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04/07/2011 | FRANCE | N°08MA02120

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2011, 08MA02120


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2008, au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02120, présentée pour la COMMUNE DE BEAUCAIRE, dont le siège est hôtel de ville place Georges Clémenceau à Beaucaire (30302) cedex, par la SCP Scheuer-Vernhet, avocat ;

La COMMUNE DE BEAUCAIRE demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0603739 en date du 7 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à ce que la société Agence Paysages et la société Beterem Infrastructures soient condamnées à lui

verser la somme de 133 504,75 euros en réparation des désordres affectant la voi...

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2008, au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02120, présentée pour la COMMUNE DE BEAUCAIRE, dont le siège est hôtel de ville place Georges Clémenceau à Beaucaire (30302) cedex, par la SCP Scheuer-Vernhet, avocat ;

La COMMUNE DE BEAUCAIRE demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0603739 en date du 7 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à ce que la société Agence Paysages et la société Beterem Infrastructures soient condamnées à lui verser la somme de 133 504,75 euros en réparation des désordres affectant la voirie ;

- de condamner solidairement la société Agence Paysages et la société Beterem Infrastructures à lui verser cette somme ;

- de mettre à la charge solidaire de la société Agence Paysages et la société Beterem Infrastructures une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2011 :

- le rapport de Mme Markarian, rapporteur ;

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

- et les observations de Me Garreau, avocat, représentant la COMMUNE DE BEAUCAIRE et de Me Jeambon, avocat, représentant la société Egis Aménagement ;

Considérant que par un marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 10 mars 1999, la COMMUNE DE BEAUCAIRE a confié à la société Agence Paysages le projet de restructurer l'espace urbain de la ville ; que par un avenant en date du 15 juin 2000, le bureau Beterem Infrastructures a été désigné comme sous-traitant et chargé des questions techniques du projet ; que des marchés de travaux ont ensuite été conclus par lots afin de réaliser les travaux prévus ; qu'après réception des travaux prononcée sans réserves, des désordres sont apparus sur les passages piétons du quai du général de Gaulle et du cours Gambetta, sur les dalles des trottoirs et sur les grilles bordant les fontaines du cours Gambetta ; qu'après remise par l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier de son rapport, la COMMUNE DE BEAUCAIRE a sollicité du tribunal, le 22 juin 2006, qu'il condamne solidairement la société Agence Paysages et la société Beterem Infrastucture, aux droits de laquelle vient dans la présente instance la société Egis Aménagement, sur le fondement de la responsabilité décennale et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle eu égard aux fautes commises par la maîtrise d'oeuvre dans l'exercice de sa mission ; que la société Agence Paysages ayant opposé en défense la nullité du contrat conclu avec la COMMUNE DE BEAUCAIRE, et cette dernière n'ayant pas alors recherché la responsabilité de son cocontratant sur un autre fondement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande indemnitaire de la COMMUNE DE BEAUCAIRE par un jugement en date du 7 février 2008 dont la COMMUNE DE BEAUCAIRE relève appel ;

Sur les conclusions dirigées contre la société Agence Paysages :

Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, la COMMUNE DE BEAUCAIRE ne conteste le jugement attaqué qu'en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la société Agence Paysages sur le fondement de la garantie décennale et renonce ainsi à fonder son action, à titre principal, sur l'enrichissement sans cause ;

Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès lors qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans le département ; que l'absence de transmission de la délibération autorisant le maire à signer un contrat avant la date à laquelle le maire procède à sa signature constitue un vice affectant les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; que, toutefois, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, ce seul vice ne saurait être regardé comme d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif de Montpellier a jugé que le contrat passé le 10 mars 1999 entre la COMMUNE DE BEAUCAIRE et la société Agence Paysages devait être déclaré nul au seul motif que la délibération autorisant le maire de Beaucaire à signer le marché litigieux avait été prise le même jour et n'était par conséquence devenue exécutoire que postérieurement à la signature dudit marché, soit le 15 mars 1999, et qu'une telle circonstance faisait obstacle à ce que les stipulations du contrat soient invoquées dans le cadre du litige dont il était saisi ; que le contrat en cause étant valide, la COMMUNE DE BEAUCAIRE est recevable, sur le fondement de la garantie décennale, à demander que la société Agence Paysages soit condamnée à réparer les désordres affectant les ouvrages ; qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE BEAUCAIRE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 février 2008 ;

Sur la responsabilité de la société Agence Paysages :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que quatre des sept passages piétons, réalisés en pavés granit et posés sur une couche de fondation en grave 0/31,5 sur 25 cm d'épaisseur et grave ciment sur une épaisseur de 10 cm, présentent des orniérages et une dégradation importante des joints, que les dalles en pierre couvrant les trottoirs notamment entre le quai du général de Gaulle et le cours Gambetta, les bordures et dalles situées à l'angle du quai du Général de Gaulle ainsi que les dalles situées sur le passage piétons à l'entrée de la rue de l'Hôtel de ville ont été dégradées ou cassées, que les grilles formant un caillebottis autour des deux fontaines ont été cassées ; que ces désordres, en voie d'aggravation constante, et qui ont nécessité des mesures conservatoires de nature à pallier leur dangerosité, sont de nature à rendre lesdits ouvrages impropres à leur destination ;

