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04/07/2011 | FRANCE | N°10MA04677

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 04 juillet 2011, 10MA04677


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 décembre 2010, sous le n° 10MA04677, présentée pour M. Jashim A demeurant chez ...), par Me Michel, avocat ;

M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006051 du 23 septembre 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2010 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière, la décision du mêm

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 décembre 2010, sous le n° 10MA04677, présentée pour M. Jashim A demeurant chez ...), par Me Michel, avocat ;

M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006051 du 23 septembre 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2010 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière, la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ainsi que la décision de placement en rétention et à enjoindre au préfet, sous astreinte de 200 euros, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté en tant qu'il porte reconduite à la frontière et fixe le Bangladesh comme pays de destination de celle-ci ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation administrative et de prendre une décision dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Michel, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, celui-ci s'engageant à renoncer alors à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

......................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 79- 587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la cour administrative d'appel portant délégation pour l'exercice des compétences prévues par l'article R. 776-19 du code de justice administrative ;

Vu l'article 1er du décret du 27 janvier 2009 qui autorise la Cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, situant l'intervention du rapporteur public avant les observations des parties ou de leurs mandataires ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir, en séance publique le 10 juin 2011, présenté son rapport et entendu les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant que M. A fait appel du jugement n° 1006051 du 23 septembre 2010 par lequel magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 19 septembre 2010 par le préfet des Bouches-du-Rhône ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité bangladaise, s'est vu notifier le 21 juillet 2009 la décision du 8 juillet 2009 par laquelle le Préfet de Police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que le recours contentieux exercé à l'encontre dudit arrêté a été rejeté par jugement n° 0920406 du Tribunal administratif de Paris en date du 14 septembre 2010 ; que si M. A, qui ne soutient ni n'établit avoir déféré à cette obligation de quitter le territoire français, fait valoir que ledit jugement ne lui a été notifié que le 21 septembre 2010, soit après l'édiction de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige, il ne l'établit pas ; qu'au demeurant, la notification d'un jugement n'a pas pour effet de le rendre exécutoire mais de faire courir le délai de recours ouvert à son encontre ; que par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône était en droit de prendre à l'encontre de M. A un arrêté de reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1-II 3°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées ; qu'il résulte en outre de ce qui précède que si le premier juge pour considérer que M. A entrait dans le champ d'application de ces dispositions a, à juste titre au regard des pièces produites devant lui, considéré que celui-ci ne justifiait pas avoir déposé un recours à l'encontre de l'arrêté en date du 8 juillet 2009, notifié le 21 juillet 2009, cette erreur de fait est sans incidence sur la solution du litige ;

Considérant par ailleurs, qu'en précisant que si M. A faisait valoir qu'il avait sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade et que, postérieurement à cette demande déposée le 5 août 2008, il s'était vu notifier le 21 juillet 2009 une décision de refus d'admission au séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire, le premier juge n'a pas entaché son jugement d'une erreur de fait ;

Considérant que les exigences de motivation d'une décision administrative défavorable, notamment d'un arrêté de reconduite à la frontière, n'imposent pas à l'autorité compétente de mentionner, dans le détail, les circonstances propres à la situation personnelle du destinataire de ladite décision mais uniquement d'énoncer les considérations de droit et de fait sur laquelle elle se fonde ; que ledit arrêté vise expressément l'article L. 511-1-II-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel il se fonde et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les considérant mentionnent, entre autres, sa date, son lieu de naissance et sa nationalité ; qu'il est rappelé la situation personnelle du requérant depuis son entrée en France en particulier les différents refus opposés à ses demandes réitérées d'obtention du statut de réfugié et le fait qu'il s'est vu opposer un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifié le 21 juillet 2009 ; qu'il est enfin indiqué qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté litigieux comprend les considérations de fait et de droit suffisantes pour appuyer la décision du préfet ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

