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04/07/2011 | FRANCE | N°07MA03638

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2011, 07MA03638


Vu la requête, enregistrée le 31 août 2007, présentée pour le Port autonome de Marseille, dont le siège est 23, place de la Joliette à Marseille (13002), par Me Gobert ;

Le Port autonome de Marseille demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0505245 en date du 19 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône le somme de 125 378,07 euros au titre des arrérages échus de la pension que la caisse a servi aux ayants droit de M. A et les arrérages à échoir au fur

et à mesure des paiements ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter la condamnati...

Vu la requête, enregistrée le 31 août 2007, présentée pour le Port autonome de Marseille, dont le siège est 23, place de la Joliette à Marseille (13002), par Me Gobert ;

Le Port autonome de Marseille demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0505245 en date du 19 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône le somme de 125 378,07 euros au titre des arrérages échus de la pension que la caisse a servi aux ayants droit de M. A et les arrérages à échoir au fur et à mesure des paiements ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter la condamnation totale à la somme de 128 040,43 euros ;

3°) de mettre à la charge de la caisse la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2011 :

- le rapport de M. Iggert, conseiller ;

- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite d'un accident mortel dont a été victime M. A, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a indemnisé ses ayants droits et a demandé au Port autonome de Marseille, aux droits duquel vient le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE, qu'elle estimait responsable de l'accident, le remboursement des frais et prestations qu'elle a versés ; que le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE interjette appel du jugement en date du 19 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 125 378,07 euros au titre des arrérages échus de la pension que la caisse a servis aux ayants droit de M. A et les arrérages à échoir au fur et à mesure des paiements ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il n'y a pas lieu en principe d'appeler en la cause les parties d'un procès pénal relatif aux mêmes faits que ceux dont la Cour a à connaître ;

Considérant toutefois qu'aux termes de L. 361-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable : L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement ; que cette obligation, si elle a pour objet de permettre la mise en cause de la victime ou de ses ayants droits dans les litiges opposant la caisse et le tiers responsable de l'accident, n'est pas sanctionnée, au bénéfice de la victime et ses ayants droits, par la possibilité reconnue aux seuls caisses de sécurité sociale et tiers responsable de demander l'annulation du jugement prononcé sans que le tribunal ait été informé de la qualité d'assuré social du demandeur ; que le juge n'a, de ce fait, pas à prononcer d'office la mise en cause de la victime ou de ses ayants droits ; qu'ainsi, le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE n'est pas fondé à soutenir que le jugement aurait été rendu à la suite d'une procédure irrégulière ;

Considérant que si le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE soutient que les premiers juges se seraient abstenus de motiver le jugement s'agissant de la notion de travail en commun et n'auraient pas apporté de réponse à chacun de ses arguments, il résulte de l'instruction que le jugement a apprécié l'existence d'un travail en commun, a écarté le moyen présenté par le port et que le tribunal n'était pas tenu pour ce faire d'apporter une réponse à chaque critique évoquée sur ce point ;

Sur le fond :

Considérant qu'il résulte du jugement correctionnel du 1er décembre 2000 du Tribunal de grande instance de Marseille que M. A, employé de la société Sidd Help Environnement, était chargé par une commande du 9 décembre 1994 d'effectuer, pour analyse diélectrique, des prélèvements d'échantillons de pyralène contenu dans les 118 transformateurs du port alimentant les pompes permettant de vider les formes de radoub pour mettre les navires en cale sèche ; qu'il était accompagné, dans l'exécution de sa mission, par M. B, employé du port dont la mission consistait à effectuer les opérations de consignation destinées à mettre les transformateurs hors tension pour que M. A puisse effectuer le prélèvement ; que le transformateur auxiliaire T 25, contrairement aux transformateurs précédents, comportait deux cadenas sur le sectionneur se trouvant en haut du transformateur et que la clef de l'un d'entre eux était introuvable ; que M. B a sectionné le cadenas dont la clef n'avait pu être trouvée ; que, malgré cette opération, et eu égard aux caractéristiques techniques de cet appareil, le transformateur n'était pas mis hors tension ; que M. A a trouvé la mort en tentant d'effectuer, après les opérations de M. B, le prélèvement en cause ;

En ce qui concerne l'existence d'une faute :

Considérant qu'il n'existait au sein de l'établissement public aucune délégation en matière de sécurité et que la procédure de consignation n'était pas mise en oeuvre pour des raisons de commodité et de simplification ; que M. B, choisi par le port pour effectuer les opérations de consignation, n'était pas habilité pour accomplir des tâches de cette nature alors que le port disposait au sein de la même équipe de 18 personnes ayant une telle qualification ; qu'aucune information spécifique ne lui a été délivrée ; qu'après s'être rapproché de son contremaître pour recevoir d'éventuelles consignes pour manipuler le transformateur auxiliaire T 5 présentant des caractéristiques spécifiques, aucune directive n'avait été transmise à M. B pour surmonter la difficulté à laquelle il était exposé ; qu'ainsi, le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE a, ce faisant, commis une négligence, en s'abstenant d'exercer une surveillance de la sécurité des opérations, constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;

En ce qui concerne l'existence d'un droit à remboursement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable : Sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 52-5, L. 454-1, L. 455-1 et L. 455-2, aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ; qu'aux termes de l'article L. 454-1 du même code : Si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses primaires d'assurance maladie sont tenues de servir à la victime ou à ses ayants droit les prestations et indemnités prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident, dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise. Si la responsabilité du tiers est partagée avec l'employeur, la caisse ne peut poursuivre un remboursement que dans la mesure où les indemnités dues par elle en vertu du présent livre dépassent celles qui auraient été mises à la charge de l'employeur en vertu du droit commun ;