Considérant qu'en premier lieu, et alors que la réception de la fontaine située rue Laget avait eu lieu le 28 mars 2003, trois grilles étaient déjà cassées dès le mois de septembre 2003 et huit l'ont été avant que des travaux de reprise ne soient décidés par la COMMUNE DE BEAUCAIRE en raison de la dangerosité de l'ouvrage pour les piétons ; qu'alors même que l'expert ne s'est pas prononcé sur ces désordres dans la mesure où les travaux de réfection ont dû être réalisés avant même qu'il se soit rendu sur les lieux, il résulte de l'instruction, notamment de l'avis du service départemental de l'architecture et du patrimoine en date du 3 août 2001, qui préconisait plutôt une margelle basse en pierre, que la conception même du projet est à l'origine des désordres, qui sont imputables par suite à la société Agence Paysages ; qu'en deuxième lieu, les désordres affectant quatre des sept passages piétons, le passage situé à l'angle du quai du général de Gaulle et de la rue de l'Hôtel de ville comme le passage piétons situé à l'entrée de la rue de l'Hôtel de ville résultent de la sous-estimation des charges routières, les revêtements ayant été conçus et réalisés pour une circulation des véhicules à 30 km/ heure ; que si la COMMUNE DE BEAUCAIRE avait dans un premier temps envisagé une telle limitation de vitesse, elle avait toutefois informé le maître d'oeuvre de l'opposition de la direction départementale de l'équipement à un classement en zone 30 du quai du général de Gaulle lors de la réunion de chantier du 13 décembre 2001 et indiqué que le contexte d'une zone à 30 km/heure n'étant pas définitivement arrêté, il convenait de revoir la structure du pavement ; que les désordres en cause sont par suite de nature à engager la responsabilité de la société Agence Paysages qui n'a pas pris en compte cette nouvelle option ; que, toutefois, en s'abstenant de prendre une position définitive sur la limitation de vitesse dans cette zone urbaine, la COMMUNE DE BEAUCAIRE a commis une faute de nature à exonérer l'agence Paysages du tiers de sa responsabilité ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction notamment du rapport de l'expert que la dégradation des dalles de revêtement des trottoirs, qui sont cassées ou descellées, résultent du stationnement et de la circulation des véhicules sur les trottoirs, les bornes et balises destinées à empêcher cet empiètement ayant été cassées ou ayant disparu ; qu'il en résulte que ces derniers désordres ne sont imputables ni à la conception ni à l'exécution de l'ouvrage ;

Sur le préjudice :

Considérant, d'une part, que la COMMUNE DE BEAUCAIRE justifie des travaux de modification des caillebotis des fontaines à hauteur de 15 564,75 euros hors taxes ; que, d'autre part, les travaux de reprise des passages pour piétons situés entre le quai du général de Gaulle et le cours Gambetta, à l'entrée de la rue de l'Hôtel de ville comme à l'angle du quai du général de Gaulle et de la rue de l'hôtel de ville s'élèvent, selon l'expert, à la somme non utilement contestée de 91 790 euros hors taxes ; que compte tenu du partage de responsabilité précédemment indiqué, il y a lieu de mettre à la charge de la société Agence Paysages la somme de 61 193,33 euros hors taxes ;

Considérant, en revanche, que la COMMUNE DE BEAUCAIRE ne justifie pas de la réalité du préjudice moral qu'elle allègue ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme totale de 76 758,08 euros sera ainsi mise à la charge de la société Agence Paysages ;

Sur les intérêts et la capitalisation de ceux-ci :

Considérant que la COMMUNE DE BEAUCAIRE demande, dans son mémoire enregistré au greffe le 18 février 2011, que les sommes auxquelles la société Agence Paysages pourrait être condamnée à lui verser soient assorties des intérêts au taux légal et la capitalisation desdits intérêts ; que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, la COMMUNE DE BEAUCAIRE a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 76 758,08 euros à compter du 22 juin 2006, date à laquelle elle a saisi le tribunal administratif de sa demande indemnitaire ; qu'à la date du 18 février 2011, date à laquelle la commune a demandé la capitalisation des intérêts, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette date à la demande de capitalisation ;

Sur les conclusions en garantie présentées par la société Agence Paysages :

Considérant que la société Beterem Infrastructures est intervenue dans la conception et la maîtrise d'oeuvre d'une partie des travaux en cause en vertu d'une convention conclue avec la société Agence Paysages, la COMMUNE DE BEAUCAIRE n'étant pas partie à ce contrat ; que le juge administratif est dès lors incompétent pour connaître des conclusions présentées par la société Agence Paysages tendant à ce que la société Beterem Infrastructures la garantisse des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais d'expertise ordonnés en référé sont mis à la charge de la société Agence Paysages ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE BEAUCAIRE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Agence Paysages demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Agence Paysages une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE BEAUCAIRE et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par la société Beterem Infrastructures, aux droits de laquelle est venue la société Egis Aménagement dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 16 mai 2008 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la COMMUNE DE BEAUCAIRE dirigées contre la société Agence Paysages.

Article 2 : La société Agence Paysages est condamnée à verser à la COMMUNE DE BEAUCAIRE une somme de 76 758,08 euros hors taxes. Cette somme portera intérêts à compter du 22 juin 2006 ; les intérêts échus à compter du 18 février 2011 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions en garantie de la société Agence Paysages sont rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé sont mis à la charge de la société Agence Paysages.

Article 6 : La société Agence Paysages versera à la COMMUNE DE BEAUCAIRE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions de la société Agence Paysages et de la société Beterem Infrastructures, aux droits de laquelle est venue la société Egis Aménagement, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE BEAUCAIRE, à la société Agence Paysages, à la société Egis Aménagement et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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N°08MA02120 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA02120
Date de la décision : 04/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SCP SCHEUER - VERNHET et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-07-04;08ma02120 ?
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