Considérant, qu'aux termes de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que M. A soutient qu'il souffre d'une hépatite B qui, devenue chronique, s'est transformée en pathologie digestive ; qu'il a fourni des certificats médicaux circonstanciés sur la gravité de la pathologie dont il souffre et qui, si le traitement venait à lui manquer, aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et qu'il ne pourrait être suivi d'une manière effective et adéquate dans son pays tant en raison de l'éloignement de son lieu de résidence que par rapport à sa situation personnelle qu'il l'empêchera de financer son traitement ; que cependant, le certificat du médecin chef du service médical de la préfecture de Police en date du 22 août 2008, s'il indique que l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale de longue durée, précise aussi que le défaut de traitement ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le requérant peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que ledit médecin chef a par ailleurs renforcé son avis en rédigeant à la main que le séjour était médicalement non justifié ; que rien dans le dossier ne permet de remettre en cause cet avis ; qu'en effet, les certificats médicaux joints au dossier, glanés dans plusieurs départements d'Ile-de-France, rédigés en des termes très généraux par des médecins non spécialistes, parfois explicitement sous réserve de l'authenticité des documents présentés, ne permettent pas de démontrer la gravité et l'évolution de la pathologie de M. A, ni qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine ; que de même les ordonnances jointes au dossier ne démontrent pas une prise en charge lourde mais des prescriptions concernant des troubles gastriques légers et des affections la plupart du temps sans rapport, même éloigné, avec une hépatite B ; qu'ainsi il ressort des pièces du dossier que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité ;

Considérant, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que M. A, ressortissants bangladais âgé de 37 ans, soutient être arrivé sur le territoire en août 2004, soit à l'âge de 31 ans ; que s'il fait valoir qu'il vit en concubinage avec une compatriote qui attend un enfant de lui, il n'établit pas l'effectivité et l'ancienneté de ce concubinage alors qu'ils ont déclarés deux adresses différentes ; que par ailleurs, il ressort des pièces au dossier que son épouse et ses deux enfants résident toujours au Bangladesh au domicile des parents du requérant ; que sa fratrie vit également dans son pays d'origine ; que, dès lors, ces éléments et notamment les conditions et la durée de son séjour sur le territoire ne sont pas de nature à faire regarder ledit arrêté comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privé et familiale en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que de même, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu, sans se méprendre sur la réalité de la situation de M.A, décider de le reconduire à la frontière ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, que la décision de reconduire M. A à destination du Bangladesh est suffisamment motivée au regard de l'ensemble de sa situation personnelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que M. A soutient qu'il est recherché par les forces au pouvoir pour ses activités politiques dans l'opposition et que plusieurs membres de sa famille sont emprisonnés ou poursuivis arbitrairement, qu'il est lui-même condamné à une peine de 14 ans de prison pour des faits qu'il aurait commis alors qu'il se trouvait déjà en France, qu'il risque donc personnellement d'être exposé à une arrestation arbitraire suivie d'actes de torture en cas de retour dans son pays et que s'il n'était pas arrêté, il sera contraint de mener une existence clandestine pour échapper aux forces au pouvoir et que ces conditions de vie ne lui permettront pas d'avoir accès aux traitements médicaux dont il a besoin ;

Considérant toutefois d'une part que l'existence des risques personnels allégués par M. A, qui au demeurant a vu à plusieurs reprises rejeter sa demande d'asile tant par l'OFPRA que par la Cour nationale du droit d'asile, en dernier lieu en 2009, au motif que ses déclarations qui ne sont assorties d'aucun élément crédible et convaincant, ne permettaient pas de tenir pour établies ses craintes de persécution, ne ressort pas des pièces du dossier ; que d'autre part, ainsi qu'il a déjà été dit, il n'est pas démontré qu'une absence de traitement aurait des graves conséquences sur la santé de M. A ; qu'ainsi le requérant n'établit pas qu'il serait, en cas de retour dans son pays d'origine, actuellement et directement exposé aux risques définis par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 19 septembre 2010 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et de condamnation présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jashim A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au Préfet de la région Provence, Alpes, Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 10MA04677
Date de la décision : 04/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-07-04;10ma04677 ?
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