Considérant que si le port autonome de Marseille n'était pas employeur de la victime, le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE indique que les conditions de l'intervention devaient faire regarder M. A comme ayant exercé un travail en commun avec l'établissement public et qu'il ne peut dès lors, alors même qu'il serait auteur de l'accident, être regardé comme un tiers à l'encontre duquel la victime ou la caisse peut demander réparation ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que même si les opérations de prélèvement étaient exécutées par M. A immédiatement après la mise hors tension effectuée par l'employé du port et que M. A devait patienter jusqu'à l'achèvement de la consignation avant d'intervenir, l'opération en cause ne saurait être regardée comme placée sous la direction unique de l'établissement public ; que les deux opérations n'étaient pas exécutées chacune de manière collective et qu'elles ne peuvent être regardées comme indissociables dès lors que la consignation ne devait pas nécessairement précéder immédiatement le prélèvement ; qu'enfin, il n'y a pas eu de concertation préalable plus poussée que celle normalement effectuée lors de la passation d'une commande de fourniture de service ; qu'en s'estimant incompétent pour se prononcer sur la demande indemnitaire présentée devant lui par les ayants droit à l'encontre du port, le juge pénal, dont les appréciations sur ce point n'ont au demeurant pas autorité de la chose jugée et qui n'a pas motivé son rejet, n'a pas retenu l'existence d'un travail en commun ; qu'ainsi, la situation en cause ne saurait être regardée comme un travail en commun et le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE ne peut être regardé comme l'employeur ou le préposé de celui-ci au sens de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

En ce qui concerne le partage de responsabilité :

Considérant que la circonstance que le juge pénal ait condamné l'employeur de M. A en raison de l'absence de plan de prévention, dont la tenue s'impose en cas de contact avec un produit dangereux au nombre desquels figure le pyralène, n'est pas de nature à le faire regarder comme responsable de la survenue de l'électrocution mortelle en cause ; que, par ailleurs, l'établissement public, qui ne se prévaut au demeurant pas de l'existence d'une faute personnelle de son préposé, ne peut demander que sa responsabilité soit partagée avec son contremaître ; que le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE doit être regardé comme seul responsable du préjudice que M. A, participant au travail public, a subi ;

En ce qui concerne l'étendue des prestations dont la caisse peut obtenir le remboursement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 454-1 précité du code de la sécurité sociale, si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière, la caisse n'est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge qu'à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ;

Considérant que le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien compte tenu de ses propres revenus ; qu'il résulte de l'instruction que M. A, alors âgé de 30 ans, percevait un salaire annuel de 28 508 euros ; qu'alors même que Mme A aurait perçu des revenus, M. A doit être regardé comme ayant contribué à l'entretien de son épouse à hauteur de 40 % de ses revenus et de son fils à hauteur de 20 % de ses revenus ; qu'après application du point de rente, l'épouse de M. A pourrait prétendre au versement de la somme de 294 550 euros et son fils à la somme de 72 680 euros ; que la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge dans cette limite ;

Considérant que la caisse justifie avoir versé au titre des frais d'obsèques et du capital décès la somme de 5 872,33 euros ; qu'elle justifie également avoir versé, en application des dispositions des articles R. 434-7 à R. 434-29 du code de la sécurité sociale, une rente aux ayants droits, dont les arrérages échus pour Mme A correspondent à la somme de 79 671,49 euros et, pour son fils, à la somme de 39 835,25 euros ; qu'en tenant compte des arrérages restant à verser, la caisse justifie d'être obligée à hauteur d'un montant de 300 809,86 euros ;

Considérant ainsi, et bien qu'il ne résulte pas de l'instruction que les ayants droit de M. A aient demandé la condamnation du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE à l'indemnisation de leurs préjudices résultant de l'atteinte à l'intégrité physique de M. A, il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'ils pourraient prétendre à une somme excédant le montant des prestations de 300 809,86 euros dont la caisse demande le remboursement ; que la caisse est ainsi fondée à obtenir du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE le remboursement des prestations qu'elle a servies ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille l'a condamné au remboursement des frais exposés par la caisse ; qu'il ne peut ainsi prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, présentées sur le même fondement et de mettre à la charge du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE la somme de 1 500 euros ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE est rejetée.

Article 2 : Le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE versera à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et à Mme A et son fils.

Copie en sera adressée à Me Allegrini, Me Gobert et au préfet des Bouches-du-Rhône.

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N° 07MA03638 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA03638
Date de la décision : 04/07/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-07-01-07 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS GÉNÉRALES. DEVOIRS DU JUGE. - RECOURS SUBROGATOIRE PRÉSENTÉ PAR LA CAISSE DE SÉCURITÉ SOCIALE - OBLIGATION POUR LA CAISSE D'APPELER EN DÉCLARATION DE JUGEMENT COMMUN LA VICTIME - EXISTENCE - OBLIGATION POUR LE JUGE DE METTRE D'OFFICE EN CAUSE LA VICTIME À DÉFAUT À PEINE D'IRRÉGULARITÉ - ABSENCE (1).

54-07-01-07 L'obligation pour la caisse d'appeler en déclaration de jugement commun la victime directe n'est pas sanctionnée, au bénéfice de la victime et de ses ayants droit, par la possibilité de demander l'annulation du jugement prononcé. Le jugement n'est dès lors pas irrégulier si le juge n'y procède pas d'office.[RJ1].


Références :

[RJ1]

comp CE 18 février 2009 n°305810 Mme Visval.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Julien IGGERT
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SCP GOBERT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-07-04;07ma03638 ?
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