de l'article 16-1 précité, la SOCIETE CRYSTAL a par suite droit à être indemnisée du préjudice qu'elle a subi de ce fait à proportion de la diminution de la masse des travaux correspondant à la fraction de la réduction des travaux excédant la diminution limite susmentionnée et qui est égale à la différence entre 2 536 984 F hors taxes et 300 485,14 F hors taxes, soit 2 236 498 F hors taxes ;

Considérant que la SOCIETE CRYSTAL demande à ce titre le versement d'une somme de 564 110 F hors taxes, soit 85 998,02 euros ;

Considérant que la SOCIETE CRYSTAL soutient qu'avant même l'annulation des travaux du bâtiment B, elle avait engagé un certain nombre de dépenses et sollicite le versement d'une somme de 12 200 F hors taxes au titre de réunions de chantier, une somme de 6 100,90 F hors taxes au titre de réunions spécifiques avec la maîtrise d'oeuvre et une somme de 15 250 F hors taxes pour l'étude de solutions de remplacement ; que la SOCIETE CRYSTAL n'établit pas que la somme qui lui a été accordée par le CHU de Nice d'un montant de 9 500 F hors taxes pour le lot n° 8 et d'un montant de 21 119 F hors taxes pour le lot n° 10 au titre des premiers travaux ainsi réalisés serait insuffisante ;

Considérant qu'au titre des frais d'étude qu'elle a engagés avant d'être informée le 27 novembre 2000 de l'arrêt des travaux du bâtiment B, la SOCIETE CRYSTAL réclame la somme de 85 720 F hors taxes ; qu'elle justifie avoir établi le 9 mars 2000 un bilan thermique complet du bâtiment B, le 5 avril 2000 un dossier de sécurité ainsi que des schémas de désenfumage, un schéma hydraulique et aéraulique et des plans des réseaux du bâtiment ; que compte tenu de l'importance du travail réalisé par son équipe, la SOCIETE CRYSTAL a droit par suite à percevoir une indemnité à ce titre ; que le montant de l'indemnité n'étant pas sérieusement contesté, il y a lieu de condamner le CHU à verser à la SOCIETE CRYSTAL la somme de 85 720 F hors taxes ;

Considérant que la SOCIETE CRYSTAL soutient qu'à la date à laquelle elle a été informée de l'arrêt des travaux le 27 novembre 2000, il lui était impossible de trouver d'autres marchés permettant de compenser le manque à gagner ; qu'elle fait valoir, sans être sérieusement contredite, que le préjudice consécutif à la diminution de la masse des travaux est égal au bénéfice dont elle a été privé représentant 15 % du montant des marchés annulés, dûment révisé sur la base des derniers indices connus, et desquels elle a déduit le montant des travaux préliminaires qui lui ont été accordés, et doit être évalué à 400 840,90 F hors taxes, soit 61 052,92 euros ; que le CHU de Nice n'a pas contesté le mode de calcul de l'indemnité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de désigner un expert, il y lieu de faire droit à ce chef de préjudice ;

Considérant en revanche que si la SOCIETE CRYSTAL sollicite le versement d'une somme de 44 000 F hors taxes pour l'annulation de la commande des deux plafonds destinés au bâtiment B d'un montant total de 220 000 F, elle ne justifie pas avoir versé un acompte à son fournisseur, le bon de commande ne faisant pas état du versement d'un tel acompte ; que cette demande doit par suite être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SOCIETE CRYSTAL est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande concernant le bâtiment B ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement et de condamner le CHU de Nice à verser à la SOCIETE CRYSTAL une somme totale de 486 560 F hors taxes soit 74 175 euros au titre du bâtiment B ;

Sur les intérêts et la capitalisation de ceux-ci :

Considérant que la SOCIETE CRYSTAL a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 74 175 euros à compter du 23 janvier 2001, date à laquelle elle a présenté sa demande indemnitaire ; qu'à la date du 19 décembre 2007, date à laquelle la SOCIETE CRYSTAL a demandé la capitalisation des intérêts, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette date à la demande de capitalisation ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Nice une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE CRYSTAL et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er: Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 1er février 2008 est annulé.

Article 2 : Le CHU de Nice est condamné à verser à la SOCIETE CRYSTAL la somme de 486 560 F hors taxes soit 74 175 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 23 janvier 2001 ; les intérêts échus à compter du 19 décembre 2007 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le CHU de Nice versera à la SOCIETE CRYSTAL une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CRYSTAL, au CHU de Nice et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

''

''

''

''

N° 08MA01656 2

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA01656
Date de la décision : 11/07/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-05-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Indemnités.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS CHAMBONNAUD - BAGNOLI - SECHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-07-11;08ma01656 